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Des solutions pour innover face aux inégalités territoriales et sociales de santé

La crise sanitaire a exacerbé les inégalités sociales et territoriales de santé. Elle pourrait bien impulser en retour un nouvel élan dans les dynamiques locales expérimentales visant à les résorber. Au menu, des ateliers santé Ville, des contrats locaux de santé, des conseils locaux de santé mentale et des dispositifs de médiation sanitaire. Avec comme principes cardinaux la proximité, la transdisciplinarité, la coordination et la prévention.

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Si le soin est l’affaire des soignants, la santé est du ressort des territoires. On sait en effet que les inégalités sociales de santé s’enracinent dans les conditions de vie : le logement, l’alimentation, l’éducation, l’aménagement urbain, l’emploi, les mobilités, le respect de l’environnement, les loisirs… Autant de déterminants de la santé prise au sens large, que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit comme un « état de complet bien-être physique, mental et social, ne consistant pas seulement en l’absence de maladie ou d’infirmité. »

Or la crise sanitaire du Covid-19 réactualise fortement la nécessité de coordonner les politiques locales de santé. L’épidémie a en effet frappé de manière très inéquitable, ne serait-ce que par les grandes différences de surmortalité observées, d’un territoire à l’autre.

Les collectivités, animatrices auto-désignées des stratégies territoriales de santé

La recherche d’une organisation territoriale efficiente, fluide et coordonnée de l’offre de santé constitue la colonne vertébrale du projet « Ma santé 2022 », mis en place en 2018. Avec le déploiement de 1 000 communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) d’ici à 2022, et la création en leur sein des projets territoriaux de santé, il s’agit de mettre fin à l’organisation en silo qui a séparé jusqu’ici médecine de ville et médecine hospitalière. Les collectivités territoriales sont parties prenantes de l’élaboration de ces nouveaux outils, qui, très concrètement, permettent de garantir l’accès à un médecin traitant, d’organiser une réponse aux demandes de soins non programmées, de structurer des actions de prévention, de favoriser le maintien à domicile des personnes âgées et de mieux coopérer entre médecins de toutes spécialités, notamment autour des malades chroniques.

Les dynamiques territoriales de santé relèvent, elles, d’une démarche facultative de la part des collectivités locales. Les collectivités du bloc communal ne disposent en effet d’aucune compétence obligatoire en matière d’organisation des soins et de santé. C’est donc de leur propre chef que les villes, intercommunalités et pôles métropolitains s’investissent toujours plus nombreux comme acteurs clés dans le portage, la conduite et la mise en œuvre de politiques publiques locales de santé. En particulier dans les quartiers prioritaires de la ville et les bassins de vie ruraux, certaines collectivités choisissent désormais de jouer un rôle d’ensembliers et d’animateurs de proximité des écosystèmes territoriaux de santé. Elles démontrent leur « capacité à assumer de fait un rôle d’autorité organisatrice à même de soutenir et coaliser, au plus près du terrain, un ensemble d’initiatives et de compétences.(1) »

Leurs champs d’intervention sont alors très larges. Ils couvrent la prévention et la promotion de la santé, l’accès aux soins de premier recours, les parcours de santé.

Les Ateliers santé ville : une approche intersectionnelle de la lutte contre les inégalités de santé

Lancées en 2000, les Ateliers santé ville (ASV) sont des démarches de promotion de la santé et de réduction des inégalités de santé menées en proximité, au bénéfice des habitants des quartiers de la politique de la ville. Les ASV sont portés par des collectivités territoriales (communes ou groupements) avec la désignation d’un(e) élu(e) référent(e), et est animé par un(e) coordinateur(trice). Déployées dans près de 270 sites au plan national, dans les quartiers urbains les plus sensibles, ces démarches d’animation territoriale ont pour but de participer à l’amélioration de l’état de santé des populations des quartiers les plus défavorisés. À partir des besoins locaux identifiés dans un diagnostic local partagé, la démarche est collective, partenariale et embarque, à partir d’une contractualisation avec l’État, tous les acteurs concernés : services municipaux, institutions et organismes, opérateurs publics et privés, professionnels d'horizons différents, associations, élus et habitants.

Les Ateliers santé ville ont une fonction de veille, de lanceurs d’alertes et de mobilisation. L’objectif poursuivi est à la fois d’agir sur le développement d’environnements favorables à la santé, tout en renforçant les capacités des habitants à agir sur leur propre santé.

Une enquête réalisée en 2013(2) a permis d’établir un point d’étape du déploiement des ASV. La majeure partie des ASV (88 %) était portée par des collectivités territoriales : communes (à 54%) ou centres communaux d’action sociale (à 20 %). 12% des ASV étaient portés par une association ou un Groupement d’intérêt public (GIP). Leurs actions se déployaient majoritairement (à 69 %) à l’échelle communale. Le financement des Ateliers santé ville mobilise à parts égales l’État et les collectivités (tous deux à hauteur de 45 %).

Les contrats locaux de santé : outils peu contraignants pour agir de concert

La démarche des Ateliers santé ville a été pionnière. Elle s’est montrée inspirante pour d’autres démarches territoriales novatrices contre les inégalités de santé, telles que les contrats locaux de santé (CLS).

Dix ans après la mise en place des ASV, les CLS ont été institués par la loi de santé de 2009 «Hôpital, Patients, Santé et Territoires », dite HPST. Les contrats locaux de santé sont conclus entre les Agences régionales de santé (ARS) et les collectivités territoriales et leurs groupements, pour une articulation concertée entre les politiques régionales de santé et l’action des collectivités. À l’échelle d’un bassin de vie, les CLS permettent aux acteurs de la santé, du secteur social et médico-social de se rencontrer et d’initier ou de renforcer les coopérations. L’outil est peu contraignant, souple en termes de contenus, de couverture géographique, de partenaires associés ou de programmation. Il en résulte, entre les quelques 400 CLS existants(3), une grande hétérogénéité.

L’accès aux soins est souvent l’orientation prioritaire incitant les collectivités locales à s’engager dans un CLS. Mais les actions portées par les CLS ciblent également les conditions de vie, la promotion de la santé et la prévention primaire. À la clé, des actions innovantes à l’intersection de l’urbanisme, des transports, des loisirs ou des pratiques alimentaires, illustrant leur vocation collaborative et intersectorielle.

Les conseils locaux de santé mentale : mobiliser et décloisonner

Les conseils locaux de santé mentale (CLSM) ont pour tâche le décloisonnement entre les acteurs de la santé mentale dans les territoires socialement et économiquement fragilisés, marqués par la précarité et des environnements de vie stressants.

Les CLSM sont des plateformes de concertation et de coordination à l’échelle d’un territoire présidées par un élu local, co-animées par la psychiatrie publique et intégrant des professionnels, des usagers et des aidants.  Près des ¾ des 192 CLSM en place(4) se déploient sur des territoires prioritaires au titre de la politique de la ville. Leurs thématiques d’action sont très diversifiées : santé mentale des habitants (enfants, adolescents, personnes âgées, salariés etc.), parentalité, sensibilisation et information en santé mentale, prévention du suicide, soins sans consentement, formation, lutte contre les addictions, accès au logement…

Les CLSM sont en général animés par coordonnateur, la majorité d’entre eux étant administrativement rattachés à une collectivité territoriale.

Avec la pandémie de COVID-19, qui met à rude épreuve l’état de santé psychique des populations les plus vulnérables ou précaires, le travail de décloisonnement opéré par les CLSM prend de nouvelles formes : mise en place de cellules d’écoute, de réseaux de thérapeutes volontaires, actions de prise en charge des situations de violence familiale… Des efforts de coordination, de facilitation et de mise en lien qui doivent être soutenus et appuyés. La pandémie a accru les inégalités sociales face à la santé mentale.

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(1) Source : Contribution de France Urbaine pour un plan de relance écologique et sociale – mai 2020
(2) Source : Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (Acsé)
(3) Chiffre 2017. Source : Fabrique Territoire de Santé.
(4) Au 1er janvier 2018 – Source : ONPV