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Patrimoine universitaire et hospitalier : vers de nouvelles opportunités pour les EPL ?

Recourir à la création d’entreprises publiques locales (EPL) est une possibilité que la loi 3DS ouvre désormais aux universités pour la gestion et la valorisation de leur patrimoine bâti. À cette même fin, une proposition de loi bientôt soumise au Parlement pourrait autoriser les établissements de santé à créer des sociétés publiques locales à visée patrimoniale, conjointement avec les collectivités locales. SPL-Hospitalières (SPL-H), SPL Universitaires (SPL-U) : deux nouveaux outils au service d’une réelle stratégie patrimoniale ? Le point avec les experts de la Fédération des élus des entreprises publiques locales.

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Les établissements d’enseignement supérieur et les établissements de santé pèsent lourd dans le patrimoine immobilier public. Avec 18 millions de m² (Rapport de la Cour des comptes sur l’immobilier universitaire – Octobre 2022), les bâtiments occupés par les 75 universités publiques et 140 grandes écoles publiques françaises représentent ainsi près de 20 % du patrimoine immobilier de l’État et de ses opérateurs. Quant aux 3 008 établissements de santé publics et privés (source : Les établissements de santé, édition 2021, Drees), ils occupent un quart de la surface totale des bâtiments publics.

« L’enjeu associé à la valorisation, à la réhabilitation et au renouvellement du patrimoine universitaire est en conséquence énorme. » indique Philippe Clémandot, responsable du département Immobilier et Développement à la FedEpl. « D’autant qu’au regard de la transition écologique, ce parc bâti représente des besoins importants. » 

On estime que 34 % des locaux universitaires sont ou seront à moyen terme à ranger parmi les passoires thermiques en adéquation avec les objectifs de neutralité carbone d’ici à 2050. Dans ce même secteur, 2 millions de m² seraient à rénover, avec 7 milliards d’euros de besoins de financement pour mener à bien les chantiers de réhabilitation nécessaires. Cela, dans un contexte où le manque de logements étudiants se fait criant, avec - au dire même du ministère de l’Enseignement supérieur - seulement 380 000 logements disponibles pour 2,7 millions d’étudiants.

Côté secteur hospitalier, les besoins d’investissement en équipements, immobilier et numérique sont estimés par la FHF à 2 milliards d’euros par an. Et les établissements manquent de moyens et de ressources d’ingénierie pour assumer leurs missions annexes aux soins, telles que la gestion, la construction et la maintenance du parc immobilier, le stationnement, les réseaux de chaleur, le logement des personnels soignants, la restauration, la blanchisserie, etc.

Les SPL, nouveaux outils au service des projets immobiliers universitaires

Dans son dernier article (art. 190), la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, à la décentralisation et à la déconcentration (dite loi 3DS) permet aux universités de créer, conjointement avec des collectivités territoriales, des « filiales » inspirées du modèle des sociétés publiques locales (SPL), dédiées à la gestion, à la construction et à la valorisation de leur patrimoine immobilier. Le capital de ces SPL-U doit être détenu à minima à 35 % par l’université concernée, et peut être ouvert à des participations de collectivités locales à hauteur de 35 % au maximum.

« En l’absence de décrets d’application, des précisions seront nécessaires à l’application du texte » estime Philippe Clémandot, qui note qu’aucune université ne s’est encore engagée dans le processus. « Car la loi à ce stade, ne précise rien quant au modèle économique de ses sociétés, notamment leurs modalités de financement. En plus du texte de loi, le cadre juridique devra être complété en termes de montage juridique. »

Sous forme de SPL-U, les EPL pourraient constituer le véhicule idéal pour apporter une réponse aux besoins de mutualisation d’équipements, de services et de moyens entre universités et collectivités territoriales. Cela pour gagner en efficacité dans la gestion de projets de construction, de rénovation, de construction ou d’aménagement de campus, y compris dans le domaine du logement : une solution que la Cour des Comptes a récemment déclaré encourager. Les SPL-U permettraient en outre aux universités de recourir à l’emprunt pour financer leurs investissements au-delà de 12 mois.

Les universités pourraient ainsi s’affirmer comme des acteurs urbains à part entière, à l’heure où la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (dite loi LRU ou loi Pécresse) leur donne la possibilité de se doter de la compétence dite « de dévolution » via laquelle elles deviennent propriétaires et gestionnaires en propre de leur patrimoine.

Les EPL, futur cadre de collaboration avec les collectivités autour du patrimoine hospitalier ?

La modernisation du patrimoine hospitalier est un enjeu saillant dans la perspective de la mise en œuvre du décret tertiaire et de la nécessaire amélioration de ses performances énergétiques. Le développement d’une offre de services adaptée aux besoins des soignants et des patients en est un autre, propre à servir de véritables stratégies d’attractivité pour les établissements. Or, comme le remarque Olivier Toubiana, responsable du département Aménagement à la FedEpl, « les centres hospitaliers ne sont aujourd’hui pas suffisamment intégrés à l’espace urbain, alors même qu’ils constituent des villes dans la ville. Or, beaucoup d’équipements pourraient être encore mieux mutualisés avec ceux de la collectivité : petite enfance, cuisines centrales, production d’énergies renouvelables, parkings, collecte et valorisation des déchets, etc., sans oublier la possible valorisation du foncier hospitalier disponible, dans le contexte de rareté que l’on connaît. »

Ce constat, et l’idée d’offrir un cadre juridique renforcé et sécurisé aux possibilités de mutualisation des fonctions logistiques de l’hôpital, ont donné naissance à une proposition de loi, déposée par le sénateur Hervé Marseille, en février 2023. Aux termes de cette proposition, la création de SPL communes entre établissements publics de santé et collectivités territoriales permettrait de mutualiser les ressources d’ingénierie de projet et d’optimiser les capacités d’investissement des partenaires impliqués. Ces sociétés permettraient aux établissements publics de santé et aux collectivités locales de confier conjointement, sans publicité ni mise en concurrence, l’exploitation d’un service comme la gestion de leurs parcs de stationnements, des services de mobilité, ou des missions de maîtrise d’ouvrage déléguée de travaux de rénovation énergétique.

Cette proposition de loi rejoint la position défendue par la FedEpl, dans le cadre du Conseil national de la refondation, d’élargir aux établissements publics de santé les possibilités ouvertes aux universités par la loi 3DS. Les SPL-H seraient compétentes pour mettre en œuvre des projets de valorisation immobilière en cohérence avec les projets urbains de la collectivité. Les bénéfices dégagés permettraient à l’hôpital de financer d’autres investissements, telle que la rénovation énergétique de ses bâtiments.

La Fédération des EPL estime que deux lignes rouges doivent être respectées :

  • La possibilité de créer des SPL-H ne doit pas amener les collectivités territoriales à se substituer au financement des projets d’investissement immobilier des hôpitaux par les mécanismes habituels.
  • La proposition a par ailleurs vocation à offrir un cadre de coopération autour de sujets logistiques précis, indépendants de l’offre de soins et des questions sanitaires.

De tels partenariats « publics-publics » permettraient aux hôpitaux de partager certaines charges logistiques pour leur permettre de se concentrer sur l’attractivité médicale, la qualité de vie au travail des soignants et l’offre de soins. Les Epl constituent aujourd’hui la forme prédominante d’ingénierie locale garantissant l’intérêt public.

Des entreprises au service de l'intérêt général

Les Entreprises publiques locales sont des sociétés anonymes détenues en tout ou partie par des collectivités territoriales, ayant pour objet la réalisation de missions d’intérêt général. Il en existe, à ce jour, 1 400 en France et plus de 32 000 dans l’Union européenne.

Elles interviennent dans l’ensemble du champ des services publics locaux, soit une quinzaine de secteurs d’activité, parmi lesquels la construction et la rénovation énergétique des bâtiments, la collecte et la valorisation des déchets, le stationnement et les mobilités, la production d’énergies renouvelables, les réseaux de chaleur et de froid.

Ce mode de gestion hybride des projets et services publics permet de mobiliser, avec beaucoup d’agilités, une ingénierie forte, une capacité à nouer des partenariats avec de nombreux acteurs et des capitaux publics et privés, grâce à la souplesse des règles de droit privé qui les régissent. 

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