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Biodiversité : un changement de trajectoire s’impose

La préservation et la restauration de la biodiversité constituent des enjeux de premier plan pour la survie même de l’espèce humaine.

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Ne faisant pas encore l’objet d’objectifs communs de même ampleur que ceux développés pour la seule lutte contre le changement climatique, la préservation et la restauration de la biodiversité constituent pourtant des enjeux de premier plan pour la survie même de l’espèce humaine, dépendante de la nature et des « services écosystémiques » qu’elle nous rend : la fourniture d’aliments, d’eau propre et de matériaux, la régulation des maladies et du climat, et l’accès à des cadres récréatifs et culturels clés pour notre bien-être.

Les enjeux en matière de biodiversité et de changement climatique sont d’ailleurs intrinsèquement liés, ce dernier constituant l’une des cinq pressions majeures exercées sur la biodiversité. Ainsi, les actions délétères pour la biodiversité, comme la déforestation, le sont tout autant pour le climat et, à l’inverse, les initiatives visant à préserver et à restaurer la biodiversité ont un impact favorable sur la lutte contre le changement climatique.

Changement d’utilisation des terres et des mers, surexploitation des sols, changement climatique, pollution, prolifération d’espèces invasives : ces pressions, d’origine humaine, s’accroissent et menacent les écosystèmes. La Convention pour la Diversité Biologique des Nations-Unies estime en effet que la Terre est au début de la sixième "extinction de masse", la première attribuée à l'Homme. Qu’est-ce que cela signifie ? 1 million d’espèces sont déjà menacées d'extinction selon The Global Assessment Report on Biodiversity & Ecosystem services, 2019.

Il est donc urgent d’agir et de changer de pratiques pour œuvrer à la préservation du vivant.

Biodiversité

Vers la mise en place d’un cadre mondial

La tenue de la Conférence des Nations unies sur la biodiversité (COP 15), en décembre dernier à Montréal, devrait permettre de remettre le sujet sur le devant de la scène. Des objectifs précis devraient être fixés, avec des jalons en 2030 et 2050, dans trois domaines :

  • l’augmentation de la superficie des écosystèmes naturels protégés et la préservation de leur intégrité ;
  • les contributions de la nature aux populations sont valorisées, maintenues ou renforcées grâce à la conservation et à une utilisation durable des ressources ;
  • les avantages découlant de l'utilisation des ressources génétiques sont partagés de manière juste et équitable avec l’ensemble des parties prenantes en tenant compte de l’importance des connaissances dites traditionnelles ;
  • le comblement du déficit de moyens financiers pour atteindre ces objectifs, ce dernier devant être réduit de 700 milliards de dollars par an à l’échelle des États.

Quelles sont les normes déjà en place ?

Volontaires ou règlementaires, elles s’adressent à la fois aux pouvoirs publics - notamment à l’échelle locale - , aux entreprises – le but étant d’aller vers plus de transparence en ce qui concerne leurs pratiques ayant un impact sur la biodiversité – et les investisseurs, afin qu’ils contribuent activement à l’atteinte des objectifs de la préservation et de la restauration de la biodiversité.

Du côté des investisseurs

  • En France : l’article 29 de la loi énergie-climat, qui encadre le reporting en matière de durabilité des acteurs financiers, établit depuis cette année de nouvelles exigences de transparence des institutions financières, relatives à leur prise en compte des risques liés à la biodiversité et la mesure d’impact sur celle-ci (Quelle est leur contribution à la réduction des principales pressions ? Quels sont les principaux impacts sur l’érosion de la biodiversité ?
  • À l’échelle européenne, le règlement SFDR sur la finance durable a renforcé les obligations de transparence des acteurs du marché financier en ce qui concerne les risques et les impacts des solutions d’investissements proposées d’un point de vue de la durabilité ; intégrant notamment une obligation de communiquer le pourcentage d’investissement dans des entreprises ayant des activités dans des zones sensibles de biodiversité.

Du côté des entreprises

  • La nouvelle directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), renforce les obligations de reporting des entreprises cotées et entreprises ayant plus de 500 salariés, notamment sur les aspects de biodiversité.
  • La TFND (Task Force on Nature-Related Financial Disclosures) est un cadre volontaire international en cours de développement qui vise à proposer en septembre 2023 une structure de reporting pour accompagner les entreprises et les institutions financières dans l’évaluation des risques et des impacts de leurs investissements sur la nature. 

Plusieurs leviers d’actions à disposition

Consciente de ces enjeux LBP AM et Tocqueville Finance se sont saisies du sujet de la biodiversité, en l’appréhendant sous un angle de « double matérialité », correspondant à notre approche d’investisseur responsable.

  • Les activités des entreprises ont une répercussion négative sur la nature : notre rôle d’investisseur soucieux de notre impact consiste à les sensibiliser quant à l’enjeu d’évaluer cet impact et à les accompagner dans le développement de bonnes pratiques permettant de le réduire.
  • Les entreprises sont également dépendantes du capital naturel et des services écosystémiques. Notre rôle d’investisseur engagé, à l’échelle de l’entreprise et des portefeuilles d’investissement, est d’encourager à une meilleure identification de ces dépendances pour convaincre chacun de mettre en place une bonne gestion des risques opérationnels et financiers associés à la dégradation ou à l’interruption de ces services rendus par la nature.  

Déjà intégré au travers de sa notation ESG propriétaire GREaT au sein de laquelle un critère dédié à la biodiversité permet de tenir compte des pratiques des entreprises vis-à-vis de la nature ; l’engagement de LBP AM et de Tocqueville Finance en faveur de la biodiversité a été étendu ces deux dernières années en se déployant grâce à plusieurs leviers :

1 - Une liste d'exclusion

Depuis 2019, nous avons dressé une liste d’activités exclues de l’univers d’investissement pour l’ensemble des investissements du groupe en raison de leur impact délétère sur la biodiversité.

Dans un premier temps, limitée à la problématique de la déforestation pour les producteurs de matières premières à risque (huile de palme, soja, bétail, caoutchouc, bois et cacao) ; cette liste se resserre à partir de la fin de l’année 2022 avec la publication de la politique biodiversité holistique LBPAM. Elle s’étendra aux sociétés, au sein des secteurs considérés comme les plus à risque pour la biodiversité, ayant des pratiques particulièrement délétères en comparaison avec leurs pairs et pour lesquelles aucune mesure de remédiation n’a été entreprise ; et ce en considérant l’ensemble du scope des 5 pressions définies par l’IPBES.

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2 - L'engagement actionnarial

Depuis 2019, nous avons dressé une liste d’activités exclues de l’univers d’investissement pour l’ensemble des investissements du groupe en raison de leur impact délétère sur la biodiversité.

Dans un premier temps, limitée à la problématique de la déforestation pour les producteurs de matières premières à risque (huile de palme, soja, bétail, caoutchouc, bois et cacao) ; cette liste se resserre à partir de la fin de l’année 2022 avec la publication de la politique biodiversité holistique LBPAM. Elle s’étendra aux sociétés, au sein des secteurs considérés comme les plus à risque pour la biodiversité, ayant des pratiques particulièrement délétères en comparaison avec leurs pairs et pour lesquelles aucune mesure de remédiation n’a été entreprise ; et ce en considérant l’ensemble du scope des 5 pressions définies par l’IPBES.

3 - La signature d'un engagement de place

L’objectif est de dialoguer avec les entreprises afin de comprendre leurs problématiques et les accompagner dans le changement. Le dialogue peut être entrepris collectivement avec d’autres investisseurs afin de bénéficier d’un plus fort levier d’action.

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Les échanges se concentrent alors sur des thématiques précises comme l’aquaculture durable et s’adressent aux entreprises pour lesquelles des problématiques en lien avec cette thématique ont été relevées. Ces rencontres sont souvent coordonnées par les ONG et initiatives dont LBPAM est membre.

Un second volet de l’engagement actionnarial est entrepris en individuel par LBPAM avec une sélection d’entreprises pour lesquelles un travail individuel est entrepris afin d’évaluer leur avancée dans la mise en place de mesures en faveur de la biodiversité : évaluation de leurs impacts et dépendances vis-à-vis de la biodiversité et des points de travail à adresser en priorité ; mise en place d’un plan d’action ; fixation d’objectifs ; et implémentation de bonnes pratiques. Pour les années 2022 et 2023, LBPAM a choisi de se concentrer sur le secteur des biens de consommation pour effectuer ces échanges.

Focus : comment quantifier l’impact en matière de biodiversité ?

L’empreinte biodiversité d’une entreprise est très complexe à évaluer car elle nécessite d’agréger des éléments très disparates : disparition d’espèces animales, utilisation des ressources comme l’eau, etc. Plusieurs groupes de travail en Europe s’attellent à la définition d’un outil de mesure holistique, fiable et précis, pour compléter les indicateurs plus spécifiques qui existent sur certaines thématiques

Le Global Biodiversity Score for Financial Institutions, développé par CDC Biodiversité, constitue une première approche de cette empreinte globale. Il est basé sur le GBS®, un outil qui fournit une vision synthétique de l’impact de la chaîne de valeur de l’entreprise sur la biodiversité, en appréciant l’impact de chaque entrant qui la compose. Le résultat est exprimé en Mean Species Abundance (MSA) .

Cet outil, même s’il est encore approximatif - puisqu’il se base pour partie sur des estimations - et s’il ne couvre pas toutes les entreprises – 2 600 ont à ce jour une empreinte biodiversité modélisée -, constitue un point d’entrée utile pour mesurer l’empreinte de nos portefeuilles et pour en identifier les principaux contributeurs, afin d’approfondir notre engagement auprès de ces sociétés pour les inciter à maitriser leur empreinte sur la nature.

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