Partez d’un préalable : pour un règlement serein de la succession, mieux vaut anticiper les conséquences civiles et fiscales de la transmission de votre patrimoine à votre décès. Ce qui commence par le fait de s’interroger sur vos objectifs. Est-ce de laisser à disposition du conjoint des liquidités suffisantes ? De lui attribuer la jouissance de tout ou partie du patrimoine ? D’assurer une stricte égalité entre les enfants ? De limiter les droits de succession ? Répondre à ces questions est un premier point d’étape avant de prendre les décisions idoines.
Vous avez dit « à titre gratuit » ?
Il faut aussi bien s’entendre sur ce que recouvre les termes employés. On parle de mutation à titre gratuit quand l’opération est faite sans contrepartie au profit de celui qui la consent. Il en existe deux types : la donation qui est réalisée du vivant du donateur et la succession au moment du décès.
Les droits à payer, dits « droits de mutation à titre gratuit », dus à l’État, sont déterminés après application d’un abattement. Leur niveau est dépendant du lien de parenté qui unit le donateur ou défunt du donataire ou héritier. Le tout répond aux règles du droit civil. Rappel : seuls le conjoint survivant et le partenaire d’un PACS bénéficient d’une exonération totale des frais de succession.
Du civil au… fiscal
Le notaire chargé de la succession effectue le rapport civil pour établir le partage du patrimoine et calculer les droits de mutation. Il doit bien sûr veiller à ce qu’aucun héritier réservataire ne soit lésé dans le cadre du règlement de la succession. Le rapport civil tend en effet à rétablir l’égalité entre les héritiers. Sachez que certaines donations ne sont pas prises en compte dans le rapport civil : c’est le cas de la donation faite hors part successorale de la donation-partage ainsi que des présents d’usage.
Le rapport fiscal permet, lui, de calculer les droits de succession dus par les différents ayants droit, après réintégration des éventuelles donations. Important : les donations datant de plus de 15 ans, y compris les dons manuels, sont exclues du rapport fiscal, à condition qu’elles aient été déclarées aux services fiscaux. C’est une des raisons pour lesquelles il est préférable d’anticiper sa succession pour profiter des possibilités offertes par les donations puisque les abattements se reconstituent tous les quinze ans.
Gare aux conflits
Le décès d’un parent peut provoquer la remontée de problèmes présents dans la fratrie. Si vous n’avez pas anticipé votre succession, vos héritiers peuvent se retrouver en indivision, ce qui va nécessiter l’accord de tous pour vendre un ou plusieurs biens. Cette situation est souvent à l’origine de différends entre les cohéritiers, nul n’étant contraint de rester dans l’indivision (article 815 du Code civil).
À l’ouverture d’une succession, chaque héritier doit déclarer ce qu’il a reçu du défunt (dons manuels et donations), ainsi que l’usage qu’il en a fait. Attention, la valeur des donations sous forme d’argent est fixée au jour de la donation, mais elle est automatiquement revalorisée au jour du décès si la somme a été utilisée pour un investissement. De quoi diminuer la part d’héritage de celui qui a investi, qui pourra être tenté de passer sous silence l’usage réel qu’il a fait de la donation reçue.
Trois solutions anti-conflits familiaux
Pour éviter ces écueils, vous avez trois outils majeurs à disposition.
- La donation-partage. Cet acte notarié vous permet, de votre vivant, de donner et de partager entre vos héritiers présomptifs une partie ou la totalité de vos biens. C’est une manière de leur transmettre par avance les biens de votre future succession. Intérêt clé : la valeur des biens est gelée au jour de la donation, sans réévaluation ultérieure (contrairement à un don manuel), évitant des conflits entres les enfants. Vous pouvez opter pour la réservation de l’usufruit de vos biens pour continuer à en bénéficier jusqu’à votre décès. Attention, seuls les biens dont vous êtes propriétaire au jour de l’acte de donation-partage peuvent être transmis.
- Le testament. Il s’agit d’un écrit dans lequel vous laissez vos instructions pour la transmission de vos biens, avec leur répartition entre les légataires. Attention, il existe une réserve héréditaire obligatoire pour les enfants et, à défaut d’enfant, pour le conjoint. La part réservataire représente la moitié de vos biens si vous avez un enfant, les deux tiers pour deux enfants et les trois quarts pour trois enfants et plus. Concernant le partenaire de PACS ou le concubin, le testament est nécessaire pour qu’il ait des droits dans la succession.
- L’assurance vie. À votre décès, les capitaux en compte n’intègrent pas la succession et sont transmis au(x) bénéficiaire(s) désigné(s) dans le contrat. Le souscripteur a toute liberté pour désigner le ou les bénéficiaires de son choix, voire de répartir le capital entre plusieurs personnes. Voilà qui fait de l’assurance vie un outil utile pour moduler la transmission de son patrimoine à son décès, d’autant que le cadre fiscal est attractif avec notamment un abattement de 152 500 euros par bénéficiaire pour les versements effectués avant les 70 ans de l’assuré.
De l’utilité de la donation avec réserve d’usufruit
Ce type de donation permet d’anticiper une transmission partielle de son patrimoine en commençant à donner la nue-propriété d’un bien au profit de vos enfants tout en conservant l’usufruit de ce même bien. Ainsi, le démembrement permet, d’une part de réduire les droits de mutation dus par le donataire en diminuant l’assiette taxable et, d’autre part, de vous assurer la jouissance de ces biens en votre qualité d’usufruitier. Par ailleurs, à votre décès, la pleine propriété des biens donnés se reconstituera sur la tête du nu-propriétaire, sans taxation ni formalité à effectuer.