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Loi Énergies renouvelables, les collectivités territoriales en première ligne

Publiée le 11 mars 2023, la loi APER (pour « Accélération de la production d’énergies renouvelables ») entend permettre à la France de rattraper son retard dans le processus de décarbonation de son mix énergétique. Pour ce faire, le texte entend favoriser le déploiement des projets dans tous les territoires. Avec à la clé, de nouveaux outils à la main des collectivités territoriales. Décryptage.

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Fin 2022, notre pays totalisait 66 GW de capacités électriques renouvelables totales. Capacités réparties entre 40 % pour l’hydraulique, 31 % pour l’éolien terrestre et 24 % pour le photovoltaïque(1). Globalement, les énergies renouvelables (EnR) ne représentent, en France, que 19,3 % de la consommation finale brute d'énergie : une part plus faible qu'ailleurs en Europe et déjà en-deçà de l'objectif fixé en 2020 de 23 %(2). Notre pays accuse un retard de production d’énergies renouvelables, au regard de ses propres objectifs, des performances de ses partenaires européens mais aussi – et avant tout – au regard des urgences climatique et énergétique qui se profilent.

Une inflexion dans le lent développement des EnR ?

Avec la crise ukrainienne et les difficultés du nucléaire français, le sentiment de soudaine rareté de l’énergie a enclenché, en 2022, un regain d’intérêt pour les installations de production d’EnR. La demande explose, aussi bien chez les particuliers que du côté des entreprises et des collectivités territoriales.
Mais si ce mouvement n’en est qu’à ses prémisses, la loi adoptée en février 2023 pourrait apporter de l’eau au moulin. Et permettre à la France d’atteindre l’objectif fixé par Emmanuel Macron de multiplier par 10, d’ici à 2050, la capacité de production d’énergie solaire, pour dépasser les 100 GW et de déployer 50 parcs éoliens en mer pour atteindre 40 GW.
L’enjeu de la loi APER est clair : il s’agit de « lever tous les verrous qui retardent le déploiement des projets », selon la ministre de la Transition énergétique. Les nouveaux dispositifs introduits par la loi entendent déconcentrer les sources d’énergie, mais aussi accélérer l’instruction des projets. Il faut en effet 5 ans en moyenne, actuellement en France, pour construire un parc solaire et 10 ans pour voir aboutir un projet de parc éolien en mer – soit le double du temps observé en Allemagne.

Les zones d’accélération : les communes à la manœuvre

Qui mieux que les élus locaux peuvent agir pour territorialiser les objectifs nationaux à atteindre en matière de production d’EnR ? Ils connaissent les spécificités de chaque territoire et sont les plus à même d’œuvrer pour l’acceptation des projets. De fait, les collectivités territoriales sont au centre des dispositifs introduits par les 116 articles de la loi du 10 mars 2023. Il revient notamment aux communes de créer, d’ici à novembre 2023, des « zones d’accélération pour l’implantation d’installations terrestres de production d’énergies renouvelables ». Ce dispositif a pour but de flécher les projets vers des zones prioritaires où ils pourront bénéficier de délais d’instruction réduits et de tarifs de soutien modulés.

Ces zones d’accélération peuvent concerner toutes les énergies renouvelables : le photovoltaïque, le solaire thermique, l’éolien, le biogaz, la géothermie, etc. Elles doivent en premier lieu présenter un potentiel permettant d’accélérer la production d’énergies renouvelables. Ce potentiel sera apprécié au regard des informations communiquées par les services de l’État sur le portail cartographique EnR dédié, données qui concernent le potentiel solaire ou éolien de chaque territoire. De plus, les zones doivent contribuer à la solidarité entre les territoires et à la sécurisation de l’approvisionnement en énergie.

La création de zones d’accélération n’est acquise qu’au terme d’un processus complexe, impliquant une délibération de l’EPCI auquel la commune adhère, une validation du « référent préfectoral » institué par la loi et l’avis du Comité régional de l’énergie (CRE). Mais ce sont bien les communes qui auront le dernier mot sur le zonage.

À noter que les territoires n’ayant pas institué de zones d’accélération ne pourront pas désigner de zones d’exclusion sur lesquelles l’implantation de projets d’énergie renouvelable n’est pas autorisée.

Vers un développement massifié du solaire

La loi APER introduit plusieurs dispositions nouvelles encourageant le développement massif de l’énergie solaire. Il devient ainsi obligatoire d’équiper les parkings extérieurs de plus de 2 500 m², sur au moins la moitié de leur superficie, en ombrières.

La loi facilite également l’installation de panneaux photovoltaïques dans des zones déjà artificialisées, comme les délaissés des réseaux routiers et ferroviaires ou encore les friches existantes en zone littorale. Par dérogation au principe d’urbanisation en continuité qui y prévauten bord de mer, des installations de production d’EnR pourront être autorisées, même en rupture avec les agglomérations et villages existants.

La loi renforce par ailleurs les obligations de couverture des bâtiments non résidentiels nouveaux ou lourdement rénovés par des installations de production d’énergie solaire ou des systèmes végétalisés. Sont concernés les bâtiments administratifs, les hôpitaux, les équipements sportifs, récréatifs ou de loisir et les bâtiments scolaires et universitaires.

La loi crée enfin un régime juridique spécifique pour les installations agrivoltaïques, qui utilisent l’énergie du soleil à des fins d’installation, de maintien ou de développement d’une production agricole. L’agrivoltaïsme devient une filière à part entière de l’énergie solaire, qui pourrait représenter une majorité des volumes de panneaux déployés d’ici à 2050.

Une valeur créée désormais mieux partagée

La loi du 10 mars 2023 autorise une redistribution publique et collective de la valeur dégagée par les énergies renouvelables, devenues compétitives. Ce partage territorial de la valeur, loin d’être pensé comme un système d’indemnisation de clients finaux lésés par les nuisances, vise uniquement les communes et leurs groupements comme bénéficiaires de ce dispositif qui reposera sur deux mécanismes distincts :

  • l’investissement direct dans les projets d’énergie renouvelable via l’entrée des collectivités au capital de la société gérant les installations locales ;
  • ou l‘obligation de financement, par les porteurs de projets lauréats d’appels d’offres, d’autres projets portés par les collectivités territoriales en faveur de la transition énergétique, de la biodiversité ou de l’adaptation au changement climatique.

Autre nouveauté : acheter l’énergie en circuit court, c’est désormais possible pour les collectivités territoriales. La loi les autorise explicitement à recourir aux contrats Power Purchase Agreement (PAA) pour leurs achats d’électricité : des contrats de gré-à-gré de longue durée, directement passés entre un producteur et un acheteur et garantissant à ce dernier des prix stables décorrélés du marché.

Ce nouveau modèle d'approvisionnement doit permettre l'émergence de véritables circuits courts de l’énergie dans les territoires.

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(1) Baromètre 2022 des énergies renouvelables électriques en France (Observ’ER) : https://energies-renouvelables.org/wp-content/uploads/2023/01/ObservER_BARO_ENR_ELEC_2022-20230126-web.pdf
(2) INSEE