Les finances des autorités organisatrices de la mobilité à la loupe

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Pour la 15ème édition de la collection « Accès Territoires », série d’analyses produites par sa Direction des études et de la recherche, La Banque Postale se penche sur les mobilités. Enjeu de cette étude parue le 12 juin : analyser les comptes des Autorités Organisatrices de la Mobilité locales sur la période 2017-2024, pour dresser un état des lieux du financement des transports publics du quotidien après en avoir rappelé les modalités d’organisation. Julie Marcoff, responsable des études financières à La Banque Postale, en détaille les tenants et aboutissants.


Comme premier prêteur bancaire des collectivités territoriales, La Banque Postale est fortement engagée aux côtés des intercommunalités et des régions qui sont aujourd’hui autorités compétentes pour gérer les mobilités sur les territoires et agir comme donneurs d’ordre auprès des opérateurs de transport.

Julie Marcoff, responsable des études financières à La Banque Postale


Pourquoi cette étude sur le financement des déplacements du quotidien et pourquoi la publier maintenant ?

Julie Marcoff : Les transports sont l’une des quatre expertises sectorielles*$ de La Banque Postale . Comme premier prêteur bancaire des collectivités territoriales, La Banque Postale est fortement engagée aux côtés des intercommunalités et des régions qui sont aujourd’hui autorités compétentes pour gérer les mobilités sur les territoires et agir comme donneurs d’ordre auprès des opérateurs de transport.

D’où le parti pris de porter notre regard sur les transports publics de passagers, en nous centrant sur les déplacements du quotidien, épine dorsale de l’inclusion territoriale, un enjeu central pour les collectivités et profondément ancré dans l’ADN de la banque.

L’annonce de l’organisation de la conférence « Ambition France Transports », lancée le 5 mai dernier à l’initiative du Premier ministre, nous a confortés dans nos choix. Nous avons fait en sorte que l’étude paraisse concomitamment, pour apporter notre pierre à l’édifice et contribuer activement aux débats.

  • Avec l’énergie, la santé et la Défense.

Sur quelles bases repose ce 15ème numéro d’Accès Territoires consacré aux mobilités du quotidien ?

Julie Marcoff : Notre étude porte sur l’analyse des comptes d’un échantillon de collectivités territoriales dotées de la compétence « mobilité ». Conséquence de la loi d’orientation des mobilités (dite LOM) de 2019 qui a donné la possibilité aux communautés de communes de se saisir de cette compétence, on recense aujourd’hui 689 Autorités Organisatrices de la Mobilité (AOM) locales - dont environ 460 sont actives dans les faits. Nous nous sommes penchés sur les comptes d’environ 250 à 260 d’entre elles, suivant les années, soit le nombre de collectivités territoriales (hors régions) disposant d’un budget dédié aux transports. Cette analyse des budgets locaux est au cœur même de l’expertise de La Banque Postale. Parmi les multiples analyses déjà publiées sur les transports publics, nous nous sommes donc attachés à être le plus spécifique possible.

L’étude s’ouvre sur un constat : la dépendance à la voiture coûte cher.

Julie Marcoff : Effectivement, c’est le tout premier constat. La voiture reste le principal mode de déplacement des actifs pour rejoindre leur lieu de travail : 74 % d’entre eux l’utilisent à titre principal au quotidien et même 90 % de ceux qui résident hors des aires d’attraction des villes. En termes de voyageurs-kilomètres, le transport intérieur de voyageurs en véhicules particuliers a augmenté de 8 % sur la décennie 2012-2022.

Or cette dépendance à la voiture individuelle coûte cher, tant financièrement, socialement qu’écologiquement.

En 2023, 14 % du budget des ménages était consacré aux dépenses de transport, dont 82 % pour le seul transport individuel. Une part stable depuis 20 ans alors même que les dépenses liées aux déplacements ont fortement augmenté sur la période.

La dépendance à la voiture a un coût social croissant et exclut une partie de nos concitoyens : 15 millions de Français(es) de plus de 18 ans étaient en situation dite de précarité mobilité en 2023, soit 1,7 million de plus qu’en 2021.

Enfin, le transport routier est le premier émetteur de gaz à effet de serre en France et plus de la moitié de ces émissions incombe aux voitures particulières.

Pourquoi vous, auteurs de l’étude, estimez-vous que la loi LOM, fondatrice en matière d’organisation des mobilités n’a pas tenu ses promesses ?

Julie Marcoff : La loi d’orientation des mobilités du 24 décembre 2019, dite LOM, ambitionnait de réformer en profondeur les déplacements des Français au quotidien tout en intégrant l’enjeu environnemental, afin notamment d’en finir avec « les zones blanches » en matière de transports publics. Mais elle n’a pas traité la question du financement du nécessaire report modal de la voiture vers d’autres solutions de mobilité qu’elle ambitionnait de développer. La question de la projection des ressources supplémentaires à mobiliser a ainsi été évacuée.

L’étude pointe la grande complexité des modalités d’organisation et de financement des transports publics du quotidien. À quoi tient cette complexité ?

Julie Marcoff : Partant du constat que sur 80 % du territoire (représentant environ 30 % de la population) lors de l’adoption de la loi LOM, aucune collectivité publique n’organisait effectivement la mobilité des personnes et des biens, la LOM a réorganisé cette gouvernance locale en l’inscrivant dans un binôme intercommunalité-région suivant un principe de subsidiarité. Elle a ainsi fait en sorte que chaque territoire, y compris rural, soit désormais doté d’une autorité organisatrice chargée d’organiser non plus les seuls « transports », mais les mobilités, incluant les mobilités douces.

Mais cette nouvelle gouvernance, supposée encourager l’exercice effectif des compétences à la bonne échelle, est en réalité souvent d’une grande complexité, du fait des multiples exceptions et clauses de flexibilité dont s’est assorti le transfert de compétences. Les intercommunalités, AOM par défaut, ont ainsi pu déléguer cette compétence aux régions, mais aussi à des syndicats voire à des pôles économiques territoriaux en zone rurale. Dans certains territoires, la gouvernance des mobilités manque ainsi totalement de lisibilité, les autorités organisatrices pouvant rester nombreuses sur un même ressort territorial.

Comment le financement des Autorités Organisatrices de la Mobilité (AOM) locales est-il actuellement assuré ?

Julie Marcoff : En fonctionnement, les budgets des AOM sont composés de dépenses de prestations vers les exploitants. La collectivité porte en effet rarement en direct les charges courantes (notamment les frais de personnel), ce qui ne les empêche pas d’absorber des hausses de prix via leurs contrats de prestation de services. Côté investissement, les budgets locaux comportent des dépenses d’achat de matériel et de construction d’infrastructures, dépenses sensibles à la conjoncture économique mais également au cycle électoral. À noter que deux postes de dépenses d’investissement sont en hausse, annonciateurs de dépenses futures : les frais d’études et les acquisitions de terrains.

En recettes, le modèle de financement des AOM repose actuellement pour moitié sur le versement mobilité, taxe versée par les employeurs de tous statuts (y compris les administrations publiques et les hôpitaux) et assise sur leur masse salariale dès lors qu’ils emploient plus de 10 salariés.

13 % des recettes des AOM proviennent de la tarification payée par les usagers des transports. Les subventions publiques - de l’État, des régions comme de l’Europe - interviennent à hauteur de 14 % du total en fonctionnement et 5 % en investissement. Ces subventions (surtout en investissement) sont plutôt modestes au regard des autres ressources des AOM mais, elles peuvent servir de levier pour la mise en place de gros projets d’infrastructures et de filet de sécurité face à la hausse de dépenses énergétiques.

En complément, le recours à l’endettement s’avère de plus en plus indispensable. Entre 2017 et 2024 l’encours de dette des AOM a progressé de 36 %. Cet encours est détenu en 2024 pour les deux-tiers par 11 AOM dont une seule en détient plus de 20 %. Malgré ces disparités, une généralisation du recours à l’emprunt se fait jour : 54 % des AOM détenaient de la dette en 2017 ; elles sont 64 % en 2024.

L’étude aborde la nécessité d’une adaptation des modalités de financement des mobilités. Quels sont les enjeux à venir dans ce domaine ?

Julie Marcoff : Un rapport sénatorial datant de juillet 2023 et portant sur les modes de financement des AOM a estimé à 30 milliards d’euros, pour la période 2023-2030, le total des dépenses d'investissement nécessaires en matière de transports collectifs urbains (TCU).

C’est à ce prix que pourront être développés de nouveaux transports en commun en sites propres, rénovés des réseaux anciens, financés les investissements dans les projets de services express régionaux métropolitains (SERM) ou encore que pourra être renouvelé le matériel roulant, en particulier pour verdir les flottes de bus.

Le financement de ces besoins ne pourra à l’évidence pas reposer sur la seule contribution des employeurs via le versement mobilité. Dans les années à venir, il existe encore des marges de manœuvre, toutes les AOM n’étant pas au taux plafond du versement mobilité ou n’ayant pas encore actionné tous les bonus. La mise au plafond de toutes les AOM ne permettrait toutefois pas, selon nos calculs, de dégager plus d’un milliard d’euros, loin du compte donc.

Ponctionner à l’excès les usagers n’est pas non plus une solution, d’autant que pour beaucoup ils bénéficient de tarifs sociaux en fonction de leurs revenus, de leur âge, de leur statut ou de leur lieu de résidence. De plus un renchérissement du coût pourrait produire l’effet inverse à celui recherché : un retour vers la voiture.

Dès lors se pose la question de la place du soutien de l’État, et celle de l’endettement des collectivités pour financer les investissements à venir.

L’étude pose des questions auxquelles elle n’a toutefois pas vocation à apporter de réponse.

La concertation initiée par le Gouvernement dans le cadre de la conférence « Ambition France Transports » permettra, espérons-le, de trouver les clés d’un financement soutenable tant pour les collectivités que pour les employeurs, les usagers et l’État.

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