Les comptes des hôpitaux publics à la loupe : bilan des trois études réalisées par LBP et la FHF

INTERVIEW

  • financement

Avec la publication début septembre 2024 d’une étude portant sur les politiques d’investissement et leurs modalités de financement, La Banque Postale clôt un cycle d’études menées conjointement avec la Fédération Hospitalière de France (FHF) sur les finances des hôpitaux publics*$. Au-delà de l’aspect purement financier des situations analysées, la publication de ces trois études témoigne de l’expertise de La Banque Postale, premier financeur des hôpitaux publics, et constitue un réel « plus » pour sa compréhension des enjeux du secteur. À l’heure des bilans, Luc Alain Vervisch, directeur des études et de la recherche de La Banque Postale et Arnaud Robinet, président de la FHF, ont croisé leurs regards. 

  • Le dispositif La Banque Postale / Sfil est le 1er prêteur bancaire en part d’encours - Source : Observatoire de la dette des établissements publics de santé – Finance Active (mars 2024).

Trois études ont été publiées par La Banque Postale en partenariat avec la Fédération Hospitalière de France (FHF). La première, publiée en septembre 2022, porte sur le poids de la dette des hôpitaux publics. Quels en sont les principaux enseignements ?

Luc Alain Vervisch : Ce qui nous intéressait était de jeter un regard rétrospectif sur la situation de l’endettement des établissements, cela avant la crise sanitaire. L’État venait en effet - dans le cadre du Ségur de la Santé - de s’engager à refinancer une partie des hôpitaux les plus en difficulté financièrement. Nous voulions dès lors comprendre les facteurs de dégradation relative des ratios de dette et de dépendance financière. Nous souhaitions par ailleurs nous interroger sur les logiques d’analyse des situations de surendettement, en évaluant la pertinence des indicateurs utilisés par les Agences Régionales de Santé (ARS) dans leur mission de contrôle des hôpitaux les plus vulnérables.

Cette étude nous a permis de développer une méthode de traitement de la diversité des structures. Nous avons adopté un découpage du secteur hospitalier public en 6 grandes catégories d’établissements, suivant leurs caractéristiques institutionnelles et leurs niveaux de ressources. Segmentation que nous avons conservée par la suite.

Nous avons opté pour une analyse pluriannuelle, du fait de la relative volatilité de certains indicateurs clés, comme le délai de désendettement*$, indicateur de la facilité dans le temps à rembourser la dette, qui lui-même dépend de l’autofinancement, très évolutif d’une année à l’autre.

Enfin, cette étude a souligné l’importance de la CAF (ou capacité d’autofinancement) nette pour apprécier la capacité des hôpitaux à investir.

  • Aussi appelé durée apparente de la dette et capacité de désendettement.

Arnaud Robinet : Le suivi des situations financières des établissements publics de santé est très souvent focalisé sur l’analyse des résultats d’exploitation et notamment sur le niveau de déficit. Si une telle analyse est évidemment pertinente, elle ne couvre qu’une partie des indicateurs intéressants à suivre et doit être complétée par une analyse des indicateurs fondamentaux que sont la dette, le patrimoine et l’investissement. C’est pourquoi la FHF a souhaité participer, à travers ce partenariat avec la Direction des Etudes de la Banque Postale, à une étude approfondie de ces éléments financiers.

Alors que les établissements publics de santé connaissent à nouveau des situations de dégradation importante de leur déficit en 2022 et 2023, le sujet de la dette revêt toute son importance. Depuis de nombreuses années, la FHF a alerté sur le niveau élevé d’endettement des établissements, qui pèse négativement sur leur capacité d’autofinancement et sur les investissements nécessaires.

Pour faire face à cette situation, les pouvoirs publics ont décidé de mettre en place un plan d’assainissement de la dette des établissements. D’abord fixée à 13 milliards d’euros, la FHF a œuvré pour que ce plan soit transformé en un plan de relance de l’investissement, estimant que le désendettement devait avant tout répondre aux difficultés du secteur hospitalier public à investir. Et nous avons eu gain de cause ! La moitié de l’enveloppe initialement prévue a ainsi été dédiée à la relance de l’investissement. De plus, elle a été augmentée de 6 milliards d’euros supplémentaires en écho à l’impact de la crise sanitaire, consacrés aux secteurs sanitaire et médico-social mais aussi au numérique.

L’étude de la Banque Postale démontre que si les situations particulières d’endettement élevé ou de surendettement concernent une part limitée d’établissements, il existe une grande diversité des caractéristiques parmi ceux touchés. C’est pourquoi il est nécessaire de mobiliser plusieurs indicateurs pour obtenir une vision complète des différentes situations, tels que l’indépendance financière, la durée apparente de la dette, ou encore la capacité d’auto-financement.

Il est important de rappeler qu’un établissement en situation d’endettement n’est pas forcément un signal négatif. L’analyse de la situation financière ne peut se limiter à la dette : il faut également tenir compte du niveau d’investissement et de la vétusté des infrastructures. D’autres indicateurs spécifiques au secteur hospitalier, comme le dynamisme de l’activité et la structure des coûts, doivent également être considérés.

La seconde étude cosignée par La Banque Postale et la FHF porte sur le patrimoine hospitalier public. Que révèle-t-elle ?

Luc Alain Vervisch : Là où la dette témoigne du passif au sens comptable, le patrimoine représente, lui, l’actif au sens comptable. Que possèdent les hôpitaux publics ? C’est la question que nous nous sommes posés. Il s’agissait d’analyser, par décomposition comptable, les éléments de patrimoine que constituent les bâtiments et terrains, les équipements lourds, les équipements légers, en analysant les tendances d’évolution. Cette étude, pointe l’augmentation du taux de vétusté, tout en montrant l’effet optique de dégradation provoqué par la mise en place d’une obligation récente de certification des comptes. Plus sincères, les comptes hospitaliers disent mieux la réalité, notamment par l’amélioration des techniques comptables relatives au traitement des amortissements.

Nous avons regardé par ailleurs de près la nature des équipements hospitaliers lourds (scanners, IRM, etc.) avec une notion de calendrier et de géographie d’implantation.

Nous aurions aimé pousser la réflexion jusqu’aux questions posées par les réorganisations bâtimentaires (regroupements, constructions neuves, réhabilitations), mais nous n’en avons pas eu le temps. C’est peut-être là une piste pour une étude ultérieure.

Cette deuxième étude est la première à avoir été déclinée au niveau régional, en lien avec les instances régionales de la FHF, ainsi que les ARS. 

Arnaud Robinet : Analyser attentivement la situation patrimoniale des établissements publics de santé était impératif. Ces établissements ont abordé la crise sanitaire avec un niveau d’investissement historiquement bas et un taux de vétusté jamais égalé. Celui-ci s’est considérablement accentué entre 2015 et 2021 : le taux de vétusté des bâtiments a connu une hausse particulièrement marquée, supérieure à 10 points, passant de 40,6 % en 2015 à 51,1 % en 2021. Cela illustre la faiblesse des investissements hospitaliers durant cette période.

Pourtant, les plus grands établissements publics de santé (EPS) concentrent la majorité des équipements lourds médicaux (EML) d’imagerie soumis à autorisation. Des conditions d’investissement optimales sont la condition sine qua non pour permettre à notre système de santé de répondre aux besoins de la population et d’innover pour améliorer son état de santé.

Un des éléments notables de cette étude est l’évolution des modalités d’investissement. Plutôt que de construire ou reconstruire, les établissements favorisent désormais davantage la réhabilitation des bâtiments existants. Cette orientation est doublement bénéfique : d’une part, elle est bienvenue sur le plan financier à long terme, et d’autre part, elle soutient la transition écologique de notre système de santé. En effet, l’empreinte carbone du secteur de la santé représente environ 8 % des émissions nationales, et les hôpitaux doivent jouer un rôle clé dans la réduction de leur impact environnemental !


Un des éléments notables de cette étude est l’évolution des modalités d’investissement. Plutôt que de construire ou reconstruire, les établissements favorisent désormais davantage la réhabilitation des bâtiments existants. 

Arnaud Robinet, Président de la Fédération Hospitalière de France (FHF)


La troisième étude découlant du partenariat est parue en septembre 2024. Autour de quels enjeux ? Et avec quels principaux messages portés ?

Luc Alain Vervisch : La troisième étude découlant de notre partenariat avec la FHF porte sur les politiques annuelles d’investissement et sur leur financement. Elle révèle une reprise des investissements en volume, sans atteindre toutefois le niveau d’avant 2015, point d’inflexion de la courbe. Hormis les équipements courants, les équipements hospitaliers vieillissent. Le rôle de la CAF nette est souligné dans l’analyse, ce qui signe une forme de dépendance aux conditions d’exploitation. Cette évolution de la CAF nette est en effet impactée par les conditions d’exercice depuis la Covid, avec une aggravation des charges (notamment énergétiques et de personnel) dans un contexte d’activité en légère baisse.

Arnaud Robinet : Le plan de relance du Ségur était attendu et indispensable. Alors que l’effort d’investissement des établissements de santé était au plus bas en raison d’une nécessité à faire face aux exigences des dépenses d’exploitation, le plan est venu relancer les investissements des établissements. Mais pour combien de temps ?

En effet, l’enveloppe dédiée au financement de l’investissement des établissements est prévue pour durer jusqu’en 2030, à euros constants. Cependant, l’augmentation des prix de construction et des coûts d’endettement sont venus minorer d’autant l’effet levier de ce plan de relance.

C’est la raison pour laquelle la FHF attache une grande importance à sortir des logiques de plans de relance pour dédier une part de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) à l’investissement en santé, et qu’elle soit prévisible et pluriannuelle. L’investissement nécessite un temps long et une visibilité des décisions des pouvoirs publics. 

Comment ces études ont-elles été reçues par les parties prenantes du secteur ? Et quelle est la singularité du point de vue qu’elles portent ?

Luc Alain Vervisch : Nous pouvons mesurer aujourd’hui, près de 3 ans après, que l’idée de départ - de 3 documents complémentaires - avait du sens. Sans doute du fait de cette cohérence, la réception des études par les spécialistes du secteur a été favorable. « Finances hospitalières », mensuel spécialisé de la profession, en a d’ailleurs systématiquement publié les bonnes feuilles.

Ce panorama général de la situation financière des hôpitaux publics a sans doute correspondu à une attente des conseils de surveillance et dirigeants des hôpitaux, leur permettant d’accéder à un type de traitement de données inédit.

La dernière publication inclut trois témoignages spécifiques et diversifiés d’hôpitaux. C’est la une amélioration notable que nous souhaitons pérenniser à l’avenir.

Arnaud Robinet : Du fait des contraintes et des exigences de court-terme, les responsables de nos établissements se focalisent essentiellement sur l’exploitation, et le niveau de déficit que l’établissement connaitra. Cependant, les indicateurs de bilan ont toute leur importance, car la dette, l’investissement ou la situation patrimoniale sont des indicateurs durables dans le temps. Ce sont également des données qui intéressent rarement les médias ou les communicants : ces études ont le mérite de mettre la lumière sur des indicateurs structurants pour la santé financière de nos établissements. 

Quelles perspectives envisagez-vous conjointement dans un avenir proche ?

Luc Alain Vervisch : Du côté de La Banque Postale, nous jugeons intéressant de poursuivre, peut-être sous une forme sensiblement différente. Les études à venir pourraient ainsi porter sur des thématiques plus ponctuelles et conjoncturelles, en réponse à des problématiques d’actualité, comme celles du lien entre hôpitaux publics et RSE ou encore hôpitaux publics et transition écologique... Ces évolutions sont évidemment à discuter lors d’un bilan à venir avec la FHF.


Portrait de Luc Alain Vervisch

Nous pouvons mesurer aujourd’hui, près de 3 ans après, que l’idée de départ - de 3 documents complémentaires - avait du sens. Sans doute du fait de cette cohérence, la réception des études par les spécialistes du secteur a été favorable.

Luc Alain Vervisch, Directeur des études et de la recherche de La Banque Postale


Arnaud Robinet : Si les différentes études de la Banque Postale ont permis de mettre la focale sur le sujet de la dette, de l’investissement ou de la situation patrimoniale, il reste toujours difficile de pouvoir établir les causes des déficits d’exploitation. Qu’est-ce qui explique qu’un établissement soit en situation financière dégradée ? Est-ce lié à sa taille, sa typologie d’activité, sa situation géographique, sa productivité, sa structure de personnel, son attractivité ? Pour la FHF, il est essentiel de comprendre ce qui caractérise une situation financière dégradée pour pouvoir mieux y répondre et adapter nos modalités de financement pour assurer une équité entre tous les établissements. 

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