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PLFSS 2024 : le volet sanitaire sous le signe de la maîtrise des dépenses

Très discuté et profondément transformé aussi bien par les députés que par les sénateurs, le PLFSS 2024 a finalement fait l’objet d’une adoption définitive sans vote, via l’usage de l’article 49.3 de la constitution... Le point à date sur les mesures phares du projet de loi, qui dessine les contours du budget de la sécurité sociale pour l’année à venir.

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Le Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2024 avait subi, avant même son examen au Parlement, les feux croisés des acteurs concernés. À quelques jours de l’ouverture des débats parlementaires, la Fédération hospitalière de France (FHF) et les Libéraux de Santé, fédération des 10 principaux syndicats de professionnels libéraux de santé, exprimaient ainsi de vives réserves. Le conseil de la Cnam s’était par ailleurs prononcé contre le contenu du texte, le 5 octobre. Enfin le texte avait été rejeté en commission des affaires sociales, cela aussi bien à l’Assemblée Nationale qu’au Sénat : une opposition inédite depuis la mise en place du PLFSS en 1996.

Sans grande surprise, la première ministre a déclenché l’article 49.3 de la Constitution, le 1er décembre, pour engager sa responsabilité sur l’adoption du budget 2024 de la Sécurité Sociale sans vote des députés... Près de 300 amendements (en grande partie présentés par la commission des affaires sociales) ont été validés à date sur ce texte.

Ondam 2024 : un objectif contraint

Les grands équilibres du PLFSS 2024 sont donc désormais acquis, en dépit du rejet par les sénateurs d’un objectif national de dépenses d’assurance-maladie (Ondam) 2024 jugé sous-évalué l’objectif national de dépenses d’assurance-maladie (Ondam) pour 2024 ayant été écarté par les élus. Le déficit de l’assurance maladie est évalué à 10,5 Md€ pour 2024, et pourrait atteindre 17,2 Md€ en 2027.

L'exécutif table sur une légère résorption du déficit de la branche maladie : - 9,3 milliards d’euros en 2024.

La progression de l’Ondam (soit l’enveloppe de l’hôpital et de la médecine de ville) est fixée à + 3,2 % (pour une progression de l’indice des prix à la consommation estimée par la Banque de France, pour 2024, à +2,6%). Son montant est fixé à 254,7 milliards d’euros. Un montant dont Aurélien Rousseau, ministre de la Santé, reconnaissait le 17 novembre, devant les sénateurs, qu’il est « loin d’être opulent », l’Ondam étant désormais « un outil de constatation bien plus que de pilotage ».

La FHF, quant à elle, a rappelé que compte tenu du taux d’inflation estimé par La Banque de France pour 2023 à (+ 5,8 %) la progression de l’Ondam 2024 est insuffisante pour couvrir les besoins de financement liés à la revalorisation des sujétions et astreintes de nuit. Une progression de 4% - soit 2 milliards d’euros manquants -aurait été nécessaire selon la fédération, pour tenir compte du vieillissement de la population, des innovations thérapeutiques et de la croissance des pathologies chroniques.

L’Ondam 2024 se répartit, s’agissant du secteur sanitaire, entre deux sous-objectifs :

  • 108 milliards d'euros pour les soins de ville

  • 105,6 milliards d'euros pour les établissements de santé

3,5 milliards d’euros d’économies

Le PLFSS prévoit des économies à hauteur de 3,5 milliards d’euros pour 2024. Un montant que le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) estime « difficile à réaliser dans un contexte de tensions, notamment dans le secteur hospitalier et sur l’offre de médicaments. »

Sur ce total, des efforts à hauteur de 0,3 milliards d’euros sont attendus du côté des soins de ville, notamment sur la biologie, les produits de contraste pour l’imagerie ou encore la régulation des transports sanitaires. Par ailleurs, 1 milliards d’euros devra être économisé sur les produits de santé, du fait des baisses de prix de certains médicaments et d’actions visant une maîtrise des volumes, par exemple pour les dispositifs médicaux à usage unique, générateurs de déchets supplémentaires.

Le gouvernement table par ailleurs sur un « bouquet de mesures », qui pourraient s’égrener dans les semaines et mois à venir, visant à atteindre 1,2 milliards d’euros d’économies au titre de la responsabilisation des assurés.

La hausse du ticket modérateur sur les soins dentaires, à hauteur de 500 millions d’euros à la charge des complémentaires santé, est une première mesure actée dans le PLFSS 2024.

La loi de financement ne tranche en revanche pas la question - polémique - des franchises médicales. C’est un décret qui devra statuer sur le projet du gouvernement de doubler le reste à charge des assurés pour l’achat d’un médicament (actuellement de 0,50 € par boîte) ou la consultation d’un médecin (actuellement 1€). L’effort des assurés serait plafonné à 50 € par patient et par an, l’objectif étant de dégager 800 M€ de recettes supplémentaires. Ce sujet du doublement des franchises sera soumis à concertations et consultations avant, donc, d’être tranché par décret.

Des facilités pour l’accès aux soins

Le PLFSS esquisse un nouveau partage des tâches entre les médecins et les autres professionnels de santé. Le PLFSS instaure, à titre expérimental, la prise en place des patients par des infirmiers en pratique avancée dans le cadre de structures d’exercice coordonné. Après 2 années d’expérimentation, les parcours coordonnés renforcés sont avalisés, avec notamment l’introduction d’un forfait multiacteurs (par exemple pour le développement de l’activité physique adaptée (APA) pour les patients atteints de cancer).

Les chirurgiens-dentistes seront désormais associés à la régulation de la permanence des soins dentaires. Déjà désignés comme compétents (avec les infirmiers et les sages-femmes) pour l’administration des vaccins, les pharmaciens pourront dispenser des antibiotiques, sans ordonnance mais sous conditions, pour la cystite simple et l’angine. Afin de pallier les tensions sur l’approvisionnement en médicaments, l’Etat pourra rendre obligatoire la possibilité de rendre obligatoire la délivrance de certains antibiotiques à l’unité en officine.

Le PLFSS 2024 opère par ailleurs une « rationalisation » des aides à l’installation de médecins en zones sous-denses. Les agences régionales de santé seront ainsi habilitées à contractualiser avec des médecins remplaçants et des étudiants, ce contrat ouvrant droit à une rémunération complémentaire aux revenus tirés des soins, ainsi qu’à un accompagnement à l’installation.

Vers un nouveau modèle tarifaire pour le MCO

Le PLFSS pose les fondements d’une réforme du financement des activités de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO) en établissements de soins, réforme tarifaire qui va entrer en application progressivement dès 2025. Les sénateurs avaient jugé « trop précipitée » la réforme, renvoyant son entrée en vigueur à 2028, après une phase d’expérimentation. Leurs amendements ont été écartés.

En plus de la T2A (tarification à l’activité, fortement décriée pour avoir imposé une logique de « course à la rentabilité »), la réforme va diversifier les modalités de rémunération des hôpitaux. La sortie de la T2A devrait être progressive.

Le nouveau modèle tarifaire sera constitué de 3 compartiments distincts :

  • Un compartiment du financement à l’activité (T2A), pour les prises en charge protocolisées, organisées et standardisées ;
  • Des dotations sur missions spécifiques, fléchées vers les soins aigus et prises en charge spécifiques, dont le coût est substantiellement indépendant du volume de l’activité réalisée ;
  • Des dotations sur objectifs de santé publique, orientées sur la prévention et la coordination des parcours de soin, rémunération conditionnée à l’atteinte d’objectifs de santé publique pouvant être en partie territorialisés.

De nouvelles mesures de prévention

Le développement de la prévention est, comme en 2023, une priorité affichée du PLFSS 2024. Sont ainsi prévus :

  • La généralisation des rendez-vous de prévention et d’éducation pour la santé, proposés gratuitement à différents âges de la vie, notamment, pour lutter contre les addictions, détecter les situations de violences sexistes et sexuelles, et anticiper la perte d’autonomie des aînés ;
  • L’accès au vaccin contre le papillomavirus dès l’âge de 11 ans ;
  • Des actions de lutte contre la précarité menstruelle, avec la gratuité des protections hygiéniques pour les assurées jusqu’à 26 ans et les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire ;
  • L’expérimentation de programmes d’activité physique adaptée pour les patients souffrant de cancers.
  • La mise en place de taxes comportementales sur les producteurs d’aliments contenant des sucres ajoutés, pour financer les politiques de prévention et de pédagogie contre l’obésité.

Le PLFSS prévoit la remise d’un rapport au Parlement sur l’évaluation de l’expérimentation du cannabis médical, ceci avant le 30 juin 2024.

Une régulation des usages

Un avenant à la convention nationale entre médecins libéraux et assurance-maladie limite le volume des téléconsultations et téléexpertises d’un médecin conventionné à 20 % du total de son activité.

Le PLFSS 2024 interdit la prescription d’antibiotiques par téléconsultation, estimant que la lutte contre l’antibiorésistance nécessite des examens cliniques. Le remboursement des télé-soins se voit limité à ceux prescrits par messagerie de santé sécurisée ou via une plateforme de téléconsultation conforme aux normes de confidentialité requises.

Le PLFSS limite par ailleurs à 3 jours la durée des arrêts de travail pouvant être accordés par téléconsultation. Si l’état de santé du patient s’aggrave, il aura désormais l’obligation de consulter un médecin en présentiel, exception faite (à préciser par décret) pour certaines catégories d’assurés souffrant de maladies graves.

Le PLFSS instaure par ailleurs le principe du transport sanitaire partagé comme offre par défaut, pour enrayer la hausse des dépenses de transport sanitaire : 7,2 % en 2022.

Du côté des professionnels de santé, des efforts sont également attendus. La primo-prescription par un médecin spécialiste devra ainsi être conforme aux indications de prescription contenues dans un référentiel (restant à construire). Les taux d’arrêts maladie anormalement élevés délivrés par un médecin déclencheront des contrôles automatiques.

Le versement des indemnités journalières pourra être automatiquement suspendu après un rapport du médecin contrôleur jugeant un arrêt injustifié.

Enfin, un amendement adopté au Sénat prévoit de faire désormais dépendre, à concurrence de 70 %, la contribution due par les laboratoires pharmaceutiques des montants effectivement remboursés par l’assurance-maladie pour leurs médicaments. Cette réforme de la « clause de sauvegarde des médicaments » concentre ainsi l’effort financier sur les entreprises dont les portefeuilles de produits présentent un taux de prise en charge élevé.

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