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Rapport sur la durabilité : comprendre les nouvelles exigences de l'Union européenne

À compter de 2025 au sein de l’Union Européenne, le rapport sur la durabilité d’une entreprise deviendra aussi important que son bilan comptable. Quelles sont les entreprises concernées ? Qu’est-ce que ce rapport de durabilité ? Réponses avec Pierre-Alix Binet, responsable des affaires institutionnelles et réglementaires au sein de la direction de l’Engagement citoyen de La Banque Postale.

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Le 21 juin 2022, la Commission, le Conseil et le Parlement européens sont parvenus à un accord politique sur la Corporate sustainability reporting directive ou CSRD. Ce texte qui, à terme, remplacera la directive sur les informations non financières dite NFRD s’appliquera à un plus grand nombre d’entreprises et exige des données plus précises, plus complètes, standardisées comme l’explique Pierre-Alix Binet, responsable des affaires institutionnelles et réglementaires au sein de la direction de l’Engagement citoyen de La Banque Postale.

Des entreprises européennes et non européennes

La CSRD impose à des entreprises européennes mais aussi non européennes de rapporter leur performance ESG (Environnement, Social et Gouvernance). C’est là un apport important de l’accord du 21 juin : « En soumettant à ces nouvelles exigences les entreprises non européennes ayant une activité substantielle sur le marché de l'Union européenne, cet accord entend éviter toute risque de distorsion de concurrence entre celles-ci et les entreprises européennes, précise Pierre-Alix Binet. C’est une logique de protection qui prévaut, pour ne pas désavantager ces dernières ». Une logique rare dans la réglementation européenne, qui s’explique par les coûts engendrés par ces obligations : « Les entreprises, notamment les PME et ETI, vont devoir allouer du temps et des compétences afin de s’approprier ces exigences. Il va leur falloir collecter l’information, la qualifier et la transmettre ».

Une mise en œuvre étalée dans le temps

Portait de Pierre-Alix Binet

Le calendrier d’application de l’accord traduit aussi cette volonté de coller à la réalité des moyens des entreprises »

Pierre-Alix Binet — Responsable des affaires institutionnelles et réglementaires au sein de la direction de l’Engagement citoyen de La Banque Postale

Les 50 000 entreprises européennes visées par la directive CSRD (contre 11 600 par la directive NFRD) ne constituent pas un groupe homogène en termes de maturité ESG et de ressources. D’où le calendrier suivant :

  • Les entreprises entrant dans le champ d’application de la NFRD (soit celles comptant plus de 500 salariés) : premier rapport de durabilité en 2025 (donc sur l’exercice 2024) ;
  • les grandes entreprises européennes non soumises à la NFRD (cotées ou pas), c’est à dire celles qui remplissent au moins deux des trois critères suivants - effectif compris entre 250 à 500 salariés et/ou chiffre d’affaires net de plus de 40 millions d’euros et/ou bilan supérieur à 20 millions d’euros : premier rapport de durabilité en 2026 ;
  • les autres entreprises européennes soumises à CSRD, notamment les PME cotées : premier rapport de durabilité en 2027 mais avec des déclarations plus légères et une possibilité d'échapper au nouveau système jusqu'à l’exercice 2029.
  • les entreprises non européennes visées par la directive CSRD, c’est-à-dire réalisant au moins 150 millions de chiffre d'affaires annuel sur le marché de l’Union européenne : premier rapport en 2029. 

Le rapport de durabilité : quel contenu ? Quelles règles ?

Tout en restant générale, la directive identifie des thématiques (dont les six objectifs de la taxonomie : l’égalité des chances, l’éthique des affaires, etc.) permettant à toute entreprise de rapporter sa performance ESG de manière complète et précise. Comment ?« En veillant à ce que ces informations soient conformes à un standard. Un standard généraliste et obligatoire devrait être adopté en 2023 et des standards sectoriels et pour les PME en 2024 », répond Pierre-Alix Binet qui souligne que « trois règles fondamentales seront à respecter : la double matérialité, c’est-à-dire l’impact de l’entreprise sur l’environnement et inversement, la prise en compte du corpus réglementaire européen ainsi que de toutes les initiatives internationales de normalisation ».

Points importants à savoir pour les entreprises :

  • Les filiales inclues dans le reporting CSRD de leur société mère sont exemptées de fournir un rapport individuel de durabilité, sauf dans le cas où la filiale est une grande entreprise cotée sur un marché réglementé. Dans le cas où l’entreprise mère identifie des différences significatives avec les risques ou impacts de ses filiales, elle doit fournir une compréhension adéquate des risques ou impacts.
  • Des dispositions pour les PME ont été introduites : elles pourront choisir d'utiliser un standard simplifié couvrant un champ de reporting plus limité pour répondre à leurs obligations de reporting. De la même manière, les standards devront tenir compte des difficultés que les entreprises peuvent rencontrer dans la collecte d’informations auprès des différents acteurs de leur chaîne de valeur, en particulier auprès de leurs sous-traitants PME ou auprès de sous-traitants basés dans une économie émergente. Enfin, les standards ne devront pas requérir des informations qui obligeraient les entreprises à obtenir des données auprès des PME de leur chaîne de valeur, qui dépasseraient les informations à publier conformément aux standards adaptés aux PME.
En pratique :
  • La publication du rapport de durabilité doit se faire dans une section dédiée du rapport de gestion de l’entreprise.
  • Un audit est obligatoire dès le premier rapport de durabilité. Celui-ci doit être réalisé par un commissaire aux comptes ou tout autre tiers de confiance accrédité par un Etat membre. 

Pourquoi de telles exigences ?

Pour l’heure, les informations relatives à l'impact d'une entreprise sur l'environnement ou le respect des droits de l'homme par exemple sont parfois incomplètes, peu fiables ou absentes. Ce qui ne facilite pas la connaissance des autres acteurs économiques, investisseurs ou consommateurs. Or la transition environnementale et sociale nécessite l’implication de toutes les parties prenantes.

« Cet accord est un pilier de la stratégie de la Commission européenne qui vise la neutralité climatique de l’UE d’ici à 2050. Une telle stratégie se construit en réorientant massivement les flux de financements vers la transition environnementale. Sans reporting extra financier, il n’y a pas de collecte de données fiables et donc pas de possibilité de mieux connaitre les activités vertes, celles qui constituent la pierre angulaire de la réorientation du financement vers la transition ». Cet accord, « très attendu mais difficile à obtenir », était l’une des priorités de la présidence française de l’Union européenne. Pour la formalisation définitive de la CSRD, d’autres étapes juridiques restent à franchir.

Les conséquences sur le financement des entreprises

« La CRSD est plus ambitieuse que la NFRD. On passe du non financial à du corporate. Désormais, les obligations de haut niveau ne sont pas réservées au financier : il convient de faire preuve du même sérieux dans l’extra-financier ». Le fait de disposer de données précises et fiables sur les différents secteurs d’activités va orienter l’appétence des investisseurs, d’autant que le format digital imposé et commun à tous du rapport de durabilité facilitera le partage et l’exploitation de l’information publiée, qui alimentera le futur point d’accès électronique unique européen (European Single Access Point), lequel centralisera à la fois l’information financière et durable des entreprises européennes.

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