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L'impact de la Réduction de Loyer de Solidarité (RLS) sur le logement social

Instaurée en compensation de la baisse des APL, la Réduction de Loyer de Solidarité (RLS) a été absorbée sous contrainte par les opérateurs du secteur. Elle grève en effet les capacités d'investissement des bailleurs sociaux. Alors qu'une mise à plat de la réforme se profile courant 2022, ses effets font par ailleurs débat.

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Réduction de Loyer de Solidarité (RLS)

En instaurant une réduction de loyer de solidarité (RLS) à la charge des bailleurs sociaux, l'État a souhaité rendre indolore la baisse des Allocations Personnalisées au Logement (APL) pour les locataires du parc social qui y sont éligibles – soit 2 des 5 millions de locataires HLM. 

Au jeu de passe-passe de la RLS instaurée par la loi de finances 2018, l'État est censé sortir gagnant : le transfert de charge induit par la RLS vise de substantielles économies, à hauteur de 90 à 98 % du montant de la RLS.

Des mesures d'accompagnement significatives

Afin de rendre la réforme plus « digeste » pour les acteurs du secteur, la montée en charge du dispositif a été étalée dans le temps : 800 millions d'euros en 2018 et 2019, contre 1,5 milliard d'euros initialement prévus, 1,3 milliard d'euros par la suite. Un mécanisme de péréquation entre organismes HLM a été instauré, pour éviter que les organismes logeant les foyers les plus précaires ne soient financièrement pénalisés.

Parallèlement, des mesures de compensation ont été mises en place pour soutenir la politique d'investissement des acteurs de l’habitat social : gel du taux du Livret A à 0,5 % en 2020 et 2021, baisse du taux de TVA à 5,5 % pour les PLAI (Prêt Locatif Aidé d’Intégration), les acquisitions‑améliorations de PLUS (Prêt Locatif à Usage Social) et pour les opérations menées dans le cadre des opérations ANRU, prêts consentis par Action Logement etc.

Pour limiter l'effort demandé aux bailleurs sociaux, les plafonds de ressources mensuelles pris en compte pour ouvrir droit à la RLS ont enfin été gelés 3 années d'affilée - 2020, 2021 et 2022. Cela alors qu'ils sont censés être indexés chaque année sur l'indice des prix à la consommation.

Les bailleurs sociaux ébranlés, mais non fragilisés

Dans les faits, et malgré ces mesures, la RLS entraîne un manque à gagner significatif pour les bailleurs sociaux. La perte nette de recettes locatives pourrait ainsi atteindre 4,5 % du total des loyers encaissés. En dépit des mécanismes de péréquation mis en œuvre, cet impact financier avec une baisse des produits d'exploitation, affecte particulièrement les offices publics HLM, soit les bailleurs sociaux accueillant une proportion plus élevée de ménages modestes.

La réforme de la RLS engendre par ailleurs des lourdeurs de gestion. Les nouveaux modes de calcul des APL - variables et calculées en temps réel - et d'attribution de la RLS - non strictement restreinte aux bénéficiaires des APL - pèsent sur les frais de gestion des bailleurs sociaux, dans des proportions non encore évaluées.

Dans un référé daté du 4 mars 2021, la Cour des Comptes a rendu publique une première évaluation de la réforme. La Cour estimait alors l'amputation des marges de manœuvre financières des organismes HLM à 4,5 % des rendements locatifs. Elle note que l'entrée en application de la RLS a engendré une réduction des capacités d'autofinancement dans le secteur HLM, dont découle une diminution des investissements. Les dépenses d'entretien courant et de gros entretien du parc social sont ainsi en recul, d'environ -7 % en valeur. Un désengagement qui n'est « pas longtemps soutenable », estime la Cour des Comptes.

La Cour voit également un signal d'alerte dans le moindre niveau d'engagement des bailleurs dans la production de nouveaux logements (très en-deçà des objectifs fixés à 120 000 unités par an). Une baisse alarmante, toutefois également imputable au report des élections municipales et à la crise sanitaire.

Et maintenant ? La clause de revoyure de 2022

La RLS n'est donc pas sans conséquence pour les finances des bailleurs sociaux et l'équilibre économique global du secteur. Mais la réforme n'atteint pas non plus pleinement ses objectifs d'économies budgétaires. Le gouvernement avait sur ce point accepté de réviser ses ambitions, abaissant de 1,5 à 1,3 milliard d'euros par an le niveau cible des économies à réaliser pour la période 2020-2022. Mais le niveau de « rendement » budgétaire annuel de la RLS n'a dans les faits pas dépassé 1,275 milliard d'euros pour 2021, estimait le Conseil National de l'Habitat en décembre 2021.

En conséquence et afin de rattraper le niveau de rendement attendu, le barème 2022 des forfaits RLS à la charge des bailleurs sociaux ont été revalorisés de +6,3 % au 1er janvier 2022. 

Le 25 avril 2019, une clause de revoyure a été signée entre le gouvernement et l’Union Sociale pour l'Habitat (USH). Cette clause prévoit que soit dressé, courant 2022, un bilan plus complet de l'application de la réforme et de ses conséquences. Le gouvernement installé mi-mai 2022 aura donc à plancher sur cette question, base de négociation pour d'éventuels ajustements en 2023.

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