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La clause bénéficiaire démembrée

Depuis une quinzaine d’années, le recours au démembrement de la clause bénéficiaire est une pratique patrimoniale en fort développement.

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Le principe est simple : il s’agit de désigner dans un contrat d’assurance vie un ou des bénéficiaires en usufruit et un ou des bénéficiaires en nue-propriété.

  • Au décès du souscripteur/assuré, le capital est versé au bénéficiaire en usufruit. Le nu-propriétaire aura une créance de restitution dans la succession de l’usufruitier.
  • Au décès du bénéficiaire usufruitier, le nu-propriétaire peut exercer une créance de restitution sur la succession de l’usufruitier.

L'usufruitier dispose, au décès de l’assuré, d'un quasi-usufruit et sera libre de consommer non seulement les intérêts des capitaux (les fruits) mais également le capital.

La seule charge du quasi-usufruitier est de restituer à son décès, un capital équivalent au nu-propriétaire. Cette restitution aura lieu sous la forme d’une créance que le nu-propriétaire pourra exercer sur la succession de l’usufruitier. Les nus-propriétaires devront au décès de l’usufruitier apporter la preuve de leur créance sur sa succession. Pour cela, ils doivent conserver les documents indiquant l’origine de la créance, c'est-à-dire le démembrement de la clause bénéficiaire (double du contrat d'origine, attestation de versement des fonds à l'usufruitier, ...).

S’agissant de capitaux relevant de l’assurance vie, le capital ainsi récupéré par le nu-propriétaire ne sera pas soumis aux droits de succession.

A quel besoin la clause bénéficiaire démembrée répond-elle ?

Puisque le capital décès est versé au quasi-usufruitier, on peut considérer que la clause bénéficiaire démembrée protège en priorité le bénéficiaire en usufruit. C’est bien lui qui disposera librement du capital décès pendant toute sa vie.

Le bénéficiaire en nue-propriété dispose lui-aussi de droits mais qui restent limités pendant la vie de l’usufruitier : il lui faut attendre le décès de l’usufruitier pour exercer sa créance de restitution.

La clause bénéficiaire démembrée protège bien, à la fois, l’usufruitier et le nu-propriétaire, mais l’un après l’autre ; tout d’abord l’usufruitier puis à son décès le nu-propriétaire. 

En bref, une clause bénéficiaire démembrée répond essentiellement à un besoin de protection de l’usufruitier et ensuite du nu-propriétaire.

Le plus souvent, la clause démembrée est utilisée dans le cadre d’une désignation du conjoint en usufruit et des enfants en nue-propriété. Elle assure ainsi la protection du conjoint survivant sans oublier les enfants qui exerceront leur créance de restitution au 2ème décès.

L’intérêt civil du démembrement de la clause est suffisamment évident pour justifier à lui seul la préconisation de ce type de désignation. « Cerise sur le gâteau », l’exercice de la créance de restitution permet de réaliser au second décès une économie de droits de succession appréciable !

La fiscalité des clauses bénéficiaires démembrées 

De la même façon que pour une clause bénéficiaire classique, la fiscalité décès attachée à une clause démembrée dépend de l’âge de l’assuré au moment du versement des primes.

Nous verrons dans cet article la fiscalité attachée aux versements avant les 70 ans de l’assuré et, dans le prochain, celle attachée aux versements après les 70 ans de l’assuré.

Versements avant les 70 ans de l’assuré

Pour rappel, lorsque les primes sont versées avant les 70 ans de l’assuré, les bénéficiaires sont redevables d’une taxe spécifique (20 % pour la fraction comprise entre 152 500 € et 852 500 € et 31,25 % pour la fraction excédant cette limite de 852 500 €) après application d’un abattement de 152 500 € par bénéficiaire.

Concernant les clauses bénéficiaires démembrées, usufruitier et nu-propriétaire sont redevables du prélèvement de 20 % pour la fraction comprise entre 152 500 € et 852 500 € et 31,25 % pour la fraction excédant cette limite de 852 500 €). Ils sont tous deux imposés au prorata de leur part leur revenant dans le capital décès.

L’abattement de 152 500 € se répartit lui-aussi entre usufruitier et nu-propriétaire à raison d’un abattement par couple usufruitier/nu-propriétaire. Si un bénéficiaire, le conjoint par exemple, est exonéré de taxation sur les capitaux décès, la part de l’abattement non utilisé sera perdue ! Elle ne se reportera pas sur les autres bénéficiaires.

À noter que, en présence d'une pluralité de nus-propriétaires, chaque nu-propriétaire partage un abattement avec l'usufruitier en fonction des droits revenant à chacun en application du barème prévu à l'article 669 du CGI. Dans cette situation, l'usufruitier ne peut toutefois bénéficier au total que d'un abattement maximum de 152 500 € sur l'ensemble des capitaux décès reçus à raison de contrats d'assurance-vie du chef du décès d'un même assuré.

La part revenant à chaque bénéficiaire en usufruit ou en nue-propriété comme la part d’abattement applicable à chacun sera calculée selon le barème fiscal de l’usufruit viager (article 669 du Code général des impôts) en fonction de l’âge de l’usufruitier au moment du décès de l’assuré.

Barème fiscal de l’usufruit viager

Âge de l'usufruitier Valeur de l'US Valeur de la NP
Moins de 21 ans révolus 90 % 10 %
Moins de 31 ans révolus 80 % 20 %
Moins de 41 ans révolus 70 % 30 %
Moins de 51 ans révolus  60 % 40 %
Moins de 61 ans révolus 50 % 50 %
Moins de 71 ans révolus 40 % 60 %
Moins de 81 ans révolus 30 % 70 %
Moins de 91 ans révolus 20 % 80 %
Plus de 91 ans révolus  10 % 90 %

Exemple

Soit une clause bénéficiaire désignant le conjoint en usufruit et les 2 enfants en nue-propriété. Le capital décès s’élève à 400 000 €. Le conjoint survivant est âgé de 85 ans au décès de l’assuré. Il existe 2 couples usufruitier/nu-propriétaire : le capital décès se répartira à hauteur de 200 000 € par couple usufruitier/nu-propriétaire.

  • La part du capital décès revenant à chaque nu-propriétaire est évaluée à : 200 000 x 80 % = 160 000 €.
  • Chaque nu-propriétaire pourra prétendre à un abattement de 80 % de 152 500€ : 122 000 €.
  • Le montant du prélèvement dû par chaque nu-propriétaire s'élève à : (160 000 - 122 000 = 18 000) x 20 % = 3600 €
  • Le conjoint bénéficiaire en usufruit est quant à lui exonéré de taxation.

Versements après les 70 ans de l’assuré

Pour rappel, l’assiette taxable comprend les primes versées au-delà du 70ème anniversaire de l’assuré après un abattement de 30 500 € pour un même assuré, tous contrats confondus. Les primes versées sont assujetties aux droits de mutation à titre gratuit (ou droit de succession) au-delà de l’abattement.

Lorsque la clause bénéficiaire est démembrée, usufruitier et nu-propriétaire sont considérés comme bénéficiaires au prorata de leur part leur revenant dans les versements, déterminée selon le barème fiscal de l’usufruit viager (voir notre article précédent).

L’abattement de 30 500 € est réparti entre usufruitier et nu-propriétaire selon le même barème fiscal.

Si un bénéficiaire est exonéré de droit de succession (conjoint, partenaire de PACS, frères et sœurs sous conditions) alors la part de son abattement se reportera sur les autres bénéficiaires.

Exemple

Soit une clause bénéficiaire désignant le conjoint en usufruit et l’enfant unique en nue-propriété. Tous les versements ont été effectués après 70 ans pour un montant de 100 000 €. Au décès, le conjoint survivant est âgé de 75 ans.

Fiscalité due par le fils :

  • Calcul de la part lui revenant dans les versements : 100 000 x 70 % = 70 000 €
  • Abattement lui revenant = 30 500 €. Il bénéficie de la totalité de l’abattement puisque le conjoint est exonéré de droit de succession.
  • Part taxable = 70 000 – 30 500 = 39 500 €
  • Si l’on considère que l’abattement personnel parent/enfant de 100 000 € est utilisé pour d’autres biens dans la succession et que la tranche marginale d’imposition aux droits de succession s’élève à 20 %, alors le nu-propriétaire devra 39 500 x 20 % = 7 900 € au titre du capital décès.

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