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Hausse du prix de l'énergie : objet de forte préoccupation des bailleurs sociaux

Les bailleurs sociaux ont l’obligation légale de fournir de l’électricité et du gaz à leurs locataires. Avec l’explosion du coût de l’énergie, ils font face à une triple contrainte, entre hausse des charges de fonctionnement, conditions très défavorables de renouvellement des contrats d’énergie et retards de paiement de loyers de plus en plus nombreux. Cela dans un contexte où le bouclier tarifaire s’annonce insuffisamment protecteur pour 2023.

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bailleurs sociaux : hausse du prix de l'énergie

Des envolées tarifaires qui impactent les locataires

Prix du MWh multiplié par 4 à 10(1), manque de visibilité sur les tarifs à venir, locataires fragilisés par l’inflation : l’envolée du coût de l’énergie pourrait avoir un impact financier majeur dans le secteur du logement social en 2023. C’est en tout cas l’inquiétude exprimée par l’Union Sociale pour l’Habitat (USH) qui, le 19 décembre, a partagé les résultats d’une enquête-flash menée auprès de 193 organismes HLM totalisant 2 263 000 logements, soit 47 % du parc social.

Cette enquête révèle que deux-tiers des organismes HLM observent une augmentation du nombre de ménages en difficulté financière. Il faut rappeler que 35 % des locataires(2) du parc Hlm des organismes adhérents à l’USH vivent sous le seuil de pauvreté. La moitié des bailleurs sociaux enregistrent concrètement une hausse de plus de 10 % des retards de paiement de loyers de plus de 3 mois depuis le 31 décembre 2021. Ces ménages en difficulté sont en moyenne davantage chauffés au gaz (30 % des ménages en difficulté, contre 25 % des répondants).

Des manquements dans la couverture du bouclier tarifaire

Le gouvernement s’y est engagé : le bouclier tarifaire déployé en 2022 sera prolongé en 2023 dans le parc social (comme il l’est au profit des ménages, des copropriétés, des petites entreprises et des plus petites communes). 

In extremis, trois décrets publiés le 31 décembre 2022 sont venus préciser les modalités de mise en œuvre du bouclier tarifaire pour 2023.

Deux décrets entérinent tout d’abord l’extension à l’habitat collectif du dispositif d’aide pour les logements chauffés à l’électricité. Soit près de 2 % du parc social (et 100 000 logements). Cette aide devra être demandée par les fournisseurs d’énergie pour le compte des organismes HLM, qui la répercuteront sur les charges des locataires. La compensation correspondra, en 2023, à « la différence entre le prix unitaire des tarifs réglementés de vente (TRV) non gelés (part variable) et celui du TRV gelé », détaillent les textes.

Quant au bouclier tarifaire sur le gaz, il est prolongé en 2023 dans des conditions plus restrictives qu’en 2022. La compensation sera calculée sur la base des tarifs réglementés de vente, dont la hausse sera limitée à +15 % en janvier 2023, par rapport aux niveaux de 2022 (contre 4 % en 2022 par rapport à 2021).

Le bouclier tarifaire comporte par ailleurs des « trous dans la raquette », déplorent les fédérations porte-parole du mouvement HLM. Il ne couvre ainsi pas les dépenses relatives à l’alimentation en énergie des parties communes : éclairages, parkings, ascenseurs etc.

Autre iniquité : l’aide du gouvernement est beaucoup moins favorable aux locataires HLM qu’aux particuliers, éligibles aux tarifs réglementés. Depuis la loi « Égalité et citoyenneté » du 27 janvier 2017, les bailleurs sociaux, au-delà d’une certaine consommation d’énergie par chaufferie, ne peuvent se fournir sur le marché réglementé du gaz et de l’électricité. Cela en application de la réglementation européenne.

Mais bonne nouvelle : en réponse aux demandes des structures d’habitat collectif, des avances de 50 % du montant dû au titre de la compensation pour le premier semestre 2023 pourront être demandées. Les bailleurs sociaux pourront donc toucher plus rapidement une partie de l’aide.

Des conditions contractuelles dégradées

Pour les bailleurs sociaux dont le contrat de fourniture d’énergie vient à expiration, les conditions du renouvellement sont actuellement très défavorables. Nombre d’organismes HLM doivent ainsi s’engager sur des durées longues pour bénéficier des tarifs les moins défavorables, accepter des prix fixes très élevés ou des contrats à prix indexés, donner leur réponse en quelques heures à la suite d’une proposition contractuelle et se plier à des délais de paiement beaucoup plus courts. Cela, alors même que les fournisseurs d’énergie ont signé, le 5 octobre 2022, une charte avec l’État visant à assainir les pratiques de marché suivant 25 engagements (par exemple celui de proposer des « offres crédibles » ou celui de proposer des facilités de paiement aux organismes clients).

D’autres bailleurs sociaux, en cours de marché avec des clauses de variabilité des prix, ne peuvent résilier leur contrat que sous peine de fortes pénalités. Plus problématique encore, on observe un accroissement des appels d’offres sans réponse, le risque étant pour les bailleurs de ne plus pouvoir alimenter leur parc.

Des demandes en suspens

Dans un tel contexte, les bailleurs sociaux s’attendent à une année 2023 particulièrement âpre.

La Fédération des offices publics de l’habitat (FOPH) a formulé en septembre 2022 sept propositions pour modérer la facture énergétique des bailleurs sociaux, et donc de leurs locataires. Parmi ses requêtes, l’extension du bouclier sanitaire tarifaire aux consommations d’énergie pour les parties communes des immeubles, la revalorisation du forfait « charges » des APL et le versement direct aux bailleurs sociaux du chèque énergie actuellement touché par les locataires. Annoncé le 14 septembre pour les ménages à faibles revenus, le chèque énergie ne concerne en effet que les locataires ayant un chauffage individuel. Or la moitié du parc de logements sociaux est en chauffage collectif.

De son côté, l’USH a réclamé courant décembre 2022, la reconnaissance de l’énergie comme un bien de première nécessité. L’organisation représentative du secteur HLM demande un renforcement des aides financières pour les aligner sur les contrats d’énergie aux tarifs réglementés. Elle propose enfin l’abondement des « fonds de solidarité logement » par les énergéticiens, avec le concours de l’État. Chez certains locataires, la part des charges pourrait parfois excéder le loyer lui-même.

Bon à savoir

Le parc de logements sociaux est constitué à 84 % de logements collectifs. Sur ce total, 37 % sont équipés de chauffages individuels et 63 % de systèmes de chauffage collectif.

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(1) Source : estimation de l’Union Sociale pour l’Habitat

(2) Source : USH