Interview

Entreprises de la Tech : comment franchir les difficultés de financement ?

Entre modèle d’affaires atypique et investisseurs en retrait, les start-up rencontrent bien des obstacles pour obtenir les financements nécessaires à leur développement. Nizar Dahmane, directeur de la Business Unit Tech au sein de la BFI de La Banque Postale explique les spécificités du secteur, son besoin de financement non dilutif et l’accompagnement proposé par son équipe.

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Portrait de Nizar Dahmane (© Thierry Fanchon)

Nous savons analyser un modèle d’affaires vis-à-vis de sa concurrence et des sous-segments d’activité. Nous parlons le même langage et utilisons les mêmes metrics.

Nizar Dahmane (© Thierry Fanchon) — Directeur de la Business Unit Tech au sein de la BFI de La Banque Postale

Healthtech, Medtech, Fintech, Greentech, Assurtech ou encore Legaltech : la multiplicité des sous-secteurs prouve que la lame de fond des nouvelles technologies touche toutes les activités. Les fameuses start-up se distinguent d’abord par de forts et rapides développements. « On parle de start-up lorsque l’entreprise a réussi à constituer de fortes barrières à l’entrée, précise Nizar Dahmane, directeur de la BU Tech au sein de la BFI de La Banque Postale, et qu’elle a déjà éprouvé la solidité de son modèle d’affaires. Cette solidité se traduit par des clients fidèles et satisfaits ». L’idée étant d’être sur le chemin de la rentabilité à défaut d’être rentable. Autre caractéristique, une ambition mondiale. Avec un tel profil, les start-up ont des besoins de financements conséquents. Mais leur modèle d’affaires étant à la fois nouveau et disruptif, le dialogue avec les investisseurs est très compliqué dans un univers récemment chamboulé.

Le monde du financement de la Tech en plein chamboulement 

Banque américaine spécialisée dans le financement du secteur tech, la SVB a récemment fait faillite, avec des répercussions sur certains acteurs financiers. Une onde de choc qui s’ajoute à certains changements dans l’univers du financement de la French Tech : « les fonds américains et asiatiques sont en retrait.

Coté volume, après des années fastes avec 11,7 milliards d’euros de levées de fonds en 2021 et près de 15,5 milliards en 2022(1), on note un recul en volume de transactions de 70 % sur le premier trimestre 2023. Cela dit il y a encore beaucoup d’argent de disponible : on estime à plus de 9 milliards le montant des levées de fonds en 2023. Mais la donne a changé, d’autant que les taux remontent ». Désormais, le niveau de croissance de la start-up n’est plus le critère essentiel : « il y a un retour aux fondamentaux de l’investissement : une croissance de 10 à 15 %, si elle est corrélée à de la surperformance par rapport à la concurrence et à un cash bien géré, attire les investisseurs de la place. Il y a une prime à la bonne gestion et à la flexibilité stratégique et bien évidemment une prise en compte de la pérennité du secteur. En conséquence, les fonds restants se positionnent tous sur les mêmes cibles et délaissent les entreprises n’évoluant pas sur le 1er quartile ».

Un secteur atypique, peu compréhensible pour les analyses traditionnelles 

Ces éléments conjoncturels mis à part, le secteur de la Tech est par définition atypique et donc difficilement compréhensible, notamment par les acteurs bancaires : « le modèle d’affaires est le plus souvent complexe, les fondateurs se projetant sur des opportunités pour asseoir leurs hypothèses de croissance ; en regard, les banques classiques appliquent une approche traditionnelle reposant sur une analyse financière orientée sur l’historique, à défaut de pouvoir s’appuyer sur une analyse stratégique du secteur et des spécificités du dossier ». D’où un dialogue de sourds. « Pour bien comprendre les spécificités des acteurs tech, il faut des expertises dédiées et une maitrise certaine, par exemple des univers des marketplaces ou des éditeurs de logiciels SAAS. La logique est d’être capable de challenger le business plan afin de ne pas s’arrêter à un EBITDA négatif et/ou des fonds propres faibles afin de mieux appréhender les véritables risques de la société ».

Combler l’écart culturel entre entrepreneurs et financeurs : l’apport de La Banque Postale

C’est bien cet écart culturel sur l’appréhension du risque entre entrepreneurs et banques traditionnelles que la BU Tech de La Banque Postale entend combler : « nous savons analyser un modèle d’affaires vis-à-vis de sa concurrence et des sous-segments d’activité. Nous parlons le même langage et utilisons les mêmes metrics ». Cette démarche donne aussi toute sa place au capital humain en s’intéressant à « la complémentarité des fondateurs, à leurs tracks records ou encore aux éléments de fidélisation des talents ». Acteur expert à taille humaine, qui s’appuie sur un acteur majeur du secteur bancaire, la BU Tech est donc très sollicitée par les start-up tech, avec plus de 800 demandes depuis le lancement. Ce qui démontre que son accompagnement répond aux attentes des fondateurs.

Des financements non dilutifs et un accompagnement sur mesure 

« La plupart des crédits bancaires accordés ont des maturités trop courtes sur des montants faibles, autour de 500 000 euros, et des garanties non adaptées, pouvant par exemple obliger à geler 30 % du montant du prêt ! » déplore Nizar Dahmane. De plus, sur le chemin du prêt, la start-up est confrontée à un long tunnel de décision, sans visibilité. « Nous avons pris au sein de la BU Tech le contrepied complet. Les étapes, les règles sont claires et notre analyse rapide. Nous pouvons financer(2) à hauteur de 1 à 25 millions d’euros et nous avons la possibilité de refinancer ensuite. Nous accompagnons dans la durée et nous offrons également la possibilité aux fondateurs de gérer pour eux l’ensemble de la syndication bancaire pour qu’ils restent focus sur l’activité opérationnelle. C’est donc la possibilité de maximiser l’impact d’un financement non dilutif». Cette dimension est particulièrement stratégique dans le contexte actuel du marché, mais c'est bien l'ensemble des particularités de l'accompagnement de la BU Tech qui lui permet d'accompagner de manière optimale les fondateurs.

Les axes de progrès de la Tech française 

Les entreprises du secteur doivent lutter contre des biais qui les pénalisent, le premier d’entre eux étant de penser l’international comme une étape complémentaire alors que cela devrait être une composante originelle du modèle d’affaires : « En France, l’internationalisation est rarement intégrée dès l’origine et est avant tout pensée sur un marché européen. C’est une ambition qui apparait fréquemment à partir des levées de série C : à ce stade, l’entreprise est moins agile et l’internationalisation coûtera donc cher ».

Autre biais très fréquent : lier le lancement du cycle de vente à l’obtention de subventions et/ou une levée de fonds. « La vente doit intervenir rapidement car c’est un élément stratégique. Plus largement, le commercial est sous coté en France et donc peu investi ». Cela se voit notamment dans les recrutements.

Enfin pour Nizar Dahmane, le secteur tech gagnerait à voir se diversifier les profils des fondateurs : « les diplômés d’écoles de commerce de renom et les ingénieurs sont sur-représentés et les profils atypiques trop rares. Ce manque de mixité, qui se voit aussi par le faible pourcentage de femmes entrepreneurs, entraine une approche trop scolaire qui ne se retrouve pas aux Etats-Unis ou en Chine où des profils atypiques arrivent à créer de véritables empires ». 

Trois axes de progrès (non exhaustifs) pour le secteur : d’autres caractéristiques sont nécessaires pour faire d’une entreprise tech une start-up attractive. Autopsie d'une startup réussie (maddyness.com).

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(1) Source : Eldorado du 2 janvier 2023.
(2) Après étude et acceptation définitive de votre dossier par La Banque Postale.