Charles Guépratte a récemment pris la direction générale de la FEHAP, fédération de référence du secteur privé solidaire en santé, qui rassemble plus de 4 800 établissements gérés par plus de 1 500 organismes. Dans le climat d’incertitude et de tension qui prévaut dans le champ de la santé et du médico-social, il entend défendre et faire valoir le modèle privé non lucratif pour ses qualités propres. Rencontre.
L’ambition de la FEHAP est de donner toute sa place au secteur privé solidaire qui, aujourd’hui et depuis bien longtemps, est un pilier de notre système de santé.
Charles Guépratte — Directeur général de la FEHAP
Quel a été votre parcours professionnel antérieur ?
Charles Guépratte : J’ai quitté le poste de directeur général du CHU de Nice en novembre pour prendre la direction générale de la FEHAP.
J’ai auparavant exercé différentes fonctions au sein de postes clés comme celui de directeur des achats du CHU de Nancy, puis directeur de cabinet du directeur général du CHU tout en assurant l’intérim de la direction du CH de Pont-à-Mousson.
Je connais bien le secteur privé non lucratif pour avoir occupé le poste de Directeur Général Adjoint de Gustave Roussy, au sein duquel j’ai développé de nouvelles activités comme la filiale Gustave Roussy International.
Le monde institutionnel m’est également familier : j’ai été conseiller technique pour l'organisation de soins au cabinet de la ministre de la santé et des sports, Roselyne Bachelot. À ce titre, j’ai participé à l’élaboration de la loi HPST (Hôpital, Patients, Santé, Territoire), mais aussi du plan de développement des soins palliatifs et à l’instruction politique des dossiers d’investissement Hôpital 2012.
Toutes ces expériences m’amènent aujourd’hui à diriger une fédération emblématique qui défend les intérêts des secteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux du privé solidaire. Un modèle d’avenir qui mêle mission de service public et ADN privé, synonyme d’agilité.
Quelles sont vos ambitions immédiates et à plus long terme pour la FEHAP ?
C.G. : L’ambition de la FEHAP est de donner toute sa place au secteur privé solidaire qui, aujourd’hui et depuis bien longtemps, est un pilier de notre système de santé.
De la naissance jusqu’à la fin de vie, aucun sujet ne nous échappe. C’est donc une lourde responsabilité que de défendre et porter les valeurs de plus de 5 500 structures, sanitaires, médico-sociales et sociales au sein desquelles sont engagés plus de 350 000 professionnels.
Dans l’immédiat, il faut améliorer l’accès aux soins, c’est-à-dire remettre les personnes au cœur du système de santé.
Il faut apporter une réponse graduée en fonction des besoins, en partant des soins de proximité vers des soins hyper spécialisés. Il est nécessaire de moderniser les pratiques des professionnels de santé avec le renouvellement du lien ville-hôpital et le développement des communautés professionnelles territoriales de santé. Dans cette optique, la FEHAP s’inscrit pleinement dans les priorités portées par Ma santé 2022.
La FEHAP souhaite bâtir un service public de la santé ne se limitant pas aux soins mais investissant la prévention et l’autonomie dans une logique usagers, parcours, territoires, prenant en compte préférentiellement les personnes en situation de fragilité, c’est-à-dire celles souffrant de maladies chroniques, les personnes âgées, en situation de handicap ou encore socialement précaires.
Cela suppose de mieux définir la notion de service public qui est actuellement exclusivement centrée sur l’hôpital pour l’élargir aux secteurs du domicile, aux EHPAD, au handicap, au social ou à la petite enfance.
Quels sont les enjeux actuels les plus saillants pour la FEHAP ?
C.G. : La question du financement reste prioritaire pour l’ensemble de nos structures, quel que soit le champ.
Pour le secteur médico-social, le financement par les départements pose question. Même si des engagements ont été pris, on se rend compte que leur mise en œuvre est disparate.
Prenons l’exemple des revalorisations salariales. Nous avons établi, en décembre 2022, une cartographie qui permet de dresser un constat édifiant. Seulement 50 % des conseils départementaux ont octroyé aux salariés de l’enfance en danger et de l’accompagnement des personnes en situation de handicap une augmentation de 183 euros, promise en février 2022. Cette non-reconnaissance de leur mobilisation pendant la crise sanitaire fait fuir les professionnels et accroit leur pénurie, mettant en danger la survie des structures.
Autre exemple, celui des tarifs hébergement en EHPAD. Ce sont les départements qui sont à la manœuvre lorsqu’il faut définir les tarifs des hébergements en EHPAD pour les structures habilitées à plus de 50 % à l’aide sociale à l’hébergement. Encore une fois, une enquête a été menée. Nous avons constaté des taux d’évolution des tarifs entre 3 et 4 %, bien insuffisant compte tenu de l’inflation. Nos EHPAD souffrent face aux EHPAD privés commerciaux, habilités à moins de 50 % à l’aide sociale à l’hébergement, qui se voient appliquer un taux d’évolution de 5,14 %. Au regard de toutes ces injustices, nous demandons une équité de traitement et une clarté dans la mise en œuvre des financements.
Le financement, c’est aussi l’évolution des politiques de tarification. La FEHAP défend de longue date une approche populationnelle. Il faut changer de paradigme pour adopter une forme de rémunération au forfait pour financer un objectif, au niveau individuel ou collectif, plutôt qu’un opérateur. À partir de ce forfait, charge aux différents acteurs du territoire de s’organiser pour apporter la meilleure réponse possible à un besoin. Cette proposition, pour nous, est dans le même esprit que l’organisation territoriale dont je vous parlais précédemment et l’adaptation des règles pour répondre aux besoins de la population.
La FEHAP fait des propositions dans ce sens dans le cadre des travaux du Conseil national de la refondation (CNR) auxquels nous participons activement tant au niveau national que dans les territoires.
Quelles sont les urgences auxquelles le secteur privé solidaire doit faire face ?
C.G. : L’inflation est le sujet le plus préoccupant à court terme. Ce facteur, nouveau, est insuffisamment pris en compte au moment où l’on se parle, de même que la question du financement, ou plutôt du sous-financement, de certaines mesures catégorielles.
Les établissements sont mis en difficulté par la mauvaise prise en compte de l’inflation par les autorités de tarification. Certains établissements font face à des tensions de trésorerie très fortes et abordent les mois à venir avec de grandes inquiétudes.
L’autre urgence concerne les tensions en personnel. Certes, elle n’est pas nouvelle, mais elle dure depuis trop longtemps. Cette difficulté n’est pas propre au secteur privé solidaire : c’est l’ensemble du monde de la santé qui est confronté à cette problématique.
Quelles sont les pistes de travail de la fédération face au manque d’attractivité des métiers évoqué au dernier congrès de la FEHAP ?
C.G. : L’attractivité des métiers reste un enjeu prégnant pour la FEHAP.
Le projet de convention collective unique étendue (CCUE), soit la convergence des conventions collectives du secteur privé non lucratif, a pour objectif de renforcer l’attractivité du secteur privé solidaire. C’est avant tout un outil de transversalité nous permettant de créer des mobilités entre nos différents univers : sanitaire, médico-social et social. La CCUE, outre la question de la rémunération, doit également relever le défi de l’évolution des métiers pour que les aides-soignants puissent connaître une évolution de carrière, développer de nouvelles compétences, en passant plus facilement d’un secteur d’activité à un autre.
La Banque Postale partenaire de la FEHAP
Animée par la volonté de bien comprendre les enjeux de ses clients du secteur de la santé et de répondre au mieux à leurs besoins, La Banque Postale est partenaire de la FEHAP et participe au « Club des Partenaires ».
La Banque Postale accompagne près de 2 000 acteurs de la santé, dont les activités se concentrent sur le soin hospitalier et l’hébergement des personnes âgées ou handicapées. À ce titre elle finance de nombreux projets d’investissement structurants : projets de construction, réhabilitation, achats de matériel médical, transformation numérique…