Interview

L’économie en 2023 : comprendre les surprises passées pour prévoir les mouvements à venir

Quelle sera la conjoncture économique en 2023 ? Comment se projeter dans un contexte avec aussi peu de visibilité ? Alain Henriot, responsable des Etudes économiques au sein de La Banque Postale, analyse les réactions et mécanismes passés et présents, riches en surprises, pour mieux appréhender la dimension économique de 2023.

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Portrait d'Alain Henriot

Depuis l’automne 2021, les pays de l’Union Européenne ont mis en place une enveloppe globale de 600 milliards d’euros pour aider les ménages et les entreprises à faire face à la crise énergétique, soit près de 4 points de PIB.

Alain Henriot — Responsable des Etudes économiques au sein de La Banque Postale.

Faible croissance, forte ou faible récession, stagflation ? Définir la dynamique de l’année nouvelle n’est pas aisé car « les réactions aux différents chocs vécus depuis 2020 ont surpris ; 2023 pourrait donc nous surprendre, avertit Alain Henriot. Le choc géopolitique majeur et le choc énergétique massif survenus en début d’année auraient dû entrainer un choc récessif conséquent. Tel n’a pas été le cas durant l’année écoulée ».

Pour mieux comprendre les enjeux à venir, retour sur quelques phénomènes économiques étonnants des mois passés :

1 - Les ménages américains ont consommé leur sur-épargne

Aux Etats-Unis, le taux d’épargne est plus faible qu’avant la crise sanitaire, contrairement à l’Europe : « Ces sur-épargnes ne sont pas de même nature : les ménages outre-Atlantique ont reçu des chèques en compensation de licenciements massifs et ont in fine gagné plus que s’ils avaient travaillé ; face à leur perte de pouvoir d’achat liée à l’inflation, ils ont donc compensé en consommant leur sur-épargne ». Or, en Europe, le marché de l’emploi a été surtout protégé transitoirement par le chômage partiel, synonyme de perte de revenus limités mais pas de gains supplémentaires. « Le schéma américain va durer encore un peu mais certainement pas sur toute l’année 2023 ».

2 - La zone euro et l’amortissement de la dégradation économique

La crise Covid a initié des réactions nouvelles de la part des gouvernements européens qui ont agi pour amortir la dégradation économique, afin de compenser la perte de pouvoir d’achat des ménages et, dans une moindre mesure, des entreprises. « Depuis l’automne 2021, les pays de l’Union Européenne ont mis en place une enveloppe globale de 600 milliards d’euros pour aider les ménages et les entreprises à faire face à la crise énergétique, soit près de 4 points de PIB. Le marché du travail en Europe n’a ainsi pas souffert jusqu’ici ». De fait, le taux de chômage en France est plus bas qu’avant la crise de 2008 tout comme dans l’ensemble de l’Union Européenne et « aux Etats-Unis, le taux de chômage en décembre était au plus bas depuis la fin des années 60 ».

Reste que si tout n’a pas été dépensé et qu’un soutien à l’économie sera bien dispensé en 2023, il va se réduire. « Les modalités retenues varient selon les pays - l’Allemagne n’a pas consommé l’intégralité des moyens mobilisés quand la France a largement dépensé ».

3 - La bonne nouvelle : le pic de l’inflation semble passé

« Le pic de l’inflation est probablement derrière nous. Aux Etats-Unis, cela a culminé en juin à 9 % sur un an, contre 7 % en novembre. On relève un léger décalage en zone euro mais la tendance à la modération est là ». Deux paramètres confortent cette analyse : la baisse du niveau des prix en amont et la détente des contraintes sur les approvisionnements.

Matières premières, pétrole, gaz ou encore électricité : « les niveaux de prix restent supérieurs à 2019 mais ils sont orientés à la baisse depuis peu ».

Exemple avec le gaz : « Les stocks sont reconstitués et la douceur de l’hiver diminue la crainte de pénurie. Le mégawatt/heure est en dessous de 80 euros contre plus de 300 fin août. Le recul est là, même si les 20 euros d’avant la crise sanitaire sont loin ». S’il semble difficile d’envisager que les prix de l’énergie et des produits finis retrouvent un jour leur niveau d’avant crise, « les prix de production dans l’industrie, c’est-à-dire à la sortie d’usine, connaissent une nette inflexion depuis plusieurs mois. C’est très encourageant ».

Autre signe positif : la détente constatée sur les contraintes d’approvisionnement, « notamment dans le secteur automobile où les immatriculations et la production ont rebondi dans la zone euro depuis octobre ; même constat pour les biens d’équipements électroniques ; le facteur commun étant sans doute le retour sur le marché des puces nécessaires à la production ».

Et 2023 ?

Un retour à une inflation à 2 % n’est pas envisageable car les entreprises vont continuer à répercuter les hausses du prix de l’énergie passées. Et à terme, le redémarrage économique de la Chine, entraînant un plus fort besoin de gaz naturel liquéfié, générera une concurrence plus marquée, donc une tension sur les prix mondiaux. « Nous savons que nous aurons du gaz mais à quel prix… ». En France s’ajouteront à cela les répercussions de la hausse du smic et plus largement en zone euro, les répercussions de la hausse des salaires, d’environ 3 à 4 %, sur les prix pratiqués par les entreprises.

Des interrogations sur les mécanismes demeurent : les dispositifs de soutien vont-ils perdurer ? Comment les effets du resserrement monétaire – lié à la hausse des taux directeurs pratiqués par les banques centrales- vont-ils se manifester ? « Quelques signes de ralentissement sur le secteur immobilier français sont apparus et le secteur s’est nettement détérioré aux Etats-Unis ; cela devrait aussi se manifester sur l’activité économique ».

« Le consensus semble se faire autour d’une petite récession en Europe en début d’année, puis une reprise légère. La moindre dégradation en novembre et décembre des indices du climat des affaires, une autre surprise, invité malgré tout à la prudence ». Avec un décalage sur le pic d’inflation en France lié à la levée du bouclier tarifaire. Et un facteur susceptible de brouiller les lignes à court terme : celle de la dégradation de la situation sanitaire en Chine et ses implications économiques : fort absentéisme, retour des restrictions…

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