Alain Henriot : « Selon le FMI, le PIB mondial diminuera de 4,5 à 5 % en 2020 mais cela ne tient pas compte, pour le moment, de l’impact de la seconde vague. Le point important dans une approche mondiale est que, sans surprise, la situation économique de chaque pays est corrélée à l’importance et à la durée des mesures de restrictions mises en place lors de la crise sanitaire. Ainsi, les Etats-Unis affichent encore une croissance fin 2020 mais c’est la Chine qui tire son épingle du jeu du point de vue économique : ayant fait preuve de beaucoup plus de maîtrise du sanitaire, sa croissance est désormais quasi normalisée.
Quelle est à l’heure actuelle la situation économique mondiale ?
Globalement, l’Asie se distingue. La Chine, seul pays à enregistrer une croissance en 2020, consomme, voire surconsomme, des matières premières industrielles, ce qui induit des prix soutenus, et importe des produits agro-alimentaires. Dès lors, cela aide leurs fournisseurs, les pays émergents et la zone Asie. Dans cette dernière région, seul le Japon est en situation inquiétante : avec une population plus âgée et donc très fragile, la consommation est très freinée. L’Inde, qui a connu une immense récession du fait de fortes contraintes sanitaires, a connu un net rebond à partir de l’été. »
Qu’en est-il du continent américain ? Y a-t-il de forts contrastes ? Que peut changer l’arrivée des démocrates au pouvoir aux États-Unis ?
Alain Henriot : « Je prends deux exemples qui souligneront les différences sur ce continent. D’un côté, le Brésil, où le gros choc économique mal maitrisé a été suivi d’un rebond pour terminer l’année 2020 dans une situation très compliquée. C’est un pays qui est sauvé en partie par ses exportations vers la Chine fin 2020, mais qui pâtit de problèmes structurels dans ses finances publiques.
Si l’on regarde maintenant les Etats-Unis, l’économie a primé sur le sanitaire, et les restrictions n’étaient en rien comparables à celles déployées en Europe. Et le fait que ce soit un Etat fédéral et des Etats fédérés qui se répartissent les compétences, et donc les décisions, joue beaucoup dans l’ajustement des mesures. Ainsi, c’est le gouverneur de la Californie qui a décidé de la fermeture du Park Disneyland. Ce qu’il faut regarder de près, c’est l’impact du plan de soutien à l’économie, tel que défini par la nouvelle administration Biden : 1 900 milliards de dollars, avec certes des chèques de 1 400 $ pour les populations les plus fragiles, mais surtout un programme relatif au développement des infrastructures. »
Face à la seconde vague, comment se porte la zone européenne ?
Alain Henriot : « En Europe, le patient qui inquiète est le Royaume-Uni ! Voici quelques éléments pour comprendre cette affirmation. Sur la zone euro au vrai sens du terme, le taux de chômage, selon les chiffres Eurostat, a culminé en août et commençait à baisser dès septembre ou octobre selon les pays. Sur le premier confinement, du fait des fortes restrictions en France, la récession a été forte. A l’inverse, l’Allemagne s’est maintenue. Toutefois, le rebond économique a été plus fort au troisième trimestre en France - et étonnement en Italie - qu’en Allemagne.
Dès lors, à la fin 2020, comparée à 2019, le recul était globalement de 5 % pour l’Allemagne, la France, l’Italie… Bref, pour l’ensemble de la zone euro, à une exception près : l’Espagne, qui accuse un recul de 10 %, un chiffre équivalent au Royaume-Uni, qui se reconfine strictement. La seconde vague change la donne, c’est évident d’autant qu’elle touche fortement l’Europe. Le risque premier est que les investisseurs discriminent l’accès au crédit selon chaque pays : avec 160 % d’endettement public pour l’Italie (en % du PIB), ce pays est en position très défavorable à cet égard. Mais la décision de l’Union européenne d’émettre des green bonds européens limite le risque. Or, le Royaume-Uni est exclu de cette dynamique. »