Interview

Posson Packaging : la RSE au cœur de la stratégie, de la croissance et de la pérennité

En 1995, Sylvie Casenave-Péré reprenait Posson Packaging alors en dépôt de bilan et en plan d’apurement de son passif. Les engagements environnementaux, sociaux et une gouvernance fondée sur la transparence ont guidé le développement de l’entreprise. Cinq ans après et avec quatre ans d’avance, les dettes étaient remboursées. Le groupe réalise désormais un chiffre d’affaires de 30 millions d’euros en intégrant pleinement la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE).

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Portrait de Sylvie Casenave-Péré

Plus nous serons en stress hydrique et énergétique, plus l’industrie aura du mal à s’adapter car il lui faut un temps long pour muer. Partir trop tard condamne à l’immobilisme.

Sylvie Casenave-Péré — PDG Posson Packaging

Après des études à Audencia Business School, à Nantes, Sylvie Casenave-Péré effectue son premier stage de fin d’études dans une entreprise en état de cessation de paiements. C’est le premier jalon d’un parcours qui l’amènera à la tête de Posson Packaging. Deuxième jalon : 1992, lorsqu’elle réoriente sa carrière en devenant administratrice judiciaire. Puis en 1995 : « le passage aux travaux pratiques », avec la reprise du fabricant d’emballages en carton imprimé, implanté dans la Sarthe. Une décision fondée sur des éléments rationnels, des rencontres et la soif d’apprendre. « Posson Packaging était la seule entreprise parmi tous mes dossiers dont la situation financière ne s’écroulait pas du fait de la cessation de paiements. Il y avait donc un vrai potentiel », brimé cependant par un certain nombre de barrières à l’entrée dont « une réticence à changer de fournisseurs et le fait que beaucoup de composants devaient passer par des bureaux d’études ».

« C’est aussi le rôle joué par un actionnaire historique qui m’a aidé à franchir le pas, il a été mon mentor. Et l’équipe Posson, par son engagement, a conforté mon envie. J’ai été portée enfin par l’aspect industriel, un domaine d’exploration nouveau pour moi ». 

La qualité, socle des engagements de développement durable

Si, en 1995, on ne parlait pas encore de RSE, le projet de Sylvie Casenave-Péré comportait bien une telle approche. Son socle : une politique qualité, totalement innovante, déjà amorcée par Céline Bodinier, actuelle directrice de l’usine. Passées certaines décisions difficiles dont la fermeture de deux usines, la démarche qualité est montée en puissance en 1996 avec la signature d’une lettre d’engagements qualité ISO 9000, puis l’obtention de la certification environnementale ISO 14001, relative à une utilisation plus rationnelle des ressources et à la réduction des déchets quelques années plus tard. « Dès l’an 2000, année où nous sortions de l’état de cessation de paiements en remboursant avec quatre ans d’avance nos dettes, nous obtenions cette certification environnementale. »

Parallèlement à la démarche qualité et à la performance environnementale, Sylvie Casenave-Péré inclut à sa politique une dimension sociale avec « la construction de notre usine idéale, qui intègre des paramètres favorisant le confort des salariés et limitant l’impact environnemental du bâtiment dans lequel nous nous sommes installés fin 2004 ». Posson Packaging, désormais positionnée dans les emballages éco-conçus en carton compact et ondulé, affiche un taux de croissance moyen annuel de 3 %, emploie 110 personnes pour un chiffre d’affaires de 30 millions d’euros.

Une réussite intrinsèquement liée à cette contribution volontaire aux enjeux de développement durable, où la gouvernance a toute sa place.

La gouvernance pour définir, communiquer et transmettre les enjeux 

« Dès la reprise, avec notre politique qualité, la gouvernance avait sa place. Notre comité stratégique affirme notre vision, acte les décisions ultimes comprises dans notre raison d’être : éco-concevoir et produire de manière responsable des emballages recyclables en livrant leur juste besoin à nos clients dans le respect des normes sociales, sociétales et environnementales qui sont les garantes de la pérennité de notre entreprise ». Celle-ci est bien intégrée car « nous veillons à faire circuler l’information pour que tout le monde sache où l’on va, comment, et quelle est la place de chacun dans l’action engagée ».

Les comités de direction, les centres opérationnels et « tous les autres organes observateurs de la respiration de l’entreprise » prennent part à ce dialogue constant et multicanal. « Les premiers destinataires du rapport RSE sont les salariés et, depuis 2006, nous nous appuyons aussi sur Sherpack, notre système d’intranet ascendant/descendant entre process supports et process de production ». Cet exercice de communication et de transmission des enjeux existe aussi vis-à-vis des financeurs conviés une à deux fois par an pour leur permettre de comprendre où en est l’entreprise dans sa promesse.

Comprendre que les émissions de CO2 sont des coûts

En 2009, Posson Packaging rejetait près de trois tonnes de CO2 pour 1 000 m² de cartons. En 2022, ce chiffre était à 0,9 tonne. À horizon 2035, l’ambition est de diminuer ces émissions de 50 %. Sylvie Casenave-Péré parle d’une certitude au regard des différents chantiers engagés, et parce que l’entreprise en est à son seizième bilan carbone : « C’est le premier bilan carbone qui est le plus dur et qui peut effrayer. Lorsque nous nous sommes lancés en 2009, nous avons opté pour le référentiel ADEME, complexe mais clair. Il faut s’approprier le bilan carbone, s’y acculturer comme pour un bilan comptable. Et donc se former. Car cela sert à comprendre les causes des émissions et ouvre la réflexion pour les réduire ».

« Le CO2 correspond à une valeur que l’on doit mettre dans un bien ou une énergie pour le/la transformer. Pensé comme un coût, il est sans doute plus aisé de faire de sa réduction un objectif et d’y consacrer des efforts ». La dirigeante prévient : c’est un travail sur le long terme, qui nécessite de discuter en amont avec les clients, « mais c’est aussi un chantier où les gains faciles et rapides sont nombreux ».

Quand l’objectif RSE clairement affiché séduit la banque

L’horizon 2035 en matière de CO2 se construit autour des équipements « en remplaçant par exemple une de nos machines, vieille de 50 ans, ce qui nous permettra de diminuer nos pertes de matières premières et donc nos coûts ». Mais aussi avec le projet Tao qui comprend un nouveau bâtiment de stockage près de l’usine et des plateformes logistiques afin d’optimiser les flux de transports.

« D’où une réduction du CO2 émis mais aussi une augmentation de notre rentabilité sans que l’on puisse encore en calculer les proportions à ce jour. Et c’est parce que La Banque Postale s’est vraiment intéressée à la démarche de réduction de CO2 de notre projet que nous avons voulu qu’elle nous accompagne dans son financement. Un tel alignement des valeurs entre entreprise et banque est rare ».

Jean-Marc Ducimetière, Directeur de Territoire Nantes – Pays de la Loire de La Banque Postale, confirme : « Nous avons été séduits par cet objectif clairement affiché de limiter le transport entre les sites, donc le CO2, d’autant plus que cette ambition a été revue pour passer d’une réduction de 500 à 820 tonnes d’émission de CO2. La Banque Postale a la capacité de déployer du capital utile et massif dès la première entrée en relation. Ce que nous avons fait ici avec un financement de 5,5 millions d’euros. »

La RSE ? Une singularité qui permet de se projeter dans l’avenir

Portrait de Jean-Marc Ducimetière

Pour un banquier, savoir que la démarche est engagée pour construire la gouvernance future est rassurant.

Jean-Marc Ducimetière — Directeur de Territoire Nantes – Pays de la Loire de La Banque Postale

« Je suis arrivée dans une société quasiment morte. La question la plus fréquente était ‘’Où va-t-on ?’’ se souvient Sylvie Casenave-Péré. Ma réponse était : rester indépendant, être exemplaire dans le développement durable et respectueux de nos engagements vis-à-vis des salariés et partenaires financiers. C’est devenu notre caractéristique et notre garantie de pérennité car cela nous permet de nous projeter dans l’avenir. Le travail d’un dirigeant est aussi de penser au groupe après lui ».

« La transmission n’est jamais un sujet facile pour un dirigeant d’une entreprise indépendante et familiale. Pour un banquier, savoir que la démarche est engagée pour construire la gouvernance future est rassurant, particulièrement lorsqu’on est lié par un financement sur quinze ans, souligne Jean-Marc Ducimetière. C’est le cas chez Posson et c’est l’assurance que la stratégie, les valeurs, la gouvernance transparente seront durablement respectées ».

La transition industrielle : un impératif aux multiples avantages

Toute l’industrie française gagnerait à s’engager plus en profondeur dans une trajectoire RSE. D’abord, comme le partage Sylvie Casenave-Péré, « parce qu’aucun industriel ne doit sous-estimer le réglementaire pour continuer à exister, surtout en Europe. La RSE est sur la même dynamique que le droit social il y a quelques années, avec un même objectif : définir un socle commun pour l’Union Européenne ». Mais aussi et surtout parce que « plus nous serons en stress hydrique et énergétique, plus l’industrie aura du mal à s’adapter car il lui faut un temps long pour muer. Partir trop tard condamne à l’immobilisme. Le bilan carbone est une bonne base pour prendre conscience de l’opportunité que représentent ces transitions pour exister encore dans un monde futur et à inventer ».

Enfin, « si la RSE est pensée comme une contribution à la stratégie, voire sa base dans le cas de Posson, notamment au niveau RH, alors il en découle de la performance humaine et donc de la performance économique. Quand Posson Packaging réfléchit à un investissement sur une machine, la réflexion intègre aussi la montée en compétences des collaborateurs, leur formation, leur évolution » relate Jean-Marc Ducimetière. « Face aux difficultés de recrutement, de fidélisation, nous ne pouvons pas proposer la même flexibilité que les activités de services. Or dans l’industrie, ce sont certes des investissements en machines mais pilotées par des humains. Le travail humain a une place dans les protocoles des productions avec des spécificités : il faut de la présence et des talents, insiste Sylvie Casenave-Péré. Pour elle, « la RSE est pour l’industrie française le bon chemin pour vendre la valeur travail, portée par un projet d’entreprise passionnant ».

5 exemples de décision où la RSE a guidé la réflexion

  1. Implantation de l’usine : construite en 2004, elle a permis de rapprocher 80 % des salariés de leur lieu de vie.
  2. Construction de surfaces logistiques sans productivité immédiate mesurable, mais avec l’objectif d’économiser 820 tonnes d’émission de CO2.
  3. Plantation de mini-forêts selon la méthode Miyawaki : non par obligation, mais afin de créer une zone de confort pour les salariés, avec un possible parcours santé.
  4. Choix des matériaux : ils sont prédéfinis au regard de l’efficience environnementale et de l’origine (produits en France) ; ce qui a conduit Posson à abandonner les offres de marchés sous protocoles UV, car l’aspect non toxique de ces procédés n’est pas prouvé. D’autres procédés non toxiques sont donc privilégiés, comme l’encre acrylique.
  5. Fidélisation des salariés en prenant en charge la moitié du coût de la location d’un véhicule électrique.

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