Interview

Observatoire Finance Active 2023 de la dette des établissements de santé: une année chahutée par la forte hausse des taux

À partir d’un panel de plus de 310 hôpitaux publics, Finance Active a publié, fin mars dernier, son Observatoire 2023 de la dette des établissements de santé. Où il se confirme qu’en conséquence de la forte hausse des taux d’intérêt, le recours à l’emprunt bancaire et obligataire diminue. La Banque Postale demeure toujours largement en tête parmi les prêteurs bancaires aux acteurs du secteur. Les explications de Leticia Hachem, responsable du marché de la santé et du secteur médico-social à La Banque Postale.

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Portrait de Leticia Hachem

La Banque Postale s’est vue confirmée sa place de premier prêteur bancaire des hôpitaux publics avec 24,9 % de part du marché global.

Leticia Hachem — Responsable du marché de la santé et du secteur médico-social à La Banque Postale

Pour l’Observatoire 2023 de la dette des établissements de santé, 2022 est une année particulière. À quel titre ?

Leticia Hachem : « Les marchés financiers sont sortis, en 2022, d’une décennie de taux d’intérêt bas et stables, très proches de zéro depuis la dernière crise de liquidités de 2012. C’est-à-dire à peu près depuis la création de l’activité de La Banque Postale auprès des hôpitaux, celle-ci datant de 2013.

Or en 2022, les marchés financiers se retournent. Pour enrayer la très forte inflation post-Covid, devenue structurelle, la Banque Centrale Européenne a en effet augmenté ses taux directeurs.

À 2,122 %, le taux d’intérêt moyen auquel les établissements publics de santé ont pu emprunter l’an dernier était significativement plus haut que celui de l’année précédente (0,81 %). La hausse, soutenue et soudaine, a atteint 131 points de base en un an. »

Quel a été l’impact de cette forte hausse des taux d’intérêt pour le secteur hospitalier ?

Leticia Hachem : « Ce renchérissement des taux s’inscrit dans le contexte du plan Ségur de soutien à l’investissement hospitalier. Une enveloppe de 19 milliards d’euros a été mobilisée pour les hôpitaux publics, dont 13 destinés à relancer l’investissement des établissements tout en restaurant leurs marges financières. On pouvait s’attendre à de grands projets d’investissement, se traduisant par de nouveaux et massifs besoins d’emprunt. Or il n’en a rien été. Avec la forte montée des taux, les nouveaux financements sont en baisse de 13,9 % par rapport à l’exercice précédent au sein du panel Finance Active.

Très concrètement, les établissements publics de santé sont confrontés actuellement à une double problématique de renchérissement du coût des travaux (du fait de l’augmentation du coût des matériaux et de l’énergie) et des financements. Ces 2 éléments ont décalé des projets dans le temps alors même que nombre d’entre eux sont porteurs de projets d’investissement de grande envergure. »

Comment l’offre bancaire s’est-elle trouvée contrainte par le taux d’usure ?

Leticia Hachem : « Le taux d’usure, qui détermine un taux d’intérêt maximal applicable aux emprunts souscrits par les personnes morales, a pour vocation de protéger les emprunteurs. Or en 2022, les taux d’intérêt ont augmenté si vite que le taux de l’usure, calculé trimestriellement, n’a pas pu suivre avec la même réactivité. D’où l’incapacité dans laquelle se sont retrouvées les banques, qui ne peuvent prêter à perte, de financer les projets qui leur étaient soumis. Il en résulte, pour 2022, un recul des offres de prêt souscrites. Mais aussi une forte diminution des contractualisations d’emprunt à taux fixe.

En raison de ces contraintes de taux d’usure, la part des contrats souscrits à taux fixe, à 76 % des nouveaux flux, a diminué, les emprunteurs ayant été contraints d’opter nettement plus souvent pour des emprunts à taux variables : 23 % des cas, Livret A inclus, contre moins de 11,5 % l’an dernier.

La question du taux de l’usure a néanmoins été réglée début 2023, le Trésor ayant décidé d’une réactualisation mensuelle pour une meilleure réactivité face à l’évolution des marchés financiers. »

Comment la durée des emprunts évolue-t-elle en 2022 ?

Léticia Hachem : « Dans les hôpitaux publics, l’emprunt sert à financer des acquisitions structurantes : rénovation ou reconstruction de bâtiments, achat de matériel de pointe etc. D’où des durées d’emprunt généralement longues.

Mais à 19,3 années en moyenne, la durée moyenne des nouveaux emprunts a baissé en 2022. Avec la hausse des taux d’intérêt, les emprunteurs du secteur ont en effet privilégié les souscriptions sur des durées plus courtes. »

Quelle est l’évolution du financement obligataire dans le secteur hospitalier sur la période ?

Leticia Hachem : « La dette obligataire reste importante en volume dans le secteur hospitalier, mais concentrée sur un très petit nombre de très gros établissements : 16 seulement en 2022. À 31 % du volume total des nouveaux flux en 2022, contre 40 % en 2021, le financement obligataire est une source de financement significative. Son recours va dépendre des opportunités de marchés et La Banque Postale est en mesure d’accompagner les établissements dans leur recherche de financement obligataire. »

Quels sont les atouts de La Banque Postale auprès des acteurs du secteur dans cette année chahutée ?

Leticia Hachem : « Nos équipes ont su faire montre de fortes capacités d’adaptation. La Banque Postale a ainsi su réagir à la problématique du taux de l’usure, en proposant des contrats à taux variables aux clients hospitaliers qui la sollicitaient.

Mais La Banque Postale dispose d’autres atouts majeurs : une couverture nationale du territoire, des conseillers experts en santé et une offre nationale, identique de Marseille à Dunkerque, avec des capacités de décision décentralisée rapide.

Grâce à ces atouts, La Banque Postale s’est vue confirmée sa place de premier prêteur bancaire des hôpitaux publics avec 24,9 % de part du marché global. »

Quelles sont les perspectives de l’année 2023 concernant l’activité et l’endettement des établissements hospitaliers publics ?

Leticia Hachem : « Au premier trimestre 2023, les hôpitaux ont enregistré une reprise d’activité significative, sans toutefois retrouver le niveau d’activité antérieur à la crise sanitaire. Leurs interrogations du moment tournent beaucoup autour des problématiques de recrutement et d’attractivité des métiers du soin.

Quant à leur recours à l’endettement, il se heurte à de nouvelles hausses des taux d’intérêt. Sur 12 mois glissants, ces derniers ont été multipliés par quatre. »

Un panel représentatif, mais non exhaustif

L’Observatoire Finance Active 2023 de la dette a été construit au 31 décembre 2022, grâce à l’analyse de données de plus de 310 établissements de santé. Établissements dont les encours représentent environ 66 % de la dette des hôpitaux publics.

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