Ce n’est pas la grande loi attendue, mais le panel de mesures sur lequel 14 députés et sénateurs, réunis en commission mixte paritaire (CMP) le 12 mars, ont pu se mettre d’accord, a le mérite de comporter plusieurs dispositions impactantes.
Des signaux positifs pour le secteur du grand âge
En matière de gouvernance, le département se voit confirmé dans sa position d’échelon territorial de référence en matière d’autonomie. La création du Service public départemental de l’autonomie (SPDA) est consacrée par la loi, pour remédier aux politiques en silos trop souvent opposées aux besoins des personnes en situation de handicap ou de dépendance et à leurs aidants. Ce guichet unique devrait faciliter l’accès aux services et fluidifier les parcours, via un véritable service public de proximité garant d’une coordination des aides et des services pour tous, ainsi que d’une continuité des parcours, quels que soient les territoires et les situations individuelles. Le SPDA sera le lieu de la coordination et de la planification pluriannuelle des politiques de l’autonomie.
La nouvelle loi accomplit par ailleurs plusieurs pas en direction de meilleures conditions d’exercice du libre arbitre et du droit à l’auto-détermination des personnes âgées logées en établissement. Le texte avalise la création d’un droit de visite pour les résidents d’Ehpad, droit qui sera inconditionnel pour les personnes en fin de vie ou en soins palliatifs. Le texte crée également un droit opposable pour les résidents d’Ehpad à posséder un animal de compagnie. Droit qui pourra néanmoins comporter quelques exceptions, réglementairement encadrées, pour « garantir la santé et la sécurité des résidents et du personnel ».
Un programme de dépistage précoce des fragilités et de prévention de la perte d’autonomie sera mis en place à compter du 1er janvier 2025 avec la généralisation du programme ICOPE (Integrated Care for Older People), de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), auquel le Groupe La Poste apporte sa contribution (cf encadré). Les rendez-vous de prévention proposés aux plus de 60 ans seront des occasions de leur présenter le programme.
La loi portant les mesures pour bâtir la société du bien-vieillir et de l’autonomie comporte en outre plusieurs mesures de soutien au secteur de l’aide à domicile. La mise en place d’une carte professionnelle pour les intervenants à domicile et le principe d’une aide financière à la mobilité pour les salariés du secteur, sont actés. Prévue par la loi de financement de la sécurité sociale 2022, la réforme des « services autonomie à domicile » (SAD) se voit quelque peu assouplie. Prenant acte des difficultés des structures SSIAD (services de soins infirmiers à domicile) et SAAD (services d’aide et d’accompagnement à domicile) à fusionner pour mutualiser aide et soin, les parlementaires leur accordent un délai supplémentaire pour opérer cette transformation. Les SSIAD et SAAD pourront poursuivre leurs activités respectives et nouer une simple convention, la date limite de dépôt d’une demande d’autorisation de SAD étant repoussée de 6 mois, au 31 décembre 2025.
Enfin, le texte ouvre quelques perspectives en réponse aux difficultés financières rencontrées par les Ehpad (75 % d’entre eux seraient en déficit dans le secteur privé non lucratif selon l’association des directeurs au service des personnes âgées, et 85 % dans le secteur public, selon la FHF). Les établissements habilités à l’aide sociale bénéficieront d’une souplesse encadrée dans la fixation de leurs tarifs d’hébergement, pour les résidents n’ayant pas droit à l’aide sociale.
Des inquiétudes qui persistent pour l’avenir
Pour Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées, la loi Bien-vieillir constitue « une première étape », mais en aucun cas un « solde de tout compte ». « D’autres textes suivront », assure la ministre.
Si les représentants des acteurs du secteur saluent les avancées de ce texte d’initiative parlementaire, ils soulignent unanimement son manque d’ampleur face aux attentes, et l’absence de moyens financiers supplémentaires dégagés pour la branche autonomie.
Le principe d’une loi de programmation pluriannuelle fixant la trajectoire des finances publiques pour une durée minimale de 5 ans est cependant maintenu dans la version finale de la loi Bien vieillir (dans son article 10) et a fait l’objet d’une adoption à l’unanimité dans les deux chambres. Toutefois, ni le calendrier de mise à l’examen du texte, ni sa forme précise (loi de programmation, d’orientation…) n’ont été à ce jour confirmés par le gouvernement.
Le Conseil économique, social et environnement (CESE), dans un avis publié le 26 mars dernier*$, estime « justifiée et nécessaire » une loi de programmation, d’orientation et de financement. Les besoins supplémentaires à financer liés à la transition démographique et au vieillissement de la population s’élèvent à 13 milliards d’euros selon le Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, dont 6 milliards d’euros pour le maintien à domicile et 7 milliards d’euros pour les Ehpad.
Source : « Soutenir l’autonomie : les besoins et leurs financements ».
La loi Bien-vieillir intègre la généralisation du programme ICOPE de l’OMS, pour un repérage systématique des fragilités chez les personnes âgées.
Dr Omar Beloucif, , Directeur médical de La Poste Santé et Autonomie
Dr Omar Beloucif, Directeur médical de La Poste Santé et Autonomie : « Repérer et analyser les fragilités chez les personnes âgées à un moment où elles sont encore réversibles si on les prend en charge est un enjeu crucial. En effet, on sait que le nombre de personnes âgées en perte d’autonomie aura augmenté de 16 % en 2030 par rapport à 2020, et de 46 % en 2050 et avec elles la pression sur le système de soins. Il faut donc réussir à éviter ou retarder la perte d’autonomie, afin d’éviter que la vague démographique attendue ne sur-sollicite un système de soins qui ne pourra pas y répondre.
C’est l’objet même du programme ICOPE de l’OMS (pour Integrated Care for Older People), porté au plan national par le gérontopôle du CHU de Toulouse. Le Groupe La Poste a participé dès 2019 à l’expérimentation de ce programme en Occitanie, puis à son déploiement dans plusieurs départements et dans le cadre du dispositif « article 51 »*$. La Poste met ainsi à contribution son réseau et la proximité de ses facteurs avec l’ensemble des Français, partout sur le territoire, pour « aller vers » des personnes âgées volontaires, leur proposer d’intégrer ICOPE et repérer leurs fragilités à l’aide du questionnaire de l’OMS. Le cas échéant, ces personnes pourront avoir une exploration médicale, avant de bénéficier d’un plan de prise en charge, si celui-ci s’avère nécessaire.
Les résultats de l’expérimentation du programme ICOPE intéressent toute la communauté gériatrique et la loi « Bien-vieillir » intègre la généralisation du repérage systématique des fragilités chez les personnes âgées, ce qui est une très bonne nouvelle. Le déploiement du programme ICOPE prévu en 2025, après la date d’achèvement du dispositif « article 51*$», devrait être élargi aux acteurs de proximité du domicile pour une diffusion plus large.
La Poste continue à cumuler les preuves d’efficacité de sa contribution au déploiement d’ICOPE vers les populations cibles, notamment auprès des personnes vulnérables ou les plus éloignées du système de soins. Ce sont à ce stade, plus de 2 000 évaluations des fragilités qui ont été réalisées à domicile par des postiers dûment formés, soit plus de 25 % des populations ciblées : un succès incontestable. L’enjeu est considérable : La Poste est probablement la seule entité capable de déployer industriellement, au niveau national, une démarche de repérage, en complément des professionnels de santé et du médico-social et des autres intervenants au domicile. »
En référence à l’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale 2018, qui fixe un cadre législatif à l’expérimentation de nouvelles organisations en santé reposant sur des modes de financement inédits.
L'article 51 instaure un rendez‑vous de prévention à 75 ans afin de détecter les situations d'isolement et de fragilité physique et mentale des personnes âgées.