Depuis plusieurs mois, le secteur immobilier est sous tension, avec un accès au crédit bancaire plus compliqué qu’auparavant, et notamment des taux pratiqués souvent supérieurs aux taux de rendement moyen de l’immobilier d’entreprise. Dans un tel contexte, les acteurs de l’immobilier, les gestionnaires de patrimoine dont les family offices mais aussi certaines entreprises ont tout intérêt à envisager un mécanisme encore méconnu : la fiducie. « La fiducie est considérée comme « la reine » des suretés, donc la plus forte garantie possible pour une banque, ce qui facilite l’accès au crédit bancaire », explique Cyril Roger, expert fiducie de la BFI. Explications sur ce mécanisme et ses avantages, souvent ignorés.
La fiducie appliquée au secteur immobilier : un financement alternatif
Juridiquement, une fiducie est un contrat par lequel une personne (le constituant) transfère tout ou partie de ses biens à une autre personne (le fiduciaire), à charge pour celui-ci d’agir au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires. « Ce dispositif peut s’avérer très utile comme alternative au crédit hypothécaire et au crédit-bail sur le financement immobilier, le rechargement de crédit-bail immobilier ou de crédit hypothécaire ou encore le refinancement d’ensemble immobiliers » détaille Cyril Roger.
Dirigeant-gérant du groupe Jouffroy, acteur de la gestion immobilière de rapport, David Perez a eu recours à la fiducie il y a près de deux ans. Son activité positionnée à l’origine en 1983 sur l’immobilier commercial s’est ensuite diversifiée en 2007 avec les maisons de retraite et en 2018 avec de la location meublée : « Mon souhait était de rassembler les divers crédits liés à ces activités en un seul afin d’en réduire le coût. La fiducie, solution qui m’a été présentée par La Banque Postale, un des rares acteurs bancaires experts en la matière, a d’abord fait naître en moi des réticences. D’abord parce que je ne connaissais pas ce mécanisme mais aussi par peur de perdre le pouvoir décisionnaire sur les actifs concernés ».
La fiducie : l’emprunteur garde le pouvoir décisionnaire
Il importe de comprendre que « le crédit adossé à une fiducie sur titres de sociétés immobilières permet de sécuriser le patrimoine de l’emprunteur, tout en lui assurant des liquidités supplémentaires pour le développement de son activité, dans le cadre d’un crédit sans hypothèque. Ce transfert de ses titres chez un fiduciaire s’effectue sans plus-value ni droit de mutation, sur la base de 125 euros. Il s’agit d’un transfert temporaire qui permet à l’emprunteur de continuer à gérer son actif comme si le transfert n’avait pas eu lieu » détaille Cyril Roger. L’emprunteur conserve donc le contrôle de la société dont les titres ont été transférés chez le fiduciaire : en cas de travaux par exemple, il n’y a pas besoin de la validation du projet par les organes de la fiducie. Seule limite : la cession d’actifs.
Gestion simplifiée, protection du patrimoine, transmission familiale facilitée
« L’accompagnement de La Banque Postale sur plusieurs mois a permis de lever mes craintes, complète M.Perez. En passant de huit comptes bancaires à un seul, les coûts ont été réduits et la gestion simplifiée. Il y a donc un vrai gain de temps au quotidien. Et en ne s’appuyant que sur une seule société et un seul crédit, les projets sont plus faciles à présenter et plus compréhensibles » se réjouit le dirigeant du Groupe Jouffroy.
« Pour le dirigeant, la fiducie est intéressante, ajoute Cyril Roger. Comparée à une cession classique d’actifs tel que le crédit-bail, où la plus-value ne lui revient pas en cas de liquidation de l’emprunteur, en cas de fiducie, la plus-value revient à l’emprunteur. Et le patrimoine mis en fiducie n’est primé par aucun créancier privilégié (trésor, salariés, justice…) en cas de liquidation de la société du dirigeant ». Monsieur Perez relève lui un autre point positif de la fiducie : « celui de faciliter et de réduire les coûts d’une transmission familiale ».
La fiducie se démocratise peu à peu mais...
Elle reste encore peu maitrisée par les acteurs de l’immobilier ou les gestionnaires de patrimoine du type family office. En cause : sa relative nouveauté en France, comparé à d’autres pays (Suisse, Canada, Luxembourg) où elle est bien plus répandue et plus ancienne. Mais aussi sa grande technicité. « À cela s’ajoute une image négative car à sa création, le dispositif était réservé au restructuring. Au gré des améliorations législatives successives, la fiducie s’est élargie, de facto, aux entreprises en bonne santé financière » pointe Cyril Roger.
« À mon sens, la fiducie doit être envisagée dès lors qu’il y a une détention de nombreux biens immobiliers adossés à plusieurs crédits », partage M.Perez qui ne voit qu’une limite : « la recharge de fiducie, afin d’acquérir un autre bien par exemple, doit le plus souvent se faire auprès de la banque initiale ». « Mais, tempère Cyril Roger, cette recharge se fait sans frais de création supplémentaire : c’est donc un outil très pertinent dans le cadre d’une stratégie à long terme et qui mériterait d’être utilisée par exemple par les dirigeants de grands groupes industriels qui s’en tiennent souvent au revolving credit facility, jugé moins couteux dans une perspective court termiste ».