Interview

Le financement participatif : un outil fédérateur à la portée des collectivités territoriales

Une loi nouvellement promulguée élargit la possibilité, pour les collectivités territoriales, de faire appel au financement participatif. Six années après qu'un décret les y ait autorisé de manière restrictive, les collectivités peuvent désormais aisément diversifier leurs sources de financement, en renforçant leurs liens avec les habitants. Entretien avec Olivier Sanch, responsable du marché des collectivités territoriales au sein de KissKissBankBank, filiale de La Banque Postale.

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Le financement participatif permet également de valoriser les actions des collectivités au service des habitants, en rassemblant les citoyens dans un esprit collaboratif.

Olivier Sanch — Responsable du marché des collectivités territoriales au sein de KissKissBankBank, filiale de La Banque Postale

Que recouvre la notion de crowfunding pour les collectivités territoriales ?

Il s'agit de la possibilité de lever des fonds directement auprès des citoyens, pour financer des projets d'intérêt général qui les concernent, cela via des plateformes spécialisées en ligne.

 La possibilité de recourir au financement participatif a été ouverte aux collectivités locales par le décret n°2015-1670 du 14 décembre 2015. Mais cette autorisation était jusqu'ici restreinte aux projets relevant des services publics culturel, éducatif, social ou solidaire. Au détour d'une loi adoptée en 2021(1), le champ des possibles a été considérablement élargi.

Comment les collectivités territoriales se sont-elles pour l'instant approprié le sujet du financement participatif ?

2020 est une année particulière : le financement participatif a connu un fort développement (+62%)(2), franchissant la barre du milliard d'euros de fonds collectés. La part des collectivités dans ce total est pour l'instant symbolique. Mais le nombre de collectivités ayant recours à ce financement (environ 350 en 2020) devient significatif.

Du fait de la rotation des élus, la pratique du crowdfunding reste jusqu'ici peu connue. Les petites collectivités, notamment, manquent d'information et d'expertise pour s'emparer du sujet. C'est d'ailleurs la principale valeur ajoutée de plateformes d'accompagnement telles que KissKissBankBank, ou encore Lendopolis, autre filiale spécialisée du groupe La Banque Postale.

Quelques exemples de campagnes de collecte menées avec le support de KissKissBankBank ?

Des collectivités de toutes tailles collaborent avec la plateforme pour organiser des collectes de financement participatif. Cela soit via un portage en propre, soit via des fonds de dotation.

La métropole de Bordeaux a été l’une des premières à organiser, dans le cadre d’un marché public, la possibilité de recourir au crowdfunding pour ses communes membres. Bègles a pu en bénéficier pour l’équipement d’un musée municipal. Le Taillan-Médoc a créé par ce biais un fonds d’urgence en soutien à l’épicerie solidaire locale.

Également à la portée des petites communes de moins de 500 habitants, cet outil a permis à la ville de St Jean d’Alcapiès en Aveyron, de financer un aménagement paysager autour d’un gîte municipal. Fontaine-le-Port, petite commune de Seine-et-Marne, a sollicité des financements participatifs pour l’acquisition de matériels pour sa halte-garderie et sa cantine municipale. En Ille-et-Vilaine, la commune de Chateaubourg a pu cofinancer l’acquisition d’œuvres d’art installées dans l’espace public. 

Le législateur a récemment élargi les possibilités de recours au financement participatif pour les collectivités locales. Pour quelle typologie de projets ?

Désormais, hormis les missions de police municipale et de maintien de l'ordre public, tous les services publics sont finançables par le biais du financement participatif. Il n’était jusqu’ici pas possible de solliciter la participation des citoyens pour financer certains projets pourtant susceptibles de les mobiliser : environnement et transition énergétique, habitat, médico-social, sport... Aujourd’hui, les choses deviennent plus simples. Et les opérateurs du secteur comme KissKissBankBank sont en posture de conseil pour identifier les projets les plus porteurs et légitimes. Ce sont en général les projets qui impactent les habitants et usagers dans leur vie quotidienne. Il y a néanmoins une limite qui demeure : le financement participatif ne doit pas se substituer à l’impôt, mais au contraire apporter un « plus ».

Les collectivités peuvent faire appel au financement participatif pour financer leurs projets en propre. Elles peuvent également y recourir par le biais du mentorat, via des appels à projets destinés à soutenir les entrepreneurs, créateurs et porteurs de projets locaux.

La loi DDADUE prévoit également la possibilité, pour les collectivités, de bénéficier de prêts et de faire appel au marché obligataire au titre du financement participatif. Qu'attendre de ces nouveautés ?

Les personnes morales sont désormais habilitées à accorder des prêts aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics, dans la limite d’un prêt par projet de financement participatif. Par ailleurs, la faculté pour les collectivités et leurs établissements publics d’émettre des obligations pour financer leurs projets est attribuée à titre expérimental pour une durée de trois ans à compter du 1er janvier 2022. Suivant des critères d’éligibilité précisés par décret, les collectivités intéressées devront candidater auprès du ministère chargé des comptes publics et des relations avec les collectivités territoriales. L’avantage de ce mode financement et l’intérêt suscité auprès des collectivités seront évalués à mi-parcours, puis à l’issue des 3 ans.

A quels enjeux le crowdfunding répond-il dans le secteur public local ?

L’enjeu est d’abord financier. Il s’agit de diversifier les ressources des acteurs publics territoriaux, de manière novatrice, en mobilisant l’épargne des Français, qui s’est fortement accrue avec la crise sanitaire.

Le financement participatif permet également de valoriser les actions des collectivités au service des habitants, en rassemblant les citoyens dans un esprit collaboratif. À l’heure où le lien entre élus et citoyens se distend, l’outil est particulièrement fédérateur. Il donne littéralement une voix aux citoyens pour faire avancer certains projets. Aux élus, il offre l’opportunité d’un « référendum » local pour valider une idée.

Quel est l'impact de la crise sanitaire sur l'appétence des collectivités pour le financement participatif ?

Le nombre de collectes et les montants engrangés se sont fortement accrus depuis 2020. La crise sanitaire a clairement mis un coup de projecteur sur le financement participatif, démultipliant les dons. Les campagnes de dons sans récompense pour soutenir des initiatives solidaires ont ainsi explosé en 2020 : + 459%.

Par ailleurs, les jeunes générations d’élus municipaux récemment élus sont plus familiers de l’outil. Les sollicitations de collectivités territoriales deviennent plus nombreuses et plus fréquentes.

Quelles sont, selon vous, les perspectives de développement du financement participatif au profit des projets territoriaux dans les années à venir ?

Je suis personnellement très optimiste. La loi DDADUE élargit considérablement les horizons. Les collectivités sont de plus en plus demandeuses de tester l’outil pour elles-mêmes. Et de plus en plus nombreuses à s’engager comme facilitatrices pour des acteurs locaux : entreprises, associations, acteurs de l’économie sociale et solidaire…

De quel accompagnement les collectivités peuvent-elles bénéficier de la part de KissKissBankBank ?

Aujourd’hui, la première plateforme de financement participatif de collecte de dons pour les collectivités en termes de montants levés (plus de 2 millions d’euros) additionnant leurs propres projets et les projets des acteurs territoriaux qu’elles mentorent.

L’accompagnement d’une campagne de financement participatif comporte deux volets. Le premier consiste à aider les collectivités dans l’organisation des collectes. C’est un travail de préparation et d’accompagnement, pour lequel nous mobilisons l’expertise administrative, juridique, financière et marketing de nos équipes. Le second volet relève du support au quotidien pour la durée de la campagne : conseil en communication, appui via nos réseaux sociaux, suivi de la mise en œuvre.

Il faut savoir que le coût de l’accompagnement se limite à un pourcentage(3) prélevé sur les sommes collectées en fin de collecte, si et seulement si l’objectif minimal a été atteint. Dans le cas contraire aucun frais n’est facturé.

Il n’y a pas de frais de dossier, donc pas d’engagement financier à l’inscription pour la collectivité.

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(1) Loi DDADUE (loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine des transports, de l'environnement, de l'économie et des finances), du 8 octobre 2021

(2) Source : Baromètre Mazars/Financement Participatif France.

(3) 8% du total collecté TTC.