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Construction, réhabilitation : quand les friches renaissent

À l’heure où les territoires s’efforcent de limiter l’étalement urbain et l’artificialisation des sols, la reconquête des friches est un enjeu majeur. Qu’elles soient industrielles, commerciales, administratives ou militaires, elles offrent un gisement foncier pouvant présenter un fort potentiel économique et écologique, que ce soit pour des bâtiments, du logement ou des usages alternatifs.

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Longtemps, on a pensé le développement urbain et économique à partir d’une extension de la ville sur sa périphérie. Les territoires sont aujourd’hui confrontés à la nécessité de repenser ce modèle et découvrent les vertus de l’économie circulaire du foncier.

Reconstruire sur les friches, leur donner une seconde vie : l’idée est donc dans l’air du temps et particulièrement sensible dans les zones tendues. L’enjeu est immense : 100 000 hectares de foncier seraient en déshérence en France, selon une estimation de l’Ordre des géomètres-experts.

Savoir de quoi l’on parle : un travail de recensement complexe

Mais encore faut-il s’entendre sur la définition de ce que sont les friches. Car de cette définition dépend la fiabilité de leur recensement, première étape de toute démarche de recyclage du foncier.

Pour l’Ademe, une friche est « un espace laissé à l’abandon, temporairement ou définitivement, à la suite de l’arrêt d’une activité agricole, portuaire, industrielle, de service, de transformation, de défense militaire, ou encore de stockage ou de transport. ». Dans le projet de loi Climat et résilience, à l’examen au Parlement au printemps 2021, une autre définition est proposée pour intégration au Code de l’Urbanisme : « Tout bien ou droit immobilier, bâti ou non bâti, inutilisé et dont l’état, la configuration ou l’occupation totale ou partielle ne permet pas un réemploi sans un aménagement ou des travaux préalables ».

À défaut de définition juridique précise de la notion de friche, il n’est pas facile d’inventorier les espaces concernés. C’est pourtant là le premier travail à effectuer(1) pour les collectivités territoriales soucieuses de recyclage foncier. Ce travail de recensement vise également à identifier les propriétaires : une tâche aisée s’il s’agit d’opérateurs publics, plus complexe s’il s’agit de propriétaires privés en indivision, d’entreprises ayant fait faillite ou ayant disparu…  

Bâtir sur les friches : un projet à solvabiliser

L’expansion ad libitum de la ville se heurte aujourd’hui aux exigences de la transition écologique. Le recyclage des friches est-il dès lors un moyen, dans les villes au foncier tendu ou les centres-bourgs dévitalisés de construire plus, plus vertueux et moins cher, par exemple du logement social ? En 2017, l’Établissement public foncier de l’Île-de-France (Epfif) estimait à 330 000(2), pour la seule région parisienne, le nombre de logements supplémentaires pouvant être construits en 15 ans en utilisant la constructibilité autorisée par les Plans Locaux d’Urbanisme. Le potentiel foncier offert par la transformation des zones d’activité à l’abandon était alors estimé à 70 000 logements par an.

Reconstruire la ville sur elle-même peut également permettre de proposer de nouveaux services aux habitants : un musée, une médiathèque, une crèche…

Mais toutes les friches ne peuvent donner naissance à de tels projets immobiliers. Le prix du foncier doit en effet permettre de rentabiliser une coûteuse remise en état. Et les contraintes existantes – présente de bâtiments à démolir, pollution, bâti amianté, plan de prévention des risques – peuvent s’avérer trop fortes pour solvabiliser un projet de construction. La démolition, l’indemnité d’expropriation, les nombreux diagnostics, la dépollution (le seul désamiantage coûte 100 euros du mètre carré, selon l’Ademe) viennent renchérir en effet le coût d’acquisition.

Avec « Bénéfriches », outil lancé par l’Ademe en septembre 2021, les collectivités vont bientôt disposer d’un outil permettant de quantifier les bénéfices socio-économiques et environnementaux des projets de reconversion.

En créant le dispositif du tiers-demandeur, la loi Allur leur donne un autre atout. Avec le tiers-demandeur, la responsabilité matérielle et financière de la remise en état du terrain peut désormais être transférée à un tiers intéressé : aménageur, promoteur, bailleur social. Celui-ci se substitue alors au dernier exploitant du site, moyennant accord du Préfet.

Des friches hors projet immobilier : quand le foncier est hors marché

Les friches situées dans les grandes métropoles peuvent présenter un fort potentiel immobilier, du fait de la pression foncière pesant sur ces territoires. Dans les territoires plus excentrés, les petites collectivités ont aussi intérêt à reconvertir leurs friches, pour gagner en attractivité. Car une friche restant inoccupée devient vite un terrain vague ou un squat, qui déprécie un quartier.

Mais le bâti n’est pas la seule seconde vie possible pour ces espaces en déshérence. Des usages alternatifs émergent et se développent. Certaines friches trouvent ainsi une nouvelle vocation en accueillant une centrale photovoltaïque, une trame bleue ou verte, des jardins familiaux, une ferme urbaine ou encore en devenant des espaces de renaturation, qui captent le CO2 et luttent contre les îlots de chaleur urbains. Ces projets peuvent être transitoires, par exemple le temps d’une dépollution via la phytoremédiation.

Maitrise du foncier, montage juridique, autorisations : les préalables

La maîtrise publique du foncier est un prérequis indispensable pour réaliser une opération de réhabilitation. Or l’acquisition n’est pas toujours simple. Si le projet est d’utilité publique, il est possible de recouvrir à la préemption en cas de cession, ou à l’expropriation amiable ou judiciaire. Ces prérogatives de puissance publique peuvent être utilisées par les communes ou par leurs groupements, mais également par les établissements publics fonciers. La zone d’aménagement concerté (ZAC) peut alors être un outil à privilégier.

Présenté en janvier 2021 devant la commission des affaires économiques de l’Assemblée Nationale, un rapport de la mission d’information confiée aux députés Adam et Kerbarh recommande la mise en place de groupes de travail pour faciliter l’exercice du droit de préemption. Celui-ci est aujourd’hui souvent compliqué du fait de propriétaires préférant geler leur terrain dans l’attente d’une éventuelle plus-value.

Autre préalable à un projet de reconversion de friches : le choix d’un montage juridique. Cession à un opérateur privé après mise en concurrence, terrain donné à bail à un tiers avec constitution de droits réels pour qu’il devienne propriétaire du bien édifié, concession de travaux, opération réalisée en maîtrise d’ouvrage publique ou dans le cadre d’un marché de maîtrise d’œuvre : les solutions possibles sont multiples. L’enjeu est bien sûr de trouver l’échelle idoine pour porter la nécessaire ingénierie. Celle du Scot (schéma de cohérence territoriale), adossé au cadre régional du Sraddet (schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires) peut être particulièrement pertinente.

Restent les autorisations à obtenir. Elles sont nombreuses, du tiers-demandeur au changement d’usage, ou encore aux autorisations d’urbanisme ou environnementales. Dès la phase de conception, il convient de vérifier la soumission du site aux dispositions du droit des ICPE (installations classées pour la protection de l’environnement) ou aux mesures de protection de la biodiversité ou encore au droit des déchets, de l’eau etc. La multiplicité des démarches à effectuer auprès des différents services de l’État reste encore un obstacle à la fluidité des projets.

Fonds friches, appels à projets : un terreau favorable

La recherche de financements est évidemment cruciale dans le montage d’un projet.

Dans le cadre du plan France Relance, le Gouvernement a débloqué une enveloppe de 300 M€ dédié au financement du recyclage des friches et la transformation du foncier déjà artificialisé. Ce fonds friches était associé à deux appels à projets, l’un lancé par les préfets de région, l’autre par l’Ademe, dont les lauréats bénéficieront de subventions pour couvrir certaines dépenses ou certains déficits économiques.

Ces appels à projets ont rencontré un succès dépassant largement les prévisions. Début juin 2021, les lauréats en ont été dévoilés. Au total, 544 projets de réhabilitation de friches vont être soutenus, pour un montant global de près de 290 millions d’euros. Ces projets généreront 3,3 millions de m2 de logements et plus de 1 700 000 m2 de surfaces économiques.

Face au succès de ces appels à projet, le Gouvernement a annoncé le déblocage de 350 M€ supplémentaires pour la reconversion des friches.

À savoir : les projets de réhabilitation de friches sont éligibles aux prêts verts de La Banque Postale. Une gamme de prêts moyen et long terme adossés à l’émission d’obligations vertes, qui œuvre concrètement au déploiement de la finance responsable et durable à vaste échelle. 

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(1) Le Lifti (laboratoire d’initiatives foncières et territoriales innovantes) peut les y aider, en partenariat avec l’Association des Maires de France : www.lifti.org

(2) Le Monde du 5 décembre 2017