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Quand les bailleurs sociaux s’alignent sur la Stratégie nationale bas carbone

Dans le secteur du logement social, les défis à relever pour respecter les accords de Paris et s'aligner sur la feuille de route définie par la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) sont ambitieux. Il s'agit de diviser par deux les émissions liées à l'énergie d'ici à 2030, puis d'atteindre une décarbonation quasi-complète à horizon 2050. Pour les bailleurs sociaux, pourtant déjà fortement engagés dans la transition écologique, le chemin à parcourir est immense.

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Réduire de 94 % les émissions de gaz à effet de serre (GES) du parc social d'ici à 2050 ; réhabiliter plus de 90 % du parc suivant les standards BBC Rénovation énergétique ; éradiquer le fioul d'ici à 2034, tout en réduisant la part du gaz au profit des réseaux de chaleur et de l'électricité. Telles devront être les contributions du secteur HLM pour s'aligner sur les objectifs de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), qui fixe, pour 5 ans, les termes de la feuille de route française à la suite des accords de Paris.

Pour atteindre ces objectifs, notamment en matière de consommation énergétique des logements, 90 à 135 000 logements devront être rénovés chaque année, dont plus de 90 % avec un objectif de Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) A ou B après travaux, estime l'Ancols (Agence nationale de contrôle du logement social) dans un état des lieux daté de juin 2022. Et ce sont 200 000 rénovations par an qui devraient être réalisées pour respecter à échéance 2030 les objectifs liés aux émissions de GES.

Or depuis 2018, toujours selon l’Ancols, le nombre de logements sociaux effectivement livrés après une rénovation thermique n’a pas dépassé 80 000 par an : insuffisant pour respecter les objectifs de la SNBC.

Le parc social plus vertueux que le parc privé

Les organismes HLM sont pourtant fortement engagés en faveur de la transition énergétique. Le parc social présente d’ailleurs des caractéristiques environnementales plus positives que le parc privé. Ainsi, le parc social est constitué à 11 % de logements étiquetés A et B, contre 6,6 % pour le parc moyen français(1). La performance énergétique moyenne du parc des organismes publics de l’habitat (OPH) est de 170 kWh/m²/an contre 199 kWh/m²/an pour les logements collectifs et 267 kWh/m²/an pour les maisons individuelles(2). Environ 20 % des logements HLM sont raccordés à des réseaux de chaleur (vecteurs énergétiques présentant un potentiel de décarbonation important), contre environ 9,5 % pour la moyenne du parc français(3).

Le parc social est sensiblement moins énergivore que le parc privé. Il totalise 460 000 passoires thermiques, soit 9,5 % d’étiquettes F et G suivant les critères du nouveau Diagnostic de Performance Énergétique (DPE), contre 4,7 millions et 18,8 % du parc privé. À noter que la nouvelle méthodologie de calcul des DPE aboutit à une part de passoires énergétiques dans le parc social plus élevée qu’avec l’ancienne méthodologie (9,5 % pour 7 %). Ceci s’explique principalement par une présence accrue de logements chauffés au gaz dans le parc social (62 % contre 41 % sur l’ensemble des résidences principales).

Priorité à l’éradication des passoires thermiques

Si l’on modélise une trajectoire carbone compatible avec la SNBC – exercice auquel s’est prêtée la fédération des OPH, avec le soutien du cabinet-conseil de référence Carbone4 – il est clair que pour les 12 prochaines années, c’est l’exigence d’élimination des passoires thermiques qui devra commander la planification des rénovations dans le parc social.

Cette priorité implique à court terme un très fort ciblage sur les étiquettes énergie E, F et G aux échéances 2025, 2028 et 2034, avec une ambition de rénovation lourde pour ces logements.

Dans une étude prospective publiée en juin 2022, la Fédération des OPH a comparé deux scénarios de rénovation du parc des OPH.

  • Dans le premier scénario, le rythme actuel des interventions et réhabilitations énergétiques a été projeté jusqu’en 2050.
  • Dans le second scénario, les projections se basent sur un niveau plus ambitieux d’interventions, compatible avec le respect de la SNBC à horizon 2050.

Le logement social décarboné coûte cher

Si les bailleurs sociaux s’inscrivent dans la trajectoire tendancielle, les interventions de type « gros entretien » concerneraient environ 180 000 logements chaque année, pour des investissements inférieurs à 5 000 € HT/logement : remplacement d’une chaudière individuelle, isolation des combles etc. Soit des actions peu onéreuses, permettant d’améliorer la performance énergétique de quelques KWh/m²/an. Quant aux réhabilitations énergétiques, elles se caractérisent par un investissement moyen de 16 K€ HT/logement pour une réhabilitation classique avec un seul gain de classe DPE. Pour une réhabilitation ambitieuse faisant évoluer la source d’énergie vers une solution moins carbonée, avec un gain de deux classes DPE, il faut compter 20 K€ HT/lgt. Pour une réhabilitation exemplaire, ciblant une étiquette A ou B à la fois sur l’énergie et les GES (donc compatible avec la SNBC), les coûts atteindraient en moyenne 36 K€ HT/lgt.

Les investissements annuels globaux devront tripler dans cette dernière hypothèse.

En comparant la trajectoire tendancielle à celle qui imposerait le respect de la SNBC à l’horizon 2050, voici l’écart estimé par la Fédération des OPH :

 
Tendanciel SNBC
Investissements annuels 1 000 M€ 3 000 M€
Coût / logement 16 K€ 36 K€
Emissions GES 2050 par rapport à 2020 -56 % -94 %
Consommations énergétiques 2050 par rapport à 2020 -45 % -50 %
Nombre de réhabilitations sur 2023-2050 1 100 000 1 600 000
Nombre de réhabilitations annuelles 41 ­000 60 000

Produire ou rénover des logements sociaux avec une visée de neutralité carbone coûte donc plus cher. D’autant qu’avec l’objectif de zéro artificialisation des sols (ZAN), l’augmentation du prix du foncier vient complexifier l’équation économique du logement social.

Freins et leviers financiers : une clé ?

Le principal frein au déploiement des projets de rénovation thermique des logements sociaux est, selon 60 % des bailleurs sociaux, la question du financement(4).

Pourtant, des solutions de financements pécifiques existent et se développent. La Banque Postale a lancé en 2019 un prêt vert à destination des bailleurs sociaux pour financer leurs projets en faveur de l'environnement.

Parmi les opérations de rénovation énergétique des logements sociaux livrées entre 2016 et 2020, 43 % ont ainsi bénéficié de financements éco-conditionnés. Les prêts, qui couvrent 74 % du montant des opérations réalisées, sont ainsi éco-conditionnés dans près d’un-tiers des cas. Les subventions, qui entrent à hauteur de 11 % dans le financement des projets, sont également éco-conditionnés dans un cas sur dix.

Parmi les autres sources de financement mobilisées, plus à la marge, figurent les Certificats d’Économie d’Énergie (CEE). Les CEE, ainsi que l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) n’interviennent toutefois que dans respectivement 21 % et 15 % des opérations. Les sommes perçues sont parfois comptabilisées comme des produits exceptionnels ou des recettes de fonctionnement. Il est à noter que dans 23 % des cas, les CEE ne sont tout simplement pas valorisés.

Quant aux hausses de loyers, 59 % des bailleurs déclarent y avoir parfois recours. 39 % des organismes HLM mobilisent parallèlement la contribution au partage de l’économie de charge (communément appelée « troisième ligne de quittance »). Cela pour un montant moyen par locataire de 15 € par mois, et une contribution qui ne dépasse pas 9 % du montant des opérations réalisées(5).

Carbone et logement : des enjeux complexes

D’après la stratégie nationale bas carbone, le secteur du bâtiment représentait 47 % de la consommation d’énergie finale et 20 % des émissions de GES françaises en 2015. En jeu, des émissions directes, liées aux matériaux utilisés pour la construction ou la rénovation des bâtiments, mais aussi à l’énergie consommée. Mais l’empreinte carbone d’un bâtiment est également liée à la mobilité de ses occupants, à l’artificialisation des sols, ainsi qu’aux aménagements et services qui lui sont liés sur le territoire. Soit les diverses composantes du cycle de vie d’un bâtiment.

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(1) Source : étude sur le parc de logements par classe de consommation énergétique, Sdes, 2020.

(2) Source : Etude « neutralité et logement », Pouget consultant et Carbone4, janvier 2020

(3) Source : CEREN 2020.

(4) Source : « La rénovation thermique des logements du parc social » - État des lieux de l’Ancols – Juin 2022

(5) Source : « La rénovation thermique des logements du parc social » - État des lieux de l’Ancols – Juin 2022