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La seconde vie du patrimoine : une piste de développement dans le parc social

Avec l’obligation d’éradiquer les passoires thermiques, jointe à celle d’atteindre les objectifs nationaux de neutralité carbone, les organismes HLM sont soumis à une double injonction. Plus engagés que le secteur privé dans la rénovation de leur parc, les acteurs du logement social doivent toutefois massifier et accélérer leurs efforts d’investissement. Pour cela, l’idée de donner une seconde vie au patrimoine fait son chemin. Une brique complémentaire dans la palette des outils mobilisables pour la transition énergétique.

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Offrir 50 années de vie supplémentaire au bâti traité, c’est tout le sens de la stratégie de la seconde vie du patrimoine. Soit un nouveau regard sur les qualités de l’existant et ses capacités de transformation. Avec à la clé, une alternative possible à la démolition-reconstruction, à équidistance de la rénovation classique et de l’assimilé-neuf (qui induit des travaux très lourds, obligeant souvent au relogement des locataires).

Les avantages de la seconde vie du patrimoine

Par rapport à une démolition-reconstruction, il y a fort à gagner avec la seconde vie des bâtiments. Cela à la fois sur le bilan carbone à l’échelle du cycle de vie du bâti, mais aussi sur la production de déchets, sur l’artificialisation nette des sols, ou encore la biodiversité.

Les bénéfices sociétaux à attendre de cette solution sont par ailleurs non négligeables en termes de qualité d’usage et de qualité de vie pour les locataires : ajout d’ascenseur, adaptation au vieillissement, traitement de l’acoustique, optimisation de la qualité de l’air intérieur etc.

Mais ce n’est pas tout. En privilégiant la rénovation énergétiquement performante, la régénération des logements sociaux pourrait permettre aux bailleurs sociaux de faire face à leurs obligations de rendre décents les logements étiquetés F et G d’ici à 2028. La seconde vie du bâti leur permettrait également de s’aligner sur les objectifs de la stratégie nationale bas carbone (SNBC). Deux objectifs difficiles à concilier dans les faits. L’Union Sociale pour l’Habitat (USH) estime ainsi improbable la capacité des acteurs de la filière à éradiquer les logements sociaux étiquetés E, F et G d’ici à 2025, 2028 et 2034, comme la loi les y oblige, tout en s’alignant sur la feuille de route de la SNBC, qui vise une rénovation énergétique à haute performance environnementale, avec un parc 100 % étiqueté A ou B à horizon 2050.

Le plan de relance donne d’ailleurs raison à ces arguments, puisque seules 27 % des opérations financées dans ce cadre mènent à une rénovation étiquetée A ou B(1). Ce qui, note l’USH, signifie que les trois-quarts des logements rénovés devront faire l’objet d’une seconde rénovation d’ici à 2050.

Entre 2019 et 2021, le nombre de travaux de réhabilitation menées dans le parc social est passé de 41 000 à près de 105 000(2). Mais même en augmentant la capacité de rénovation du parc social à 133 000 logements par an, le rythme des réhabilitations ne serait pas suffisant pour atteindre à temps le critère de 100 % de rénovation en 2050.

La seconde vie des logements sociaux : un potentiel sous-exploité

La notion de « seconde vie du patrimoine » n’est juridiquement pas figée(3). Elle ne bénéficie pas du régime financièrement et fiscalement très avantageux applicable aux travaux de réhabilitation lourds permettant d’assimiler des logements sociaux anciens à du neuf : accès à des prêts très longs, exonération de TFB etc.

Elle est pourtant particulièrement adaptée aux enjeux actuels au sein du parc social. À l’échelle d’une ville, d’un quartier ou d’un immeuble, le réaménagement de logements existants, voire la transformation de la « finalité » du bâti s’avèrent de plus en plus souvent nécessaires pour adresser des besoins nouveaux. Par exemple pour accueillir des familles monoparentales, des jeunes en mal de logement ou des personnes âgées dépendantes dans de petits logements, là où dominaient les logements familiaux de type T5 ou T6.

Dans l’optique du Zéro artificialisation nette (ZAN), la reconversion de bureaux et bâtiments d’activités obsolètes en logements sociaux est une autre option intéressante, qu’encourage d’ailleurs le « décret tertiaire », entré en application en 2022. Au 1er janvier 2023, une nouvelle réglementation découlant de la loi Climat et résilience de 2021 oblige à réaliser une étude préalable du « potentiel de changement de destination et d’évolution » avant toute construction ou démolition d’un bâtiment. Un coup de pouce de plus.

Mais pour l’heure, les opérations de réhabilitation de bâtiments d’activités offrent un potentiel restant encore largement sous-exploité. Entre 2013 et 2021, seuls environ 1 900 logements ont été autorisés chaque année en moyenne. La transformation de bâtiments d’activités n’a représenté qu’environ 3 % de l’objectif légal de production de logements sur la période en Île-de-France, de loin la région la plus avancée dans ce domaine.

Des bailleurs sociaux pourtant fortement engagés dans la transition

Du fait d’un engagement historique des offices HLM, le parc social présente des caractéristiques environnementales positives, comparé au parc global des logements en France.

La part de logements étiquetés A et B s’élève ainsi à environ 11 % du parc social, contre 6,6 % du parc moyen français. La performance énergétique moyenne du parc des offices publics de l’habitat - OPH - est de 170 kWh/m2/an contre 199 pour les logements collectifs et 267 kWh pour les maisons individuelles. Près de 20 % des logements du parc social sont raccordés aux réseaux de chaleur (vecteur énergétique présentant un potentiel de décarbonation important), contre environ 9,5 % pour la moyenne du parc français.

Quant au nombre de passoires thermiques dans le parc social, il devrait peu évoluer avec l’entrée en application du nouveau Diagnostic de Performance Énergétique (DPE). Suivant les anciens critères applicables jusqu’en juillet 2021, 36 % des logements HLM étaient classés en étiquettes A, B ou C, contre seulement 15 % des résidences principales du parc privé. Le nombre de passoires thermiques (étiquettes F et G du DPE) ne dépassait pas 14 % du parc social, contre 17 % pour la moyenne nationale globale. La fédération des OPH estime qu’au terme de la campagne de nouveaux diagnostics, en cours, « le nombre de passoires énergétiques devrait rester inchangé ».

Des freins à lever pour favoriser la seconde vie des bâtiments

Le coût d’une réhabilitation énergétique pour un logement est élevé. Il est actuellement difficile à rentabiliser, le logement à réhabiliter étant parfois plus cher même qu’un logement réhabilité dans certains territoires. Les dispositifs d’aide actuels (plan de relance, subventions, aides fiscales) ne sont pas encore fléchés sur la seconde vie. Les négociations en cours pour une adaptation du régime fiscal et des offres de financement applicables à la réhabilitation n’ont pas encore abouti.

L’augmentation des loyers n’est par ailleurs pas la meilleure option pour équilibrer économiquement les opérations. Même la Nouvelle Politique des Loyers (ou NPL) n’opère dans la plupart des cas qu’un jeu à somme nulle à l’échelle d’un immeuble.

Résultat : avec la seconde vie du bâti, l’investissement s’avère moins important qu’en démolition-reconstruction, mais le résultat économique des opérations est toutefois moins favorable.

Bon à savoir

Le secteur du bâtiment représentait en 2015, d’après la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) :

  • 47 % de la consommation d’énergie finale totale
  • 20 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) françaises.

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(1) Source : « Regard sur les logements sociaux agréés » - Bilan 2021 - Ministère de l’Écologie

(2) Source : USH

(3) Voir à ce sujet la table-ronde organisée le 28 septembre 2022 par l’USH : https://vimeo.com/754745467?embedded=true&source=vimeo_logo&owner=32388675