Interview

Comment les PME-ETI peuvent gagner en attractivité employeur ?

Recruter et fidéliser est un enjeu particulièrement important pour les PME et ETI. Mais elles peuvent se heurter à un manque d’attractivité dont les facteurs sont nombreux et se combinent souvent explique Isabelle Obrecht, directrice associée du groupe Valtus. Précédemment DRH pour l’Oréal, Roche Pharma et Richemont, puis DRH de transition, Isabelle Obrecht partage son analyse et livre des pistes pour un marketing RH efficient.

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Portrait de Isabelle Obrecht

Les perspectives d’évolution de carrière et/ou de formations intéressent tous les profils mais un discours uniforme sur le sujet est inefficace.  Il doit être pensé en fonction du profil cible : ingénieur, ouvrier, technicien, cadre, manager, etc.

Isabelle Obrecht — Directrice associée du groupe Valtus

Fin 2023, 90 % des dirigeants de PME rencontraient des difficultés de recrutement selon une enquête menée par la CPME. Certes depuis 2020, un nouveau rapport au travail est apparu : l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle a pris une vraie ampleur. Mais les difficultés de recrutement et de fidélisation des PME et ETI ne sont pas nées avec la Covid - Bpifrance en faisant déjà état en janvier 2018 - et ont bien d’autres explications. Dont un déficit d’image.

Manque de notoriété, socle du manque d’attractivité des PME et ETI

« Outre la transition environnementale et la transformation numérique - des défis communs à toutes les entreprises, les PME et ETI ont un autre défi majeur à relever : le recrutement et la fidélisation de leurs collaborateurs, pointe Isabelle Obrecht, directrice associée du groupe Valtus, expert européen du management de transition. Les startups, scale-ups et grands groupes y sont aussi confrontés, mais pas sur un même niveau de criticité. Comparé aux autres segments, très valorisés en tant que secteur ou marque dans les médias, le segment PME-ETI souffre d’un déficit de notoriété ». Et d’image : certains préjugés ont la vie dure. Ce que déplore Isabelle Obrecht qui a conduit des missions de transition RH au sein de la PME Parella Exquisse et des ETI Talentia Software et Nuxe : « les évolutions professionnelles tant hiérarchiques que transversales, sont possibles. On y trouve aussi des process réactifs de décisions plus rapides qu’au sein des grands groupes. Et une relation humaine de proximité, une polyvalence forte et une appétence entrepreneuriale ».

Le manque d’attractivité employeur des PME et ETI est multifactoriel 

Pour Isabelle Obrecht, le manque d’attractivité des PME-ETI ne se limite pas à un défaut d’image. Il provient d’une combinaison de facteurs, dont certains sont bien connus : « des packages de rémunération pas toujours ajustés au marché, un site Internet sans vraie rubrique ‘’carrières’’, une stratégie RH et une culture managériale à développer… ». D’autres facteurs ne sont parfois pas identifiés par l’entreprise. Il faut donc notamment :

  • Veiller à considérer un candidat au même niveau qu’un client : « il faut ’séduire’ le candidat au même titre que le client de l’entreprise. Les descriptifs de poste ne sont parfois qu’une liste de missions et ne parlent pas de l’ADN de l’entreprise, ni des avantages extra-légaux du poste par exemple. Une offre d’emploi attractive devrait pouvoir répondre à cette question : qu’est-ce que le job et l’entreprise vont apporter au profil recherché, au-delà de la rétribution financière ? »
  • Tenir compte des conséquences d’une localisation du domicile excentrée du lieu de travail : « en ce cas, il convient de valoriser les solutions de mobilité existantes pour faciliter l’accès au site, les accords de télétravail et créer des dispositifs qui facilitent l’attractivité de la délocalisation. Par exemple la prise en charge du loyer les trois premiers mois pour des profils d’ingénieurs développeurs en premier job ». D’autres dispositifs permettent à l’employeur d’accompagner le nouveau salarié dans son accession à la propriété.
  • Prendre en considération les spécificités des profils cibles : « Où se trouvent-ils ? Où se forment-ils ? Quels sont leurs centres d’intérêt ? Pour attirer certains talents, une étude de profil dans sa globalité, et pas uniquement sous l’angle professionnel, me semble pertinent. Les perspectives d’évolution de carrière et/ou de formations intéressent tous les profils mais un discours uniforme sur le sujet est inefficace.  Il doit être pensé en fonction du profil cible : ingénieur, ouvrier, technicien, cadre, manager, etc. »

Cette approche par profils ou métiers vaut aussi en matière de fidélisation : « certains métiers sont appelés à disparaitre, d’autres, émergents, vont devenir essentiels, dont ceux en lien avec le développement durable et l’intelligence artificielle. Accompagner les personnes en poste vers ces métiers est un travail de fond.  Lors d’une mission de transition, j’ai eu l’opportunité de travailler sur des référentiels et des programmes de compétences transférables. Cela a permis à des assistantes de direction d’évoluer sur des rôles de chef de projet communication, chargée de RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises), ou encore responsable service client ». Une démarche épanouissante et profitable tant pour chaque personne concernée que pour le collectif au sein de l’entreprise.

De l’importance du marketing RH

Pour surmonter des difficultés de recrutement et/ou de fidélisation, Isabelle Obrecht préconise de « travailler son marketing RH. Cela dépasse la communication marque employeur. La PME /ETI doit s’interroger sur sa culture, ses forces, ses singularités, par exemple la typicité de son ADN, la qualité des interactions relationnelles ». Et elle doit le retranscrire dans son approche en tant que recruteur et employeur : « ce qui est incarné en entreprise et qui a un impact positif pour le collectif doit être largement communiqué en externe ».

Mais dans les faits, un dirigeant, un manager peut parfois, face à un turn over trop déstabilisant par exemple : « voir les symptômes et identifier éventuellement une ou deux raisons ; mais sa vision n’est que partielle ». Dans cette situation, l’apport d’un manager de transition en RH « peut être utile, relève Isabelle Obrecht, pour apporter un éclairage différenciant et expérimenté, une hauteur de vue, et un plan d’actions avec des solutions pragmatiques ».

L’intervention d’un DRH de transition permet de mettre en œuvre rapidement un plan d’actions 360°, à la fois court et long terme. Il vient d’abord poser un diagnostic rapide afin de comprendre les raisons, selon les métiers concernés, du manque d’attractivité et de fidélisation : « cela peut venir par exemple d’un gap entre les valeurs prônées par l’entreprise et celles réellement incarnées ou d’un management intermédiaire hétérogène en matière de maturité managériale » indique Isabelle Obrecht.

Une fois le diagnostic posé et partagé par le client, trois temporalités d’actions s’ouvrent : d’abord celle de la préconisation d’une stratégie globale, qui peut dépasser le temps de la mission du DRH de transition; puis la temporalité des actions prioritaires à mettre en place le temps de la mission ; enfin, « la troisième temporalité concerne les solutions qui seront effectivement mises en place, car une feuille de route est amenée à évoluer selon les actualités des organisations et l’avancée de la maturité sur les sujets traités ».

Exemples d’actions en faveur d’un marketing RH efficient

Le DRH de transition doit apporter des améliorations rapides et visibles dès les premières semaines, puis à chaque jalon défini au regard du temps de sa mission. « Pour améliorer l’attractivité et la fidélisation, le travail de fond peut porter sur l’identification des valeurs incarnées, la définition de la ligne éditoriale en matière de communication interne et externe, la construction d’un site ou d’une rubrique carrières attractive, l’accompagnement de la ligne managériale sur ces thématiques ».

Des actions peuvent se porter vers l’e-réputation de l’entreprise en tant qu’employeur. Comment ? En lisant et en répondant aux commentaires sur les réseaux type Glassdoor ou LinkedIn.  On peut aussi améliorer l’expérience candidat en réduisant les délais de recrutement en communiquant sur le déroulé, les étapes, en travaillant les réponses aux candidats sans négliger les mails de refus. Et en déployant une communication ajustée selon les profils à recruter. « Si l’on cherche des jeunes talents avec quelques années d’expérience, il importe d’avoir un process de recrutement rapide et adaptable sur tous supports, smartphone compris. Et de publier des vidéos de collaborateurs témoins pour mettre en lumière la diversité des profils, des cultures, des métiers ; ainsi que des vidéos d’intégration de collaborateurs recrutés pour voir les locaux, percevoir l’ambiance de travail… ».

De l’intérêt du statut entreprise à mission pour conforter l’attractivité employeur

Fin 2023, 1 490 sociétés avaient opté pour le statut de cadre à mission créé par la Loi Pacte de 2019, soit 34 % de plus qu’à fin 2022 (7ème Baromètre de l’Observatoire des entreprises à mission). Parmi celles-ci, la part des ETI et PME est en belle progression : +47 % en un an pour les premières, + 38 % pour les secondes. Un exemple à suivre ce statut : les dirigeants donnent du sens au projet d’entreprise en s’engageant formellement à déployer les moyens nécessaires pour poursuivre leurs objectifs sociaux et/ou environnementaux. Sens, innovation, sentiment d’appartenance : l’attractivité de l’employeur ne peut en sortir que grandie.

Mieux comprendre le rôle d'un DRH de transition

Un DRH de transition est avant tout un DRH expérimenté qui intervient dans un contexte spécifique :

  • pour répondre à une vacance de poste et durant le temps nécessaire pour recruter le titulaire (management relais) ;
  • pour mener une transformation positive : préconiser et initier le déploiement d’une stratégie marque employeur, la mise en place d’un nouveau SIRH, accompagner l’intégration de nouvelles acquisitions de sociétés sur un plan RH et culturel, bâtir une stratégie de mobilité professionnelle efficiente, etc. ;
  • ou pour gérer une réorganisation ou une restructuration.

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