Comment financer la compétence Gemapi ?

Confiée aux intercommunalités à partir de 2018, la compétence Gestion des milieux aquatiques et à la prévention des inondations (Gemapi) pose de multiples questions. À commencer par celle de son financement, cette nouvelle compétence appelant la construction d’un modèle économique inédit.

270 000 kilomètres de cours d’eau et 5500 km de côtes littorales : l’eau et ses débordements concernent l’immense majorité des territoires en France.

Avec la création d’une nouvelle compétence Gemapi et son attribution exclusive au bloc local, la loi Maptam du 27 janvier 2014 a donné aux collectivités un rôle majeur dans la gestion du grand cycle de l’eau.

Gemapi : pour une gestion intégrée du grand cycle de l’eau

Les métropoles et communautés, qu’elles soient urbaines, d’agglomération ou de communes, sont donc désormais compétentes pour gérer cette boucle naturelle entre évaporation, précipitations, ruissellement, infiltration, retour aux rivières et à la mer.

La loi NOTRe du 7 août 2015 a fixé quant à elle l’échéance de ce transfert au 1er janvier 2018.

Le législateur a ainsi manifesté sa volonté d’unifier une compétence jusqu’ici facultative, partagée entre de multiples acteurs, et non uniformément présente dans les territoires exposés au risque d’inondation ou de submersion marine.

Avec la Gemapi, toutes les digues existantes, dès lors que leur utilité aura été confirmée*, seront ainsi reprises en gestion par les collectivités compétentes, mettant fin à de nombreuses situations de déshérence d’ouvrages.

La compétence Gemapi recouvre plusieurs types d’actions : l’aménagement des bassins versants ; l’entretien et l’aménagement des cours d’eau, canaux, lacs et plans d’eau ; la défense contre les inondations et contre la mer ; et enfin la protection et la restauration des zones humides.

Il est à noter que les Départements (au titre de la solidarité territoriale) et les Régions (au titre de leur mission d’aménagement et de développement durable) assurant une des missions Gemapi à la date du 1er janvier 2018 pourront continuer à le faire à la condition de conclure une convention avec chaque EPCI concerné.

EPTB, EPAGE : la compétence Gemapi est sécable et délégable en 2019

La difficulté à laquelle les intercommunalités se heurtent pour organiser la Gemapi, réside dans le fait que les périmètres des EPCI ne correspondent pas aux périmètres hydrographiques.

Pour résoudre cette équation, les EPCI à fiscalité propre disposent toutefois d’outils facilitant leur regroupement à la bonne échelle hydrographique. Les intercommunalités peuvent ainsi se regrouper et déléguer tout ou partie de la Gemapi à un établissement public territorial de bassin (EPTB) à l’échelle d’un grand bassin versant, ou à un établissement public d’aménagement et de gestion de l’eau (EPAGE) à l’échelle plus restreinte du petit bassin versant.

Investissements Gemapi : un coût à évaluer

Estimer précisément le coût de la nouvelle compétence Gemapi n’est pas chose aisée. Il s’agit d’évaluer les dépenses prévisionnelles dans un cadre pluriannuel, ceci en fonctionnement (études, travaux d’entretien, agents…) mais aussi en investissement (construction/réhabilitation d’ouvrages, restauration de zones humides…). Un exercice complexe, pouvant impliquer une réflexion sur la territorialisation des actions à mener, en vue d’instituer des solidarités amont-aval, ou urbain-rural. Quid par exemple d’un ouvrage de protection d’une ville destiné à la protéger des inondations mais situé en amont sur un territoire rural ?

En mars 2018, une enquête menée par l’Assemblée des Communautés de France (AdCF) a montré que les intercommunalités peinent à mener à bien ce travail. Seules 61% d’entre elles disposaient alors d’une telle estimation, quand 18% n’avaient initié aucun chantier en ce sens.

Taxe Gemapi : une option parmi d’autres

Pour financer la compétence Gemapi, les collectivités ont la possibilité d’instituer une taxe appliquée à tous les contribuables assujettis aux taxes d’habitation, à la taxe foncière et à la cotisation foncière des entreprises. Concrètement, la collectivité vote un montant annuel, non un taux. Ce dernier est déterminé par les services fiscaux de l’Etat, qui le ventilent au prorata des recettes tirées de chaque taxe de référence l’année précédente. Début 2018, 38% des intercommunalités prévoyaient de lever ce nouvel impôt**. Plafonné à 40 euros par an et par habitant, le produit de la taxe Gemapi doit être exclusivement réservé aux missions liées à la Gemapi.

La création de cette nouvelle taxe n’est cependant pas sans poser question.  Dans un rapport remis au Premier Ministre début 2018***, la mission Richard-Bur a ainsi pointé l’inadéquation entre l’assiette de la taxe Gemapi – intercommunale - et l’échelle plus pertinente pour les actions correspondantes, qui est celle du bassin versant.

Subventions : l’autre source de financement possible pour les investissements Gemapi

Pour couvrir les dépenses d’investissement engendrées par la Gemapi, les intercommunalités peuvent actionner d’autres leviers financiers.

Le recours aux subventions est l’une des pistes à privilégier. Ces subventions peuvent être obtenues auprès des agences de l’eau, compétentes pour le soutien aux actions de restauration des zones humides, des rivières, des lacs, des lagunes et du littoral, ainsi que pour la dépollution des milieux aquatiques. Des subventions peuvent également être sollicitées auprès de l’État, au titre du Fonds Barnier. Enfin certains fonds européens (FEDER, Feader, Life etc.) peuvent être sollicités. Les crédits en sont d’ailleurs actuellement sous-consommés par la France.

Financement Gemapi : quelle place pour l’emprunt ?

Le versement des subventions étant effectué a posteriori des dépenses à financer, un prêt relais peut permettre de faire la jonction. Les prêts relais proposés par La Banque Postale sont remboursables sans indemnité à chaque échéance, ce qui permet de solder rapidement le crédit après l’obtention de la subvention.

Gabriel Barataud, directeur général des services de la communauté d’agglomération Arche Agglo, d’Ardèche en Hermitage

« Ce qui pose question, c’est l’évaluation et le financement de la compétence »

« Sur notre territoire situé de part et d’autre du Rhône, la compétence Gemapi est déjà ancrée. Ce qui pose question est plutôt son évaluation et son financement. Notre Budget 2018 avait été voté sans taxe Gemapi. En septembre, après estimation du coût de la compétence, le montant de la taxe a été fixé à 1 M€ par an, soit 18 euros par habitant, qui couvriront le fonctionnement courant et le financement des investissements à venir.

Le Conseil d’agglomération a par ailleurs statué sur des éléments programmatifs évaluant à 18-19 M€ nos besoins d’investissements Gemapi pour les 5 à 7 ans à venir, avec 35% de subventions. En 2018, nous avons bénéficié d’une offre de La Banque Postale pour préfinancer un premier marché de travaux de 4 M€ sans attendre le versement des subventions. Il s’agit de la réfection de deux digues situées dans une zone urbanisée, pour les rendre insubmersibles en cas de crue bicentenaire. Un prêt relais d’un million d’euros sur 18 mois à taux zéro nous permet d’avoir de la trésorerie pour payer les premières factures, dans des conditions exceptionnellement favorables. Tout en négociant les prêts à long terme qui viendront en complément. »

Gabriel Barataud, directeur général des services de la communauté d’agglomération Arche Agglo, d’Ardèche en Hermitage

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* Sur un linéaire total récensé d’environ 9000 km de digues, entre 3000 et 4000 km sont a priori réellement utiles et seront pérennisés. Source : ministère de l’Environnement.

** Source : enquête AdCF mars 2018.

***https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/document/document/2018/05/rapport_sur_la_refonte_de_la_fiscalite_locale_-_09.05.2018.pdf