L’état des routes : entretien et résilience font débat

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Le réseau routier français, un des plus denses d’Europe, est massivement géré, aujourd’hui, par les collectivités territoriales. Par vagues de décentralisation successives, les communes, départements et, depuis peu, les régions, se retrouvent aux manettes. Entre vieillissement accéléré du réseau routier, défis climatiques s’aggravant et contraintes financières croissantes, les défis à relever sont nombreux.

L’autoroute francilienne A13 fermée pendant deux mois par suite de la découverte d’une fissure importante dans la chaussée ; la RN 134, en Vallée d’Aspe, coupée en deux par une brèche de 40 mètres*$; mais aussi des nids de poule, chaussées déformées, ou accotements affaissés un peu partout sur le réseau : l’état des routes en France s’est beaucoup dégradé. Avec plus d’un million de kilomètres de voirie, d’une valeur patrimoniale évaluée à plus de 2 000 milliards d’euros*$ (à peine moins que le montant du PIB de la France), le réseau routier français reste pourtant le support privilégié des déplacements des Français. Mais il est vieillissant. Selon un rapport de 2023 de l’Observatoire national de la route, 18,8 % du réseau national non concédé serait en mauvais état. Tout comme près de 10 % des routes départementales et 10 % des ponts à la charge des communes.

Le rapport du Forum économique mondial plaçait d’ailleurs notre pays en 18ème place au classement international de la qualité des infrastructures routières pour 2019, alors qu’il figurait en première place 12 ans auparavant.

  • Source : Routes de France – État de la route 2023

  • Source : Routes de France – État de la route 2023

Des moyens insuffisants au regard des besoins nationaux

Un audit externe réalisé en 2018 à la demande du ministère de la Transition écologique*$ avait relevé un sous-investissement de l’État sur le réseau routier national, entre 2007 et 2017. Depuis, l’Observatoire national de la route note que les investissements des collectivités sont repartis à la hausse, et que la qualité des routes se stabilise. Interrogé à l’Assemblée nationale à ce sujet, en décembre 2024, le ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation assure quant à lui - sans donner de chiffres - que « le budget dédié à l’entretien et à la rénovation des routes et ouvrages d’art est en nette croissance depuis 2018 ». L’Union routière de France évalue à 15,7 milliards d’euros l’effort financier de l’État en faveur des routes en 2024, un chiffre en baisse, selon elle, de 10,4 % par rapport à 2012*$.

La Cour des Comptes, qui s’est saisie de la problématique dans un rapport datant de mars 2022, déplore que « l’entretien et l’exploitation du patrimoine routier restent encore trop souvent des variables d’ajustement, en fonction de la situation financière ou d’autres priorités d’investissement. » Et la Cour des Comptes d’appeler les gestionnaires du réseau routier à développer leurs dépenses d’entretien préventif, qui doivent permettre de réaliser, à terme, d’importantes économies en évitant des réparations beaucoup plus lourdes dans le futur. Le déficit cumulé d’entretien des routes alimenterait, sans cela, une « dette grise » qui, à l’instar de ce qui s’est passé avec le réseau ferré, pourrait s’ériger en mur d’investissements difficilement surmontable.

  • Audit réalisé par Nibuxs et IMDM

  • Source : Routes de France – État de la route 2023

Le changement climatique produit des effets délétères sur l’état des routes

Le risque du sous-investissement est d’autant plus important à considérer que le changement climatique et ses impacts sous forme de fortes vagues de chaleur, de violentes précipitations, de submersions ou encore de gonflement des argiles, accélère fortement le vieillissement naturel du patrimoine routier, causant parfois des dégâts importants. C’est le constat que fait l’Institut des routes, des rues et des infrastructures pour la mobilité (IDRRIM), qui fédère les acteurs publics et privés de la filière. L’État a d’ailleurs diligenté, à partir de septembre 2023, une étude de vulnérabilité du réseau routier national, concédé et non concédé, face au réchauffement climatique, étude dont les résultats sont attendus courant 2025.

La route devra par ailleurs aussi mener à bien sa propre transition écologique. La loi de transition énergétique pour la croissance verte a d’ailleurs fixé des objectifs ambitieux d’utilisation des matériaux alternatifs dans le cadre des travaux routiers. Auscultation à haut rendement des infrastructures, augmentation du pourcentage de recyclage dans les enrobés, réduction des températures : certains départements, comme la Seine-et-Marne ou la Haute-Garonne, se sont engagés dans l’expérimentation de routes « 100 % recyclées ».

Les départements ne sont pas en reste. Entre 2016 et 2023, ils ont vu leurs dépenses augmenter de 84 % en termes de coût par kilomètre de réseau pour les grosses réparations d’ouvrages d’art. Quant aux communes, qui gèrent quelque 64 000 ouvrages d’art, elles bénéficient, pour les plus petites d’entre elles, d’un programme national dédié aux ponts, doté de 110 millions d’euros au total, qui leur permet de recenser et évaluer l’état des ponts sur leur territoire, et d’être subventionnées pour les travaux à mener.

Dilution des responsabilités et ralentissement des investissements ?

Dans les faits, le réseau routier français est géré en grande partie par les collectivités territoriales : près de 380 000 km par les départements et plus de 700 000 km par les communes. Une décentralisation en plusieurs vagues a été menée au profit des départements. Un mouvement que la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale - dite loi 3DS - adoptée en 2022 a entrepris d’amplifier, en permettant à une nouvelle catégorie de collectivités - les régions - de devenir à leur tour gestionnaire d’un réseau.

Si l’État demeure garant, devant la loi, de la cohérence et de l’efficacité de l’ensemble du réseau, la décentralisation de la gestion des routes est en marche. Après une première décentralisation de 920 km de voies à 14 départements et deux métropoles, l’État « met à disposition » des régions Auvergne-Rhône-Alpes et Grand Est, depuis le 1er janvier 2025, environ 1 280 km de routes nationales et d’autoroutes. Dans le cadre de cette expérimentation qui sera menée sur 5 ans, les axes routiers restent propriété de l’État, mais les orientations concernant leur entretien, leur exploitation et leur aménagement reviennent aux régions. C’est également le cas du financement, qui leur incombe moyennant une compensation financière équivalente à la moyenne annualisée des dépenses d’investissement engagées par l’État sur son réseau durant les cinq années précédentes. Les régions engagées savent que cette compensation ne suffira pas, d’autant qu’en reprenant la main, elles ont l’ambition d’investir davantage. La région Grand-Est annonce ainsi mobiliser 92 millions d'euros pour moderniser le réseau : trois fois plus que ce que l'État prévoyait. Elle estime en effet que 50 % des chaussées ont besoin d'entretien, et que 12 % de ses ouvrages d'art nécessitent des travaux lourds. La région compte recourir à une écocontribution des poids lourds, mais pas avant 2027. En attendant, elle prévoit de faire appel à des emprunts d'équilibre.

Les collectivités gestionnaires, de contraintes en opportunités

Reste à savoir si cette décentralisation sera tenable économiquement. En décembre 2024, la région Occitanie a annoncé renoncer à la gestion de certaines routes nationales du fait, notamment, d'un manque d'engagement de l'État. L'IDRRIM n’est, quant à lui, pas très optimiste. Il estime, dans son Observatoire national de la route 2024 que "Les contraintes financières qui s’exercent sur les gestionnaires, et qui vont s’accentuer, entravent la mise en place de stratégies optimales d’adaptation et d’entretien des réseaux routiers face aux dégradations qu’ils subissent."

La programmation de l’entretien des routes et ouvrages d’art, dans les collectivités locales, demeure souvent empirique. Elle se résume même parfois à une répartition forfaitaire entre territoires. Pour la Cour des Comptes, l’organisation actuelle du réseau national non concédé en France, où l'État demeure à la fois propriétaire, stratège, régulateur et opérateur est devenue "une originalité en Europe". Les magistrats estiment qu’associer les usagers au suivi de la qualité du service et à la collecte de données de terrain pourrait "faciliter l’adaptation aux besoins réels de niveaux de service : fréquence des patrouilles, temps d’intervention sur incidents ou délai de 'retour au noir' après des chutes de neige etc ». Un copilotage « à l’Anglaise » qui, selon la Cour, devrait inspirer l’ensemble des gestionnaires routiers, État comme collectivités territoriales.

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