Brexit : vers quelle évolution pour la parité entre la livre sterling et l'euro ?

Depuis 1999, l’euro tient une relation particulière avec la monnaie britannique. La mise en place du Brexit ne devrait pas la modifier, même si à court terme la situation économique peut jouer les trouble-fêtes.

Pour comprendre la cotation sur le marché des changes entre la livre sterling et l’euro, il faut remonter l’histoire. La monnaie britannique appartient au club très fermé des monnaies fortes, voire de refuge, comme le dollar ou le Yen, avec lequel, d’ailleurs, elle se dispute le rang de troisième devise mondiale en matière de réserve de change chez les banques centrales. À l’origine, il s’agit de la monnaie de l’Angleterre et du pays de Galles, où elle a un cours légal. Mais en réalité, elle circule sur l’ensemble du territoire britannique : l’Irlande du Nord, l’Ecosse, les Îles de Man, Jersey et Guernesey, ainsi que les territoires restés attachés à la couronne britannique, comme Gibraltar, Bermudes, Iles Malouines, Îles Caïmans... De fait, il n’y a pas une mais plusieurs livres sterling, et parfois elle coexiste avec une monnaie locale, à l’image de la livre écossaise : en Ecosse, il est possible de payer en livre écossaise ou sterling. Cependant, dans les distributeurs de billets, seules les livres écossaises sont disponibles. Son rayonnement à travers le globe peut expliquer une partie des réticences des britanniques à rejoindre la monnaie européenne. 

À la fin c’est toujours la Livre qui gagne

Et puis, depuis 1999, date des premiers échanges en euro, la parité de la livre sterling face à la monnaie européenne, a presque tout le temps été favorable à la monnaie britannique. Et tout particulièrement dans les premiers mois de cotation de l’euro, où il s’en est fallu de peu pour qu’une livre sterling délivre deux euros. Puis l’éclatement de la bulle Internet entre 2001 et 2004, a rapproché les deux devises, avec un point médian à 1€ pour 0,67£. Dès lors et pendant près de quatre ans, les deux monnaies vont rester dans cette zone. Il faut attendre la crise de 2008 pour que la parité soit sévèrement secouée. Au point que les deux devises se sont rapprochées de la parfaite parité unitaire sur la fin 2008 et le début 2009. À partir de là, la variabilité des cours de change devient beaucoup plus sensible. Mais au fil du temps, la monnaie britannique se renchérit vis-à-vis de l’euro et ce jusqu’à la fin de 2015 et l’annonce du référendum sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.

Tout change dès la convocation aux urnes des électeurs britanniques : l’euro s’est raffermi de manière spectaculaire et durable. Du 1er décembre 2015 au 11 octobre 2016, pour changer une livre sterling, les britanniques sont passés de 1,4183€ à 1,0964€. C’est le point le plus bas atteint au cours des négociations par Theresa May avec l’Union européenne. Pendant toute la durée de ces dernières, et y compris pendant les rejets à répétition du Parlement britannique, 1£ s’est échangée entre 1,10€ et 1,17€.

L’impact des taux directeurs des banques centrales

En fait, la livre sterling fait preuve d’une assez bonne résistance aux aléas puisqu’elle maintient son taux de change au-dessus de 1€, quelle que soit la crise qui advient. Elle a pour elle des prévisions économiques solides. Ainsi, l’Union européenne prévoit une croissance de 1,3 % en 2019 et 1,4 % en 2020 et en 2021 pour la Grande-Bretagne, et 1,4 % durant ces trois mêmes années pour l’Union européenne à 27. Dans le même temps, l’inflation est attendue à un niveau beaucoup plus élevé Outre-manche, à 2% en 2020 et 2,2% en 2021 contre 1,4% et 1,6% pour l’ensemble des vingt-sept pays européens. Cet aspect maintient pour le moment les taux directeurs de la Banque d’Angleterre (BOE) à 0,75%. Mais la baisse d’activité pointe, et au lieu de les augmenter pour éviter un emballement inflationniste, une baisse est de plus en plus probable pour tenir la croissance. 

Tant que les taux de la BOE restent positifs, la livre sterling devrait garder une parité au-dessus de 1€, y compris avec le Brexit effectif, car les capitaux y seront mieux rémunérés par rapport aux taux négatifs de la Banque centrale européenne. Et ce même si la parité unitaire entre les deux monnaies se rapproche à grand pas, puisqu’il faut tenir compte de la longue période de négociation sur le cadre des nouvelles relations commerciales entre les deux blocs. En revanche, si finalement les britanniques renoncent à partir, cela devrait entraîner un nouvel éloignement entre les deux devises, à la faveur d’une livre sterling plus forte. Une sorte de retour à une situation normale, celle de ces vingt dernières années.