Pour optimiser la transmission de son patrimoine financier comme immobilier, notamment sur le plan fiscal, il faut s’y prendre de son vivant. Rappel préalable, le conjoint ou partenaire pacsé survivant est exonéré de droits de succession en toutes circonstances. Les héritiers réservataires, à savoir les enfants (ou petits-enfants par représentation), sont eux soumis à un barème progressif de taxation sur le patrimoine perçu. Partant de là, que faire ?
Des donations de son vivant
C’est la première piste à explorer. Par définition, la donation vous permet d’anticiper la transmission de votre patrimoine en gratifiant des personnes de votre vivant. Autrement dit, il s’agit là de transmettre un morceau de votre patrimoine au bon moment pour qu’il soit utile à la personne(s) le recevant. Comment agir, en pratique ?
Le plus simple sera de recourir à un don manuel, qui revient à transmettre de la main à la main une somme d’argent ou des valeurs mobilières. Il est ici possible de recourir à un notaire, qui va rédiger l’acte, vérifier les abattements fiscaux, déposer la déclaration de don à l’administration fiscale. En cas de don immobilier, passer par un notaire est du reste obligatoire.
Il existe par-delà de nombreuses sortes de donations, dont l’intérêt est variable selon les objectifs des donateurs et les situations familiales. On peut par exemple réaliser une donation avec réserve d’usufruit pour préserver ses ressources. Autre solution : une donation-partage transgénérationnelle, permettant aux enfants de renoncer aux biens qu’ils devaient percevoir au profit de leur propres enfants. Notez enfin que des pactes adjoints à la donation peuvent en limiter les effets, notamment pour les jeunes (avec par exemple, l’impossibilité de percevoir le capital avant ses 25 ans).
Fiscalement, donner de son vivant va permettre de réduire la facture pour les héritiers au décès. De quel ordre ? Les donataires ont droit à un abattement renouvelable tous les quinze ans, n’étant taxé qu’au-delà par l’administration fiscale. Côté montants, cet abattement est de 100 000 euros pour un enfant, auquel s’ajoute le mécanisme des dons familiaux en espèces dans la limite de 31 865 euros, également renouvelables tous les 15 ans, mais à faire avant l’âge de 80 ans.
Bon à savoir
Une nouvelle exonération de droits de mutation a été instaurée par la loi de finances 2025 en faveur des dons d’argent consentis à vos proches (descendants jusqu’aux arrière-petits-enfants, ou à défaut, neveux et nièces) pour acheter ou rénover leur logement. Cette exonération qui s’applique aux dons consentis jusque fin 2026 s’applique dans la double limite de 100 000 euros par dons effectués par un même donateur à un même donataire et de 300 000 euros par donataire. Attention, ce dernier devra utiliser l’argent reçu dans les six mois pour acheter sa résidence principale (ou y financer des travaux de rénovation énergétique).
Quid de l’immobilier ? La donation démembrée est ici très utile. Il s’agit de séparer la propriété des actifs de la donation entre l’usufruit, conservé par le donateur, et la nue-propriété, transférée au donataire. Le but ? Le donateur distribue son patrimoine tout en conservant ses droits sur les biens donnés, notamment pour en tirer des revenus. Fiscalement, les droits à payer seront réduits car calculés sur la seule valeur de la nue-propriété fixée selon l’âge de l’usufruitier au moment de la donation (article 669 du Code général des impôts).
Utiliser l’enveloppe assurance vie
Outil d’épargne privilégié, l’assurance vie peut également être utilisée pour transmettre un capital financier à son décès. La raison ? Le cadre juridico-fiscal est dérogatoire au droit commun des successions, puisque l’assurance vie n’entre pas dans la succession pour le partage des biens (conformément au Code des assurances, art. L.132-12 et L.132-13). Le capital décès est attribué à la ou les personne(s), dits bénéficiaire(s), choisie(s) par le souscripteur/assuré de son vivant.
Cet espace de liberté attribué au souscripteur du contrat est la première raison de recourir à l’assurance vie en vue d’anticiper la transmission de son patrimoine. La loi ne fixe en outre aucune limite quant aux montants transmis. Ce n’est qu’en cas de versements exagérés qu’il pourrait y avoir contestation judiciaire (des héritiers par exemple). Point intéressant : il est possible de désigner plusieurs bénéficiaires pour un même capital, avec une répartition de son octroi. L’appui d’un conseiller patrimonial sera ici précieux pour faire les meilleurs choix.
Deuxième atout clé de l’assurance vie au décès : la fiscalité. Sachez que la règle de taxation du capital décès variera en fonction de l’âge de l’assuré, plus ou moins de 70 ans, au moment des versements. Quand le(s) contrat(s) a été alimenté avant 70 ans, chaque bénéficiaire a droit à un abattement de 152 500 euros sur les capitaux perçus, tous contrats confondus détenus par le défunt, l’éventuel surplus étant taxé à 20 % jusqu’à 852 500 euros puis 31,25 % au-delà. Pour les primes versées après 70 ans, c’est moins favorable, ces dernières étant soumises aux droits de succession selon le lien de parenté entre l’assuré et le bénéficiaire. Toutefois, un abattement de 30 500 euros est appliqué sur les versements (tous contrats confondus) et les intérêts générés par ces mêmes versements seront exonérés de droits.
Illustration pour le concubin, taxé dans le droit commun à 60 % sur le patrimoine transmis (après un petit abattement de 1 594 euros). Ses droits de succession seront considérablement réduits en utilisant l’enveloppe assurance vie. Dans tous les cas, l’efficacité de l’assurance vie lors du décès repose sur un élément clé de tout contrat, la clause bénéficiaire, qui doit être rédigée avec clarté pour éviter tout imbroglio au décès.
Recourir au testament
Le testament est un document écrit dans lequel sont désignés les bénéficiaires de ses biens (immobiliers, véhicules, meubles…) à son décès. Ni plus, ni moins. Le but n’est autre que de préparer sa succession, notamment la répartition de son patrimoine, avec la possibilité de privilégier un héritier, de gratifier un non-héritier, etc. Sur le plan lexical, sachez que le « testateur » est la personne qui exprime ses volontés dans le testament et que les bénéficiaires de ses biens, dits « legs », sont les « légataires ». La personne en charge de l’exécution du testament est dite « exécuteur testamentaire ».
En pratique, il est possible de faire appel à un notaire pour rédiger et conserver le testament, qui sera dit « authentique ». Mais rien d’obligatoire en la matière : vous pouvez écrire vous-même un testament olographe, à la main, daté et signé, que vous conserverez en informant des personnes de confiance de son lieu de conservation. Vous pouvez aussi le faire enregistrer auprès de l'administration fiscale ou le confier à un notaire, qui l’enregistrera au fichier central des dispositions de dernières volontés à la suite de votre décès (dans les 3 mois). Ce document peut être modifié ou annulé à tout moment.
Le testament va donc permettre de gratifier des personnes tierces pour la quotité disponible de la succession, sans pour autant jouer sur les droits à payer. Il peut aussi permettre d’avantager un enfant. C’est enfin un outil incontournable pour les couples pacsés. Car si au premier décès, le partenaire survivant bénéficie d’une exonération totale de droits de succession, il n’en demeure pas moins non-héritier de son partenaire au plan civil. La rédaction d’un testament dans lequel le partenaire est désigné légataire de tous ou de certains biens est ici une solution adaptée (et simple à mettre en place) pour le protéger (à hauteur de la quotité disponible s’il y a des enfants réservataires).
Les chausse-trappes à éviter
Une donation est, sauf exceptions, irrévocable. Il faut donc toujours prendre le temps de la réflexion, ne se défaire que d’actifs dont on est quasi-certain de ne pas avoir besoin à l’avenir. Pas évident quand on a 55 ou 60 ans et encore beaucoup d’années devant soi. Concernant l’assurance-vie, prendre soin de la clause bénéficiaire de son (ses) contrat(s) est nécessaire à double titre. Un, pour éviter les imprécisions, les clauses non remplies ou obsolètes (décès du bénéficiaire indiqué par exemple), etc. Deux, pour adapter la clause à ses buts et à sa situation familiale, par définition évolutive au fil du temps. Bonne nouvelle : une clause bénéficiaire est modifiable à tout moment et autant de fois que nécessaire par le souscripteur. Enfin, si vous avez eu recours à un testament, sachez que vous devez respecter la part revenant aux héritiers réservataires. Aucun testament ne permet de rogner la « réserve héréditaire », donc de priver un enfant de la fraction de patrimoine lui revenant. À défaut, une indemnité lui serait due.