Étude

Le revenu par habitant et son rôle dans la péréquation du bloc communal

La Banque Postale présente ces nouvelles cartes avec le montant du revenu moyen par habitant qui sera utilisé pour la répartition d'une partie des dotations versées par l’État aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en 2022.

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Les deux premières cartes publiées ci-dessous présentent le montant du revenu moyen par habitant qui sera utilisé pour la répartition d’une partie des dotations versées par l’État aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en 2022. Ce montant est calculé de façon simple, en rapportant le revenu fiscal de référence de l’antépénultième année (2019 en l’occurrence pour 2022) à la population Insee prise en compte pour l’année en cours - qui correspond, rappelons-le, à la population recensée, ou calculée, au titre de la même antépénultième année, ce qui assure la cohérence du résultat.

Revenu fiscal de référence moyen pris en compte pour les communes en 2022 en euros par habitant

Cartographie représentant le revenu fiscal de référence moyen pris en compte pour les communes en 2022 en euros par habitant

Revenu fiscal de référence moyen pris en compte pour les EPCI en 2022 en euros par habitant

Cartographie du revenu fiscal de référence moyen pris en compte pour les communes en 2022 en euros par habitant

Rappelons que le revenu moyen par habitant est pris en compte dans tous les calculs comme un indicateur des charges pesant sur les communes ou leurs groupements : l’on considère que plus les revenus sont faibles, plus la dépense publique sera élevée pour couvrir un besoin plus grand de services ou d’équipements publics, ou pour compenser des politiques tarifaires plus sociales. En conséquence, des revenus par habitant faibles se traduiront par des attributions plus avantageuses au titre des dispositifs de péréquation.

C’est ainsi que le revenu moyen par habitant est utilisé pour :

  • la répartition de la dotation de solidarité urbaine (DSU) ;
  • l’éligibilité à la fraction « cible » de la dotation de solidarité rurale (DSR) ;
  • la répartition de la dotation de péréquation des communes d’outre-mer ;
  • la répartition de la dotation d’intercommunalité ;
  • l’ensemble des calculs relatifs au fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France (FSRIF) et au fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC).

Plusieurs critiques ont été adressées à la prise en compte de cet indicateur ; d’abord, le fait qu’aucune analyse macro-économique ne démontre réellement que des revenus par habitant croissants se traduisent par une diminution de la demande de services (il semble au contraire que, jusqu’à un certain point, ils seraient plutôt de nature à développer l’exigence de services locaux considérés comme moins essentiels) ; ensuite, le fait que les collectivités urbanisées concentrent fréquemment des populations à revenus plus élevés tout en assumant des charges liées à cette urbanisation ; enfin, le fait que la prise en compte du revenu moyen ne permet pas de faire ressortir la réalité de la pauvreté sur un territoire, qui serait peut-être mieux perçue par l’utilisation du revenu médian.

Mais d’autres éléments sont moins fréquemment soulevés : notamment, son exceptionnelle volatilité, traduite d’abord dans la carte de l’évolution par commune entre 2021 et 2022, ainsi que dans le graphique ci-dessous qui montre pour chaque commune le coefficient de dispersion de l’évolution annuelle de l’indicateur sur la période 2018-2022 (précisons que le coefficient national est de l’ordre de 0,51). On voit qu’il est tendanciellement d’autant plus élevé que la population communale est faible : ceci aboutit à une grande imprévisibilité pour les communes et les EPCI les moins peuplés, pouvant se traduire par exemple par une perte ou un gain inattendu(e) d’éligibilité à la dotation-cible de la DSR, ou à une évolution significative des contributions, et surtout des attributions, du FPIC.

Évolution du revenu fiscal de référence moyen pris en compte pour les communes entre 2021 et 2022

Graphique représentant les coefficients de dispersion de l'évolution du revenu par habitant moyen par commune - DGF 2018/2022

On peut remarquer au demeurant que cette volatilité persiste, quoique de façon plus réduite (0,44 au niveau national), en ne prenant en compte que les revenus « réguliers » comme les salaires, traitements ou pensions ; l’une des raisons en est probablement dans l’imperfection inévitable des données démographiques. Peut-être un lissage dans le temps de l’indicateur permettrait-il d’en atténuer les effets.

Graphique représentant les coefficients de dispersion de l'évolution du revenu par habitant moyen par commune - DGF 2018/2022

Autre inconvénient : le fait que, pour des raisons tenant au secret statistique, les données ne sont pas connues pour la totalité des communes. Ainsi, ce sont 140 d’entre elles qui devraient se voir attribuer pour les dotations 2022 un revenu nul. Si le code général des collectivités territoriales dispose bien, par exemple, que « le revenu pris en considération est le dernier revenu fiscal de référence connu », cette règle ne peut pas être en pratique appliquée lorsque le secret statistique s’applique chaque année ; elle n’est pas davantage interprétée comme permettant la prise en compte du revenu « de la dernière année où le secret statistique ne s’est pas appliqué ». Les conséquences devraient en être évaluées précisément, puisque la pratique de l’État consiste alors à considérer que le revenu de la commune est égal au revenu moyen de la strate, ce qui peut être éventuellement désavantageux.

Mais ce n’est pas désavantageux pour les EPCI ou les ensembles intercommunaux, puisque dans ce cas le revenu moyen par habitant est calculé en divisant la somme des revenus communaux connus par la population totale du territoire : de ce fait, le résultat est naturellement sous-évalué (dans 80 cas en 2021), quoique souvent de façon très faible, même si cette sous-évaluation a pu approcher en 2021 les 4 % dans deux intercommunalités. 

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