Investissements des entreprises et secteurs d'activité : de l'importance du confinement sur l'avenir

L’intensité et la durée du confinement ont varié selon les pays concernés mais aussi selon les activités. A ces paramètres, pays et activités, s’en ajoute un autre : l’effet dans le temps. Il est des secteurs qui ont durement souffert du confinement mais qui peuvent compter sur un rattrapage rapide ; d’autres qui ont bénéficié du confinement sans que cet effet soit pérenne… Explications avec Alain Henriot, responsable des Etudes économiques au sein de La Banque Postale.

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Les pays ont été nombreux à mettre en place des mesures de soutien pour protéger l’emploi à court terme, mais le confinement, au-delà des répercussions immédiates, emporte aussi des conséquences différées et sur le long terme. Ainsi « aux Etats-Unis, le choc économique a été moins violent qu’en Europe, le confinement y ayant été en général moins strict, explique Alain Henriot, responsable des Etudes économiques au sein de La Banque Postale. La chute du PIB y est donc moins brutale, mais il n’en demeure pas moins que la période mars-avril a été celle d’une contraction forte de l’emploi avec 22 millions d’emplois perdus. Depuis mai, l’emploi repart mais cela ne compensait en août que la moitié des emplois perdus antérieurement ».

 

Des entreprises protégées à court terme mais des investissements annulés à long terme

Dans les mois qui viennent, le niveau du chômage va donc rester élevé car les marges de manœuvre des entreprises sont limitées, ce qui va peser sur les embauches et l’investissement. « Leur capacité d’endettement est maintenant limitée, souligne Alain Henriot. A titre d’exemple en France, les prêts estampillés PGE (prêts garantis par l’Etat) s’élevaient à 119 milliards d’euros fin août, quand en 2019 l’enveloppe totale des crédits était de 330 milliards ». 

Point positif, les entreprises sont protégées à court terme. Et même si certaines ont beaucoup souffert de la crise, la moitié des PME considère que leur trésorerie est satisfaisante.

 

Des secteurs impactés immédiatement par le confinement, d’autres en différé

Les secteurs liés aux investissements des entreprises sont ceux qui sur le moyen terme sont le plus en danger. Dans le contexte actuel de crise de la mobilité, ce sont logiquement les entreprises relevant du secteur des transports qui sont les plus touchées. Viennent ensuite, selon la Coface, le secteur de l’automobile et celui de la distribution (hors alimentaire), déjà dans une position de faiblesse l’an passé. La Coface a d’ailleurs déclassé 40% des 13 secteurs d’activité évalués dans 28 pays (représentant 88% du PIB mondial). 

L'exemple du secteur automobile est très éclairant concernant les effets dans le temps du confinement : «Les mois de mars, avril et mai ont été des mois sans vente. D'où des stocks très importants. Entre les promotions des constructeurs et les aides de l'Etat, les ventes dès juin ont dépassé les niveaux de février, illustre Alain Henriot. On peut s'en réjouir mais quand il y a des aides, il y a toujours un contrecoup, un « effet prime à la casse », qui sera sans doute visible après l'été ».

A l’autre bout du spectre, « l’industrie a été un peu moins impactée par le confinement, que d’autres secteurs comme les transports ou la construction. Mais ce secteur peut souffrir plus durablement » poursuit Alain Henriot. En juin, la production industrielle en France était encore inférieure de 10% par rapport à son niveau de février. Une tendance similaire se dessine au niveau européen.

La situation du secteur de la construction a bien évidemment été catastrophique durant le confinement et il y aura une reprise mais, indique l’expert, « un ajustement à la baisse des prix de l’immobilier est très probable d’ici la fin de l’année notamment parce que les ménages vont se montrer prudents en la matière, compte tenu de l’environnement économique. Par ailleurs, la démonstration faite autour du télétravail durant le confinement devrait aussi avoir un impact sur l’immobilier non résidentiel ». Les prix des bureaux et donc les programmes sur ce secteur vont aussi en souffrir.

Par ailleurs, la suspension du tourisme international a un large impact : sur l’aéronautique donc les compagnies aériennes,  les fabricants du secteur, leurs sous-traitants pour les pièces détachées ou les machines-outils ; sur le secteur hôteliernotamment le très haut de gamme.

 

Des secteurs protégés par la consommation

A l’inverse, il est des secteurs qui n’ont que peu pâti voire ont profité de cette crise sanitaire. On pense évidemment aux secteurs pharmaceutiques et, dans une moindre mesure, à l’agroalimentaire et au secteur des technologies de l’information et de la communication.

Il est même des secteurs qui étaient très déclinants qui ont ponctuellement bénéficié de la crise : « ainsi l’activité du secteur du papier a été très soutenue pendant le confinement, rappelle Alain Henriot. Qu’il s’agisse d’une utilisation pour des raisons d’hygiène individuelle avec souvent constitution des stocks (mouchoirs, papier toilettes…) ou d’une utilisation par le secteur hospitalier, la consommation a crû. Mais ce n’est pas pérenne ».

À l’exception des services où ce qui est perdu est perdu – les vacances non prises entre mars et juin par exemple - la plupart des secteurs peuvent tabler sur un effet rattrapage, si l’on se fie au haut niveau d’épargne forcée des ménages durant le confinement, épargne qui alimente à l’heure actuelle une reprise forte de la consommation en France (en savoir plus). Tel est le cas pour les produits manufacturés : les achats n’ont pas tous été annulés, certains étant juste reportés.