Le dirigeant et la détention de l’immobilier d’entreprise

Le mode de détention de l’immobilier d’entreprise est souvent le fruit de considérations fiscales et financières. Pour servir au mieux les intérêts du dirigeant et de l’entreprise, mieux vaut intégrer d’autres paramètres comme l’explique Joris Picard, ingénieur patrimonial au sein de BPE, la banque privée de La Banque Postale.

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En termes de détention de l’immobilier d’entreprise, quels choix s’offrent au dirigeant ?

Portrait de Joris Picard

Les dirigeants ont une assez grande liberté et peuvent opter pour une inscription à l’actif de la société de l’immeuble qui sert à créer ou développer l’activité, loger le bien dans une société qui appartiendra au groupe, ou bien encore opter pour une détention privée : le dirigeant place alors dans son patrimoine personnel un immeuble, en tout ou en partie, qui sera utilisé par l’entreprise.

Joris Picard — Ingénieur patrimonial au sein de BPE, la banque privée de La Banque Postale

Joris Picard : Cette dernière option présente des avantages, peut-être mal identifiés. Pour l’entreprise, une telle détention allège son bilan, protège l’actif en cas de difficultés et permet un accompagnement au plus juste, quel que soit son développement ou les aléas rencontrés. Pour le dirigeant, cela renforce son patrimoine, lui permet à la retraite de pouvoir compter sur des loyers ou d’en percevoir le prix de vente, ou bien encore de le transmettre à un enfant en cas de reprise familiale de l’entreprise.

Quel est le schéma le plus fréquent pour une PME ?

J. P. : Fréquemment, le dirigeant constitue une holding qui va détenir une société d’investissement immobilier dont l’objet principal sera de loger la ou les filiales opérationnelles du groupe.

Le schéma le plus répandu est celui de la création d’une société civile immobilière (SCI) détenue par une holding et le dirigeant de l’entreprise opérationnelle. La question centrale est : quelle répartition des parts entre holding et dirigeant retenir ? Souvent, un peu rapidement, le choix fait est celui d’un dirigeant qui ne prend qu’un pourcentage très faible, voire une seule part, dans une optique avant tout fiscale. 

 

Pour le cas d’une SCI créée entre une holding et le dirigeant, quel premier paramètre doit jouer dans la répartition des parts et l’option fiscale ?

J. P. : L’adaptabilité. Car durant le remboursement du prêt ayant servi à l’acquisition, l’entreprise évolue et peut donc se poser la question du réaménagement de son immobilier. Le développement du travail à distance incite bon nombre d’entreprises à réduire leur surface de bureaux. Il peut s’agir aussi de refinancer le bien pour disposer de liquidités, de changer de locaux pour croître, ou bien encore de repenser sa stratégie immobilière, ce qui a pu se produire avec la création de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI). De ce point de vue, l’option d’une SCI translucide à l’impôt sur le revenu (IR) est très pertinente. La quote-part des loyers revenant à la holding est imposée à l’impôt sur les sociétés (IS). Toutefois, à long terme, un rééquilibrage des parts du holding vers le dirigeant permet à ce dernier de retrouver l’IR notamment en matière de plus-value. Il y a là une vraie réversibilité, mais pas de magie : il faudra soit que le capital de la SCI soit réduit, ou que le dirigeant acquière les parts ayant appartenu à la holding, par exemple à l’occasion d’une distribution en nature.

 

Y-a-t-il une « bonne » répartition de parts de la SCI ?

J. P. : Il n’y a pas de répartition idéale. Tout dépend du contexte, des objectifs et du respect des intérêts des différentes parties et de l’engagement, évolutif, du dirigeant. Si celui-ci choisit de détenir 30 % du capital initial et que l’opération immobilière nécessite un apport, la logique veut que le dirigeant apporte proportionnellement au projet. A l’inverse, une saine gestion impose de modérer le pourcentage détenu par le dirigeant, si c’est l’entreprise qui apporte les garanties et l’apport permettant d’obtenir le financement. Et puis, souvent un dirigeant ne veut pas augmenter ses parts de SCI par crainte de l’imposition des revenus fonciers. Ces considérations fiscales et financières masquent d’autres paramètres qui ont leur importance. Si l’on détient des parts, certes un effort financier et fiscal est à fournir, mais en retour il y a une participation à la création de valeur, liée au remboursement de l’emprunt par les loyers et à la valorisation du bien à long terme.

 

Quelles situations doivent conduire un dirigeant à envisager de détenir une forte part de la SCI soumise à l’IR ?

J. P. : Sans prétendre à l’exhaustivité, je pense logiquement à un dirigeant propriétaire par ailleurs de biens générant des déficits fonciers. Ou s’il peut être envisagé de convertir dans le temps un local professionnel peu spécifique à l’activité en local d’habitation. Ou bien encore si l’usage de l’immeuble est mixte dans l’espace, par exemple avec un étage utilisé par l’entreprise, un autre loué par une entreprise tierce ou en résidentiel. Autre cas de figure pertinent : celui d’une PME familiale qui dispose d’un immeuble avec un potentiel patrimonial, et de plus-value à terme, et si la famille a une optique de transmission intra familiale.

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