Il faut commencer par rappeler que l’assurance vie baigne dans un cadre juridique particulier. Au décès de l’assuré, le capital du contrat n’est en effet pas soumis aux règles de partage entre les héritiers. En effet, la « clause bénéficiaire » permet de désigner le(s) bénéficiaire(s) du contrat d’assurance vie après le décès. Le titulaire du contrat d’assurance vie dispose d’une grande liberté pour rédiger cette clause au sein de son contrat. Nul ne pourra s’y opposer, sauf si les versements sont « manifestement exagérés », auquel cas les héritiers réservataires pourraient demander en justice leur réintégration dans la succession.
Augmenter la part du conjoint
Généralement, au sein d’un couple marié, le conjoint survivant est désigné comme premier bénéficiaire en cas de décès. Cependant, il n’existe pas nécessairement de clause par défaut prévue au contrat et il est donc préférable de sélectionner une clause standard pour que le conjoint soit inscrit en tant que tel. Dès lors, il percevra le capital sans imposition, quel que soit son montant, puisque le conjoint est totalement exonéré de droits de succession. L’assurance vie constitue ainsi un bon moyen pour gratifier son conjoint en augmentant sa part de patrimoine reçue en pleine propriété, le capital versé par l’assureur étant juridiquement un bien propre.
Rappel
La part de patrimoine du conjoint au décès dépend de plusieurs facteurs que sont le régime matrimonial, le nombre d’enfants, l’existence d’un testament, etc.
Attention au régime matrimonial
Pour utiliser l’assurance vie efficacement, il faut toujours commencer par faire un point précis sur le pôle familial, donc sur le régime matrimonial choisi par le couple et ses conséquences de sa dissolution par divorce ou décès. Près de 90 % des couples sont mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts (dit aussi régime légal, sans contrat). Si un seul membre du couple souscrit une assurance vie au profit de son conjoint, seul le souscripteur aura tout pouvoir sur le contrat pour y effectuer les actes de gestion… alors que ce contrat aura été alimenté par des deniers présumés communs.
Il est donc important de distinguer les deniers propres des deniers communs. En cas de souscription avec des deniers propres, le souscripteur aura intérêt à joindre une clause d’emploi ou de remploi de fonds propres, sinon ils seront présumés communs une fois investis dans le contrat.
Les atouts de la souscription croisée
Dans le cas d’une souscription de contrats croisés, chaque époux souscrit un contrat d’assurance vie en désignant l’autre comme bénéficiaire. Ainsi, pour les couples mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, la souscription croisée d’un contrat par chaque conjoint, alimenté par des montants égaux, est une solution simple et efficace pour éviter quelques complications. En effet, en cas de divorce, chacun conserve son contrat, mais il faudra tenir compte de leur valeur de rachat pour le partage global du patrimoine. En cas de décès d’un conjoint, le survivant conserve son contrat. Civilement, la valeur du contrat fera partie de l’actif de la communauté, mais fiscalement il ne sera pas taxable aux droits de succession pour les héritiers (cf. Réponse ministérielle Ciot 23 février 2016). Quid des capitaux issus du contrat du conjoint décédé ? Si c’est au profit du conjoint, il recevra les capitaux sans qu’une récompense ne soit due à la communauté. De quoi faire de l’assurance vie un outil privilégié pour (sur)protéger un conjoint commun en biens.
Alternative
Pour un couple marié sous le régime de la communauté, on peut réaliser une souscription conjointe d’un contrat d’assurance vie. Le contrat se gère alors à deux, en bonne cohérence avec le régime matrimonial. En cas de divorce, la valeur du contrat sera partagée en deux, mais le contrat devra très probablement être fermé pour récupérer les fonds.
De l’importance de la clause bénéficiaire
La rédaction de la clause bénéficiaire, qui va déterminer la gratification, est à réaliser avec beaucoup de soin. On peut aujourd’hui aménager les clauses bénéficiaires, par exemple avec différentes options de choix pour le conjoint survivant, qui permettent de s’adapter aux besoins réels de ce dernier au moment du dénouement du contrat par décès et ainsi, d’optimiser la transmission des capitaux décès selon les situations. Par exemple, pourquoi ne pas répartir l’attribution du capital entre le conjoint et les enfants. On pourra également envisager le démembrement de la clause bénéficiaire, en désignant le conjoint comme usufruitier et le(s) enfant(s) comme nu(s)-propriétaire(s).
Attention
Pour désigner son conjoint comme bénéficiaire, on indiquera sa qualité de « conjoint » et non son nom et prénom, car en cas de divorce, ce dernier conserverait le bénéfice du contrat.
Mariés en séparation des biens
Pour les couples mariés sous ce régime, chacun dispose de ses biens propres ou personnels. Mieux vaut donc souscrire un contrat individuellement, contrat qui sera alimenté par des fonds propres à chacun des époux. Il est préférable de joindre aux versements une déclaration d’origine des capitaux pour lutter contre la présomption d’indivision. La désignation du bénéficiaire est libre puisque les fonds sont propres. Mais s’il y a une distorsion de patrimoine (probable sous ce régime), se pose la question de la protection de son conjoint.
Conseil : l’époux qui a le plus de patrimoine souscrit une assurance vie en désignant son conjoint comme bénéficiaire de premier rang, éventuellement en usufruit. Ensuite, il sera là aussi utile d’aménager le régime matrimonial pour davantage protéger le conjoint, en y adjoignant une société d’acquêts.
Et en communauté universelle ?
Sous ce régime matrimonial, l’assurance vie se noie dans la masse du patrimoine commun des deux époux. Et pour cause, dans le cadre de la communauté universelle (avec clause d’attribution intégrale au conjoint survivant) et en cas de décès, le conjoint survivant conserve la totalité du patrimoine hors succession. Ce qui était aux deux est transféré au conjoint survivant, lequel continue à gérer le(s) contrat(s) et peut y effectuer des rachats en bénéficiant de l’antériorité fiscale du contrat.
Et au décès du second conjoint ? Les bénéficiaires désignés récupéreront le capital hors succession en profitant des avantages fiscaux de l’assurance vie.
Toutefois, pour les couples mariés en communauté universelle, l’assurance vie peut aussi être un bon moyen d’aider ses enfants dès le décès du premier conjoint en les désignant comme bénéficiaires des contrats souscrits.