Interview

Le patrimoine hospitalier public à la loupe

Le partenariat noué entre La Banque Postale et la Fédération Hospitalière de France (FHF) continue de porter ses fruits. Le second volet de leur analyse conjointe intitulée « Regard financier sur les hôpitaux publics » vient de paraître. Il est dédié au patrimoine hospitalier public, sur la période 2015-2021. Entretien avec Sébastien Villeret, responsable d’études financières à la Direction des études de La Banque Postale.

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Portrait de Sébastien Villeret

La vétusté du patrimoine hospitalier public s'est accentuée entre 2015 et 2021 mais la tendance pourrait s'inverser. 

Sébastien Villeret — Responsable d’études financières à la Direction des études de La Banque Postale.

Quel nouveau regard l’étude co-produite par la FHF et La Banque Postale vient-elle poser sur la situation financière des hôpitaux publics ? 

Sébastien Villeret : « Avec la Fédération Hospitalière de France, notre ambition commune est de développer la connaissance de la situation financière des hôpitaux publics, avec une approche complémentaire à celle des études financières existantes dans le secteur, notamment celles réalisées par le ministère de la Santé. Ces études privilégient une analyse synthétique de la situation financière du secteur quand notre approche vise à proposer une étude plus détaillée d’éléments structurels de cette situation. 

L’étude publiée en mai 2023 sur le patrimoine hospitalier public vient par ailleurs dans la suite de celle sur l’encours de la dette des hôpitaux publics de septembre 2022. »

Quel a été le panel d’hôpitaux étudié dans cette nouvelle étude ? 

Sébastien Villeret : « S’agissant d’une analyse financière, nous nous appuyons sur les données transmises via la Direction générale des finances publiques (DGFiP). L’étude porte donc sur l’ensemble du secteur hospitalier public, soit 819 établissements publics de santé, de toutes tailles. Sont prises en compte les activités hospitalières en tant que telles (MCO, SSR, psychiatrie) mais aussi celles retracées par des budgets annexes, comme les EHPAD publics dépendant d’établissements hospitaliers. »

Les bâtiments forment la majeure partie du patrimoine des hôpitaux publics. L’étude formule l’hypothèse d’une récente réorientation des investissements hospitaliers vers la réhabilitation de bâtiments existants plutôt que vers les nouvelles constructions. Sur quelles réalités repose cette idée ? 

Sébastien Villeret : « En termes d’immobilisations brutes comme en termes d’actif immobilisé net, ce sont effectivement les bâtiments construits sur un terrain appartenant à l’hôpital qui représentent la part la plus importante du patrimoine (respectivement 43 % et 51,5 % en 2021). Il est intéressant de noter qu’entre 2015 et 2021, c’est précisément cette partie du patrimoine hospitalier – le bâti - qui a le plus reculé, et cela régulièrement chaque année.

À l’inverse, la part des installations générales, agencements et aménagements des constructions (IGAAC), au sein desquelles se rangent les équipements de chauffage, d’électricité ou les réseaux Internet, n’a pas cessé d’augmenter.

L’hypothèse que nous formulons est donc que les investissements hospitaliers ont été sur la période 2015/2021 moins orientés vers la construction de nouveaux bâtiments que vers la réhabilitation de bâtiments existants. »

Cette tendance correspond également à une des mesures présentées dans la mise à jour du rapport « Décarboner la santé pour soigner durablement » du Shift Project, partenaire de La Banque Postale, rapport évoqué dans l’étude ? 

Sébastien Villeret : « Effectivement cette mesure « massifier la rénovation thermique globale et performante des bâtiments hospitaliers » s’appuie sur le constat que la majeure partie des émissions d’un bâtiment déjà construit relève de l’usage de ses équipements (chauffage, refroidissement, eau chaude sanitaire, etc.) » et que « la rénovation est moins demandeuse en matériaux carbonés (ciment, acier, certains isolants, etc.) que la construction neuve ».

L’empreinte carbone du secteur de la santé(1) équivaut à environ 8 % des émissions nationales. Les immobilisations sont un des postes étudiés, elles représentent 8 % de l’empreinte carbone du secteur de la santé, loin derrière les achats de médicaments et de dispositifs médicaux, qui concentrent la moitié des émissions de gaz à effet de serre du secteur. »

Shift Project partenaire de La Banque Postale

Sur la période étudiée, la vétusté du patrimoine hospitalier s’est aggravée. Quelle est la mesure du problème ? 

Sébastien Villeret : « Cette notion de vétusté s’apprécie, en analyse financière, en rapportant les amortissements et dépréciations à l’actif immobilisé brut. Sur la période 2015–2021, le taux de vétusté du patrimoine hospitalier public augmente. En 2021, il est de 59,2 %. C’est 8 points de plus qu’en 2015. À elle seule, cette dégradation illustre la nécessité d’une relance de l’investissement hospitalier. »

Ce vieillissement du patrimoine hospitalier pourrait s’inverser selon l’étude. Pourquoi ? 

Sébastien Villeret : « C’est l’évolution du patrimoine net hospitalier (différence entre l’actif brut et les amortissements et dépréciations) qui nous permet de formuler cette perspective. Cet actif net n’a en effet pas cessé de diminuer entre 2015 et 2020. Mais en 2021, il a très légèrement augmenté. Cette progression, symbolique (elle n’est que de 0,8 %), pourrait à nos yeux constituer les prémices d’une reprise des investissements. Ceci serait d’ailleurs cohérent avec la mise en place, concomitante, du plan de soutien à l’investissement hospitalier lancé dans le cadre du Ségur de la santé. »

L’étude choisit d’examiner l’équipement des hôpitaux publics en matériels lourds d’imagerie médicale. Quelles sont vos observations ? 

Sébastien Villeret : « C’est effectivement un élément important du patrimoine hospitalier public, du fait des coûts représentés et des activités qu’ils permettent. Pour les étudier, nous n’avons pas utilisé les données DGFiP, inexistantes à ce niveau de détail, mais nous avons eu recours aux données de la Statistique annuelle des établissements (SAE). Nous avons ciblé tous les équipements soumis à autorisation des Agences Régionales de Santé (ARS), notamment les scanners et les IRM.

Sur la période étudiée, le nombre d’équipements lourds détenus par les hôpitaux publics a augmenté chaque année, avec une moyenne annuelle de 2,8 %. Peut-être faut-il y voir un effet de relatif rattrapage du retard français en équipements d’imagerie médicale par rapport à beaucoup de pays comparables. »

L’étude La Banque Postale/FHF se conclut par un focus sur l’encours de la dette des hôpitaux publics. Pourquoi ce choix, moins d’une année après la parution de l’étude La Banque Postale/FHF dédiée à l’endettement hospitalier ? 

Sébastien Villeret : « Une actualisation à fin 2021 de quelques-uns des principaux résultats obtenus sur l’année 2019 nous a paru particulièrement instructive dans la perspective d’un futur bilan du plan de soutien à l’investissement hospitalier lancé dans le cadre du Ségur de la santé. Ce focus a également été l’occasion de synthétiser les principaux résultats du dernier observatoire de Finance Active qui met à l’honneur La Banque Postale, en tant que premier prêteur bancaire(2) des hôpitaux publics en 2022 comme chaque année depuis 2015. 

Autre élément essentiel concernant la dette, il est notable que la proportion des hôpitaux publics ayant besoin d’une autorisation de leur ARS pour souscrire un emprunt est beaucoup plus faible sur la base des comptes 2021 (28,7 %) que sur 2019 (40,3 %).

En 2021, nombre d’hôpitaux ont été recapitalisés, par l’intermédiaire du mécanisme de comptabilisation du plan de soutien à l’investissement, et les revalorisations salariales obtenues au bénéfice de leurs salariés ont été compensées par les tutelles. En conséquence, le niveau moyen de deux des trois ratios réglementaires de dette (l’indépendance financière et le taux d’endettement) ont diminué entre 2019 et 2021. Le troisième ratio réglementaire (à savoir le délai de désendettement) s’améliore aussi sur la période. Savoir si cette tendance est conjoncturelle ou structurelle est difficile à déterminer. La part des circonstances conjoncturelles n’est probablement pas nulle, 2021 étant encore sous l’influence forte de la pandémie, avec notamment d’importantes aides destinées à couvrir les surcoûts liés à la crise sanitaire. Dans notre étude, nous révélons que plus de trois-quarts des hôpitaux publics ont bénéficié, en 2021, du plan d’assainissement financier (qui est une des enveloppes du plan de soutien à l’investissement porté par le Ségur de la santé). »

En traitant le patrimoine et la dette, vous vous intéressez également à la situation d’exploitation des hôpitaux publics, qui a pu se dégrader pour certains entre 2019 et 2021. Pouvez-vous expliquer cela ? 

Sébastien Villeret : « Effectivement, le dénominateur du délai de désendettement est la capacité d’autofinancement (CAF), un indicateur central de la situation d’exploitation. Et la part d’hôpitaux publics présentant une insuffisance d’autofinancement (c’est-à-dire une CAF négative) atteint 12 % à fin 2021. C’est déjà significatif. Mais si l’on regarde les centres hospitaliers de taille intermédiaire, ceux dont les produits totaux sont compris entre 70 et 160 millions d’euros, cette proportion atteint 19 % en 2021 contre 18 % en 2019. Presque un hôpital de taille intermédiaire sur cinq est donc en situation d’insuffisance d’autofinancement, ce qui est systématiquement (sauf à quelques rares exceptions) un indicateur de difficultés financières. »

Comment l’étude FHF/La Banque Postale sera-t-elle valorisée dans les mois à venir ? 

Sébastien Villeret : « L’étude a été présentée à SantExpo le 24 mai, sur le stand de la FHF. Elle a fait l’objet d’un article paru dans Finances Hospitalière début mai, accessible en ligne et centré sur le focus relatif à la dette. À destination des délégations régionales de la FHF ainsi que des ARS, l’étude pourra également être présentée sous la forme de déclinaisons régionales. Ce devrait notamment être le cas avec la FHF Hauts-de-France en septembre. »

La Banque Postale présente à l'édition SantExpo 2023

Les équipes commerciales de La Banque Postale étaient présentes pour cette édition SantExpo 2023 aux côtés de La Poste Groupe et de ses filiales pour réaffirmer ses ambitions sur le secteur de la Santé.

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(1) Sont inclus les établissements de santé, les établissements et services pour personnes âgées, les établissements et services pour personnes handicapées, la médecine de ville, les institutions publiques de santé et les complémentaires santé.

(2) Source : Observatoire Finance Active de la dette des Etablissements public de santé. En partenariat avec SFIL qui refinance une partie des prêts réalisés par La Banque Postale.