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Le rapport Vachey précise les contours de la branche Autonomie

Prévu par la loi du 7 août 2020 sur la dette sociale et l’autonomie, un rapport a été remis au gouvernement le 14 septembre et présenté au Parlement, par l’inspecteur des finances Laurent Vachey. Il précise les possibles contours du périmètre, de la gouvernance et du financement de la branche autonomie.

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Cinquième risque de protection sociale ou cinquième branche de sécurité sociale : loin d’être purement sémantique, le débat a été tranché par le législateur. Le choix de créer une véritable branche dédiée de la sécurité sociale – dont la gestion est confiée à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) - marque une ambition inédite en faveur du soutien aux personnes âgées et handicapées concernées par la dépendance. À l’appui de cette politique, 1 Md€ devront être dégagés dès 2021 et 3 à 5 Mds€ à horizon 2024. À cette date, la réaffectation à la nouvelle branche de 0,15 point de contribution sociale généralisée (CSG) interviendra.

À l’issue de deux mois de concertation avec les acteurs du Grand Âge et les collectivités territoriales, un rapport a été présenté mi-septembre 2020 par Laurent Vachey, ancien directeur de la CNSA et inspecteur des finances. Il définit ce que pourrait être l’ossature de la 5ème branche et les sources de son financement, avec une exigence de soutenabilité à long terme des ressources au regard des charges croissantes.

Pourquoi une cinquième branche Autonomie ?

La création d’une cinquième branche de la sécurité sociale n’est pas un simple artifice juridique et financier. Elle manifeste une volonté politique affirmée. L’objectif, rappelé en introduction du rapport Vachey consiste à introduire davantage d’équité dans l’accès aux services et prestations liées à la perte d’autonomie. Un même droit partout et pour tous : cette exigence appelle une mise à plat des écarts constatés entre les territoires. Actuellement, le taux de bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) à domicile parmi les plus de 60 ans varie ainsi selon les départements de 2,6% à 9,4%.

Réduire, pour les citoyens concernés, la complexité des dispositifs et des organisations est un autre objectif affiché. Une organisation plus efficiente devra enfin permettre de rendre plus fluide et cohérente l’articulation entre parcours de santé et accompagnement social et médico-social, ainsi qu’entre handicap et grand âge. Il s’agit enfin de renforcer la qualité des accompagnements proposés.

Quelle gouvernance locale pour la 5ème branche Autonomie ?

Confiée à la CNSA, la mise en œuvre de la politique de l’autonomie devra se faire au plus près des territoires, dixit le rapport Vachey. Pour ce faire, le rapport préconise la généralisation de Maisons départementales de l’autonomie, avec un statut d’établissement public local, sur le modèle des MDPH pour le handicap. Pour favoriser les parcours lisibles et mieux coordonnés et ainsi éviter toute scission entre sanitaire, médico-social et social, le rapport retient l’hypothèse d’une CNSA s’appuyant conjointement sur les ARS et les Départements. 

Ce double pilotage passera par la signature de contrats départementaux pour l’autonomie entre les ARS et les Départements, autour d’un programme commun d’organisation de l’offre, depuis le domicile jusqu’aux établissements. Une gouvernance locale efficiente du risque autonomie suppose de supprimer les doubles tarifications ARS-Départements, par exemple en regroupant les sections dépendance et soins dans le budget des EHPAD (qui seraient intégralement financées par les ARS).

De potentielles sources de financement

Le rapport Vachey identifie cinq sources potentielles de financement pour l’architecture financière de la branche Autonomie.

Des transferts de recettes

La mobilisation du Fonds de réserve pour les retraites (FRR) actuellement versé à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) pourrait permettre de financer les aides à l’investissement pour la rénovation des EHPAD, à raison de 420 M€ par an de 2021 à 2025. Il est également envisagé de réaffecter à la branche autonomie la part de taxe sur les contrats d’assurance actuellement allouée à Action Logement, soit 300 M€. En 2024, un transfert d’une partie des excédents de la branche Famille, structurellement excédentaire hors impact de la crise sanitaire, est envisagé, à hauteur de 150 M€.

Des mesures d’économie

Parmi les mesures d’économies proposées dans le rapport Vachey figure l’application de contrôles renforcés dans l’attribution de l’allocation aux adultes handicapés, source de 400 M€ d’économies selon le rapport. La prise en compte du loyer fictif pour la propriété principale dans le calcul de l’Allocation personnalisée d’autonomie (AAH) permettrait 440 M€ d’économies au profit du budget Autonomie des Départements, soutient le rapport.

Une réduction de certaines niches sociales et fiscales

Le rapport Vachey préconise de supprimer le possible bénéfice de l’exonération totale de cotisations patronales pour le recours aux services d’aide à domicile au seul motif de l’âge, pour le limiter aux seules personnes âgées dépendantes. Cette mesure permettrait selon lui de dégager 180 M€, avec néanmoins une potentielle fragilisation du secteur des services à domicile, en grande concurrence avec le travail au noir.

Dans le même esprit, l’abaissement de 50% du plafond applicable au crédit d’impôt au titre de l’emploi d’une personne à domicile pourrait dégager 400 M€. Quelque 110 M€ pourraient par ailleurs provenir d’une réduction de 50% du plafond de la réduction d’impôt au titre des frais de dépendance et d’hébergement pour les personnes âgées hébergées en établissements.

Des financements privés

Les plus âgés seront directement mis à contribution dans le financement de la branche Autonomie.

Le rapport Vachey appelle ainsi à réduire de moitié le plafond de l’abattement de 10% sur les pensions et retraites : un gain estimé à 1,5 Md€ d’ici à 2025. Il préconise en outre le passage de la CSG payée par les retraités de 8,3% à 9,2%, l’alignant ainsi sur le taux applicable aux actifs. Une mesure qui pourrait, pour une meilleure acceptabilité politique, être lissée sur 3 ans.

Il est enfin envisagé de créer un prêt immobilier dépendance, dont l’attribution serait liée à l’admission à l’APA et évoluerait en fonction de la perte d’autonomie.

D’éventuels nouveaux prélèvements obligatoires

En dépit de l’hostilité des partenaires sociaux à cette idée, l’établissement d’une seconde journée de solidarité permettrait, dixit le rapport Vachey, de générer près de 3 Mds€.

1,1 Md€ pourraient par ailleurs être dégagés par l’abaissement à 2,5 SMIC (au lieu de 3,5 actuellement) du plafond en-deçà duquel s’applique une réduction des cotisations Famille applicables sur les salaires.

Laurent Vachey propose également de plafonner l’abattement de 1,75 % au titre des frais professionnels (pour un gain de 150 M€) et d’augmenter le barème de taxation des droits de succession de 20% à 25 % sur les héritages dès 2021 (pour 200 M€ de recettes additionnelles).

Un prélèvement de 0,8% ou 1% sur l’assiette des droits de mutation dans le cadre de successions ou donations produirait un rendement de 400 ou 500 M€.

Enfin, l’application d’une déductibilité de la CSG de l’impôt au taux de 3,8 % sur tous les revenus de remplacement conduirait à augmenter l’imposition des seuls retraités redevables de la CSG au taux de 6,6 % et 8,3 %, sans pénaliser les petites retraites. Le gain à en attendre est évalué à 800 M€ par le rapport Vachey.

Institué « parlement » de l’autonomie par la loi du 7 août 2020, le conseil national de la CNSA a salué « l’avancée majeure » que constitue la création de la branche Autonomie. La trajectoire de financement de la branche lui paraît toutefois « hypothétique », le conseil s’inquiétant de « contre-signaux » envoyés au secteur du domicile.

Si le rapport Vachey ouvre des pistes, il est loin d’épuiser le débat autour du financement de la 5ème branche.

Comme les autres branches de la sécurité sociale, le financement de la branche autonomie devra reposer sur la solidarité nationale et sur une assiette la plus large possible. Mais le juste équilibre des ressources pour garantir des financements sûrs, durables, dynamiques et progressifs, reste à trouver.

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