« An-ti-ci-per », voilà quel est le mot d’ordre à appliquer pour le président du Comité Transmission du CROEC, Jean-Luc Scemama, qui souligne que « réussir une transmission prend souvent environ deux années ». « L’anticipation permet d’optimiser la fiscalité ; aussi, le cédant potentiel a vivement intérêt à entamer ce processus avec son ou ses conseils. »
Cession de titres ou de fonds de commerce ? Avantage (fiscal) à la cession de titres
Il est plus intéressant, sauf si le cédant souhaite développer une autre activité à partir de sa structure juridique, de vendre les titres de société plutôt que son fonds de commerce, et garder alors une coquille vide avec de la trésorerie.
Jean-Luc Scemama — Expert-comptable, dirigeant des cabinets Expertise et Conseil et Transmission et conseil.
Une cession de titres requiert du cédant qu’il signe une garantie d’actif et de passif (GAP), qui emporte, en cas de redressement fiscal par exemple, la responsabilité financière du cédant pour les événements trouvant leur origine avant la cession. Cette garantie, généralement négociée, peut freiner les cédants. Mais « il est plus intéressant, sauf si le cédant souhaite développer une autre activité à partir de sa structure juridique, de vendre les titres de société plutôt que son fonds de commerce, et garder alors une coquille vide avec de la trésorerie ». De plus, depuis 2018, la cession de titres a un avantage fiscal. En effet, le vendeur a le choix entre deux options fiscales : soit la flat tax, un prélèvement forfaitaire unique de 30% (se décomposant en 12,8 % d’imposition et 17,2 % de taxes sociales), soit l’impôt sur le revenu avec un abattement lié à la durée de détention des titres : celui-ci est de 65 % de la plus-value pour une détention de plus de 8 ans, voire de 85 % dans certains cas, applicable sur l’impôt au sens strict du terme, soit les 12,8 %. Ces abattements s’appliquent aussi en cas de cession avec le crédit vendeur (voir encadré ci-dessous).
Anticiper pour bien cerner la situation adéquate et l’optimiser
1 - Départ à la retraite.
Des incitations fiscales existent pour accompagner le départ à la retraite. Il existe ainsi un abattement de 500 000 euros sur la plus-value de cession si celle-ci se réalise dans une période comprise entre deux ans avant ou après la retraite effective du dirigeant. « Toutefois, on ne peut pas cumuler cet abattement lié au départ à la retraite et celui lié à la durée de détention des titres » prévient Jean-Luc Scemama.
2 - Vendre sans départ à la retraite
Comment dans ce cas éviter l’imposition de plus-value ? « En ce cas, le plus pertinent est de créer une société holding détentrice des titres à céder ; c’est donc cette structure qui va vendre et si 60 % au moins du prix est réinvesti dans des prises de participations ou pour développer une activité, il y aura alors un report d’imposition. » Mais aussi, bien évidemment, pas de cash non plus pour le propriétaire initial.
3 - Transmettre à ses enfants
Ici, trois mécanismes méritent d’être étudiés et tous se préparent. Là encore le mot d’ordre est anticipation :
- Premier mécanisme, si les enfants veulent garder l’entreprise dans le giron familial, la transmission via le Pacte Dutreil, qui repose sur un accord entre le cédant et un ou plusieurs de ses enfants. Ces derniers s’engagent à garder les parts pendant au moins cinq ans et aussi à travailler au sein de l’entreprise en amont et en aval de la transmission. L’abattement pratiqué en ce cas réduit la plus-value de 75 %.
- Une autre possibilité, à envisager cette fois si les enfants ne sont pas investis dans l’entreprise : leur faire des donations des titres, dans la limite de 100 000 euros par parent/enfant tous les 15 ans, si l’on veut bénéficier de l’abattement prévu. A noter que « la cession des titres par les enfants doit intervenir après la donation, afin de limiter la plus-value, et donc l’imposition » précise Jean-Luc Scemama.
- Enfin, si les titres à donner en pleine propriété dépassent le seuil de 100 000 euros par enfant, il est intéressant d’envisager une donation de titres démembrés : l’usufruit au parent, la nue-propriété aux enfants. Un impératif : que les enfants conservent lesdits titres, car l’usufruit rejoint la nue-propriété au décès du nu-propriétaire.
En tout état de cause, ce qui est à éviter, est de « vendre et ensuite de donner, car alors il y aurait alors une double imposition (sur la plus-value, puis sur la donation) » prévient Jean-Luc Scemama qui insiste pour que les cédants prennent le temps de faire des simulations fiscales abouties selon les différentes cessions envisagées.
2020 : les spécificités des cessions de 2020 et leur impact fiscal
Dans un contexte où le financement bancaire était happé par les prêts garantis par l’Etat (PGE), 2020 a rebattu les cartes en remettant au goût du jour des mécanismes jusqu’alors assez peu utilisés. Face à des résultats 2020 souvent dégradés, et alors que la valeur attribuée par l’acquéreur à l’entreprise « est sa capacité à générer du résultat demain » résume l’expert-comptable, « la clause d’earn-out, pertinente quand les parties ont du mal à trouver un accord sur le prix, a pu donner sa pleine mesure ». Le crédit vendeur, souvent utilisé pour céder à des collaborateurs, s’est développé pour des cessions à des tiers. Sur la fiscalité de ce mécanisme, Jean-Luc Scemama relève un inconvénient : « le vendeur est imposé sur le prix de vente des titres, et non pas sur ce qu’il a effectivement encaissé, à la différence des ventes de fonds de commerce où l’imposition porte sur le prix encaissé, donc sur la plus-value réalisée ». Des échanges ont lieu entre les pouvoirs publics et le CSOEC pour corréler imposition et plus-value effective en cas de recours au crédit vendeur lors de cessions de titres.