Interview

« Les mesures d’aide ont permis aux Epl du secteur tourisme-loisirs de tenir »

Les Entreprises publiques locales (Epl), nombreuses dans le secteur du tourisme/loisirs, ont globalement bien résisté aux effets de la crise sanitaire. Cela grâce aux aides dont elles ont pu bénéficier, mesures gouvernementales et PGE en tête. Regards croisés de deux experts de la Fédération des élus des Entreprises publiques locales (FedEpl) : Christelle Botz-Mesnil, responsable du département Tourisme-Loisirs et Esteban Pratviel, en charge de la veille et de la prospective.

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Covid-19 : les aides pour les EPL du secteur tourisme-loisirs

Que représentent les Epl dans le secteur du tourisme et des loisirs ?

Christelle Botz-Mesnil : Le secteur compte près de 350 Epl en métropole. Plus de 20 métiers sont représentés dans cet ensemble, de la gestion des équipements de loisir (comme les ports de plaisance) aux sites ludo-éducatifs, des gestionnaires d’équipements culturels (théâtres, zéniths…) à l’événementiel, sans oublier les acteurs institutionnels que sont, par exemple, les offices de tourisme. La particularité du secteur est qu’il regroupe près de deux tiers de structures multi-activités. Cette pluridisciplinarité a constitué un atout certain dans la crise depuis 2020.

Quelle était la situation financière des EPL à la veille de la crise sanitaire ?

Esteban Pratviel : Les Epl ont abordé l’année 2020 avec une structure financière renforcée. Les années précédentes, elles avaient en effet massivement déployé des stratégies d’augmentation de leur capitalisation et de leurs fonds propres. Elles disposaient aussi d’une trésorerie suffisante pour permettre, dans un premier temps, d’amortir le choc de la crise.

Mais ces entreprises étant particulièrement dépendantes de leur cycle d’exploitation, elles se sont trouvées rapidement et gravement fragilisées par les fermetures administratives.

Les partenaires bancaires des Epl ont par ailleurs joué le jeu, en leur proposant des reports d’échéances sur leurs frais bancaires.

Esteban Pratviel — Responsable veille et prospective de la Fédération des élus des Entreprises publiques locales (FedEpl)

Comment les EPL du tourisme-loisirs ont-elles résisté à la crise ?

Christelle Botz-Mesnil : Globalement elles ont très bien résisté. Cette capacité de résilience est essentiellement liée au fait que les Epl avaient mis en place cette stratégie de consolidation de leur assise financière ces dernières années et ont pu faire appel aux outils d’aide du gouvernement. La fédération a été très présente auprès du gouvernement au début de la crise, pour faire en sorte que les Epl puissent bénéficier des mêmes mesures que les autres entreprises. Grâce à cette mobilisation, les Epl ont pu recourir au chômage partiel, aux exonérations de l’Urssaf ainsi qu’au fonds de solidarité. Ces mesures de soutien leur ont permis de tenir.

Le plan de relance, dont le but était de soutenir les investissements, n’a en revanche pas bénéficié directement aux Epl, ces dernières n’étant le plus souvent pas propriétaires de leurs équipements.

Esteban Pratviel : L’ensemble des métiers du tourisme et des loisirs ont été très impactés par la crise en 2020, avec des chiffres d’affaires et des résultats d’activité en forte baisse. Cette année-là, nos sondages annuels sur la confiance des dirigeants d’Epl ont montré un solde d’opinions(1) fortement négatif, à -40 points. En 2021, en dépit des restrictions sanitaires du début de l’année, la reprise de l’activité a été au rendez-vous et les anticipations négatives des acteurs se sont trouvées en partie déjouées. En 2022, l’activité du secteur est en voie de normalisation, malgré un début d’année encore marqué par quelques restrictions et beaucoup d’incertitudes liées à la clientèle internationale.

Christelle Botz-Mesnil : Les situations financières des Epl du secteur tourisme-loisirs restent très contrastées d’un métier à l’autre. Les sites touristiques dont l’activité est liée à la fréquentation internationale issue de marchés lointains demeurent fragiles malgré l’explosion du tourisme franco-français en 2020.

Quels sont les secteurs du tourisme les plus lourdement impactés en 2021 ?

Esteban Pratviel : La cinquantaine d’Epl de remontées mécaniques a vécu la crise en décalé. La saison hivernale 2020 était déjà très largement entamée lorsque la crise sanitaire s’est déclenchée. En revanche, l’année 2021 a été une année quasi blanche. Les Epl de gestion d’équipements de tourisme-loisirs ont souffert de manière générale, avec une activité très limitée malgré des coûts fixes importants.

De même, l’événementiel, victime de multiples stop and go jusqu’en 2022, au gré des fermetures administratives, a été un secteur particulièrement impacté. Et si une majorité de salons ont pu se tenir en 2021, beaucoup ont accueilli jusqu’à 50 % d’exposants et de visiteurs en moins. 

Dans quelle mesure les PGE (prêts garantis par l’État) ont-ils bénéficié aux Epl du secteur tourisme/loisirs ?

Christelle Botz-Mesnil : Pour la majorité des Epl, le PGE a été un bol d’air. Avec plusieurs vagues de sollicitation, le dispositif a été prolongé deux fois. Certaines Epl ont pu faire appel au PGE « saison ».

Esteban Pratviel : Au total, 43 % des Epl du secteur « tourisme-loisirs » ont eu recours aux PGE. Il s’agit d’une proportion importante, mais inférieure à celle des autres entreprises privées. Les partenaires bancaires des Epl ont par ailleurs joué le jeu, en leur proposant des reports d’échéances sur leurs frais bancaires. On peut donc dire que les Epl ont reçu le soutien de toutes leurs parties prenantes.

Cette capacité de résilience est essentiellement liée au fait que les Epl avaient mis en place cette stratégie de consolidation de leur assise financière ces dernières années et ont pu faire appel aux outils d’aide du gouvernement.

Christelle Botz-Mesnil — Responsable du département Tourisme-Loisirs de la Fédération des élus des Entreprises publiques locales (FedEpl)

Comment les Epl abordent-elles la phase de remboursement des PGE qui a démarré en mars 2022 ?

Christelle Botz-Mesnil : Certaines Epl sont encore en situation de grande fragilité. C’est le cas des Epl créées juste avant la crise sans avoir pu boucler un premier cycle d’activité normale. Ou encore de celles ayant procédé à de lourds investissements juste avant le déclenchement de la crise, et dont l’activité n’est toujours pas revenue à la normale. Les Epl accueillant des touristes de pays lointains, qui n’ont toujours pas renoué avec les niveaux de fréquentation antérieurs à la crise, sont également en difficulté potentielle pour faire face aux échéances de remboursement. Ces entreprises pourraient avoir recours à des recapitalisations auprès de leurs actionnaires publics.

Esteban Pratviel : Fin 2021, 73 % des dirigeants d’Epl tourisme-loisirs se disaient néanmoins confiants dans leurs perspectives pour 2022. 84  % d’entre eux estimaient suffisantes leurs capacités à rembourser leur endettement de manière générale.

Quel est l’impact possible de la guerre en Ukraine sur la situation financière des Epl en 2022 ?

Christelle Botz-Mesnil : Dans le tourisme de loisir, la clientèle des marchés émergents (Chine en tête) n’est toujours pas de retour. Avec la crise ukrainienne, il y a fort à parier qu’on ne les reverra pas encore massivement en 2022. La stratégie de recentrage sur les touristes d’Europe continentale est elle aussi mise à mal. Les marchés captifs seront limités à l’Europe de l’Ouest. L’année s’annonce donc empreinte de beaucoup d’incertitudes. Les touristes pourraient partir en vacances avec moins de moyens du fait de l’inflation.

Du côté du tourisme d’affaires, les perspectives sont plutôt positives, avec le retour massif de salons et séminaires. Les mesures annoncées début mars de soutien aux exposants des parcs d’exposition accueillant plus de 500 exposants vont dans le bon sens.

Esteban Pratviel : Trois motifs d’inquiétude se profilent pour l’année 2022 dans le secteur du tourisme-loisirs. La première est effectivement liée à la clientèle internationale, dont l’absence ne sera probablement pas compensée par la clientèle nationale. La seconde incertitude est liée à l’évolution des prix de l’énergie, qui pèse sur des équipements particulièrement énergivores (comme les parcs aqua-ludiques, par exemple). Enfin une incertitude se profile en lien avec le pouvoir d’achat. L’inflation commence à grimper en Europe et l’action des Banques centrales ne suffit pas à la juguler.

La Banque Postale mobilisée au côté du Secteur Public Local

La Banque Postale a été mobilisée au côté de ses clients du Secteur Public Local pendant la crise sanitaire en octroyant plus de 80M€ de Prêts Garantis par l’Etat (PGE) auprès d’une quinzaine d’organismes, essentiellement des SEM d’aménagement, des Epl du tourisme ou bien encore des acteurs de la santé.

Elle a également accordé plus d’une soixantaine de moratoires (différés de remboursements de prêts) essentiellement auprès d’Epl de tourisme et de mobilité pour un capital restant dû de 130M€ à fin mars 2022. 

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(1) C’est-à-dire le solde entre pourcentage d’anticipations positives et pourcentage d’anticipations négatives.