Les dirigeants d’entreprises, leurs fonds personnels et les placements responsables : quelles exigences avoir ?

L’investissement socialement responsable (ISR) est une stratégie consistant à choisir des actions et des fonds qui tiennent compte des pratiques environnementales, sociales et de gouvernance (ESG). Un objectif louable qui requiert de votre part une vigilance certaine comme l’explique Jean-Marc Dutu, directeur adjoint au sein de la Direction de la Gestion Sous Mandat de BPE, la banque privée de La Banque Postale.

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Aux prémices de la gestion ISR, que l’on qualifiait alors « d’éthique », les investissements étaient essentiellement le fait des congrégations religieuses. Depuis peu, les profils des investisseurs se diversifient. Ainsi, « depuis deux à trois ans, nous relevons chez nos clients dirigeants d’entreprises, une demande très forte pour investir sur la base de critères ESG. Cela fait écho à un changement plus général : à l’instar de tout citoyen, ils ont à cœur de mettre du sens dans toutes leurs actions », se félicite Jean-Marc Dutu.

Un investissement ISR ne néglige pas les performances financières mais doit prendre en compte les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance de la société qui impacteront son futur cours de bourse, ce qui induit une vision à long terme. « L’ESG n’est pas une fin en soi, mais un instrument pour déterminer que la société concernée est pérenne et qu’elle prend en compte toutes les parties prenantes » éclaire Jean-Marc Dutu. 

Le travail d’exclusion de certains secteurs d’activité : une démarche très répandue

Jean-Marc Dutu, Directeur adjoint au sein de la Direction de la Gestion Sous Mandat de BPE, la banque privée de La Banque Postale

Côté support, le choix demeure classique : il se fait soit via des organismes de placement collectif (OPC) soit par des actions détenues en direct. Dans une logique d’investissement ISR, le gérant doit garantir à ses clients que les supports détenus répondent à des critères exigeants : « De nombreuses offres ISR se limitent à un travail de sélection qui repose essentiellement sur une démarche d’exclusion de certaines activités ». Tel est le cas des secteurs de l’armement, des jeux d’argent, de certains types d’énergies.
« Au sein de BPE, certains secteurs sont totalement exclus, comme le tabac, les armes à feu à usage civil ou l’extraction de charbon. Pour d’autres, précise Jean-Marc Dutu, nous veillons à ce que le poids de ces activités controversées soit marginal dans le chiffre d’affaires des entreprises concernées ». C’est notamment le cas pour l’armement, les hydrocarbures non conventionnels ou les pesticides.

Cette phase d’exclusion sectorielle n’a pas été suffisante pour BPE qui s’appuie sur un prestataire spécialisé dans l’analyse extra-financière, dont la notation des sociétés repose sur 38 critères ESG. Ceux-ci couvrent un large panel d’enjeux dont les droits humains, l’engagement sociétal, la gouvernance, l’environnement. « En éliminant les valeurs les moins bien notées, nous arrivons alors à une exclusion de plus de 30 % de notre univers d’investissement initial. Reste une dernière étape fondamentale dans notre processus : prendre en compte les critères ESG dans la valorisation ».

Identifier les sociétés et valoriser les critères ESG : manier proximité, réactivité et long terme

S’il faut bien évidemment s’assurer que la stratégie de l’entreprise en matière de développement durable est plus que du marketing, « il faut aussi être capable de mesurer l’apport de l’ESG, insiste Jean-Marc Dutu. Avoir une stratégie ESG pour une entreprise, cela se traduit au niveau de ses investissements, de ses produits, de ses modes de production. Notre responsabilité est donc de s’en assurer et de traduire cela dans la valorisation ».

Chez BPE, où une équipe de 6 gérants suit environ 130 valeurs, il y a d’abord une vraie connaissance des entreprises concernées, ce qui joue sur l’identification de valeurs porteuses et leur notation, car « nous gardons une vraie liberté vis-à-vis de notre fournisseur : nous pouvons contester sa notation par notre connaissance approfondie des sociétés ».

La démarche est très méthodique : les critères d’analyse ESG sont regroupés dans 6 domaines, et les notes ainsi obtenues permettent d’identifier les entreprises les plus vertueuses. « Cette première approche est ensuite affinée par notre propre analyse de la stratégie ESG des sociétés, ainsi que par l’étude des éventuelles controverses auxquelles elles font face ». Une entreprise qui franchit toutes ces étapes voit alors son objectif de cours bénéficier d’une prime de 10 %, « alors que, à l’inverse, nous sanctionnons l’objectif de cours par une décote de 10 % pour les sociétés dont les notes sont faibles, la stratégie ESG peu convaincante ou les controverses graves ».

Cette approche dans la sélection et le suivi des valeurs permet à BPE de valoriser le long terme. Sa proximité avec les entreprises couvertes est un gage de réactivité, élément essentiel d’une gestion ISR : « Il faut être excessivement vigilant sur les controverses. Le Dieselgate, alors que Volkswagen était très bien noté et présent dans de nombreux portefeuilles ISR, doit servir de leçon. Cela doit pousser à l’humilité, à être plus attentif aux controverses et très réactif pour les vérifier ou les démentir afin d’adapter les portefeuilles en conséquence ».

À savoir

E. S. G…

Le critère environnemental (E) prend en compte : les émissions de gaz à effet de serre, le recyclage des déchets, la consommation d’électricité ou encore la prévention des risques environnementaux.

Le critère social (S) tient compte de la qualité du dialogue social au sein des entreprises, l’emploi des personnes handicapées ou encore la formation des salariés.

Le critère de gouvernance (G) s’assure de la transparence de la rémunération des dirigeants d’entreprise ou encore de la lutte contre la corruption.

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