Article

Mobilisation générale aux côtés des locataires précaires

La crise sanitaire a creusé les inégalités sociales. Certains locataires s’enfoncent dans la précarité. Et sans que l’on puisse parler d’une vague d’impayés de loyers, la précarisation de certains publics impose une vigilance particulière des bailleurs. Les acteurs du logement social se mobilisent aux côtés des locataires fragilisés : gros plan sur les dispositifs en vigueur.

  • #financement
  • #territoire
Lecture 4 min

Ils sont étudiants, intérimaires, intermittents du spectacle, employés de la restauration, saisonniers ou simples salariés, depuis la pandémie de Covid-19, ils ne s’en sortent plus. La crise sanitaire a fait basculer un million de Français dans la pauvreté, qui s’ajoutent aux 9,3 millions de personnes vivant déjà, en France, sous le seuil de pauvreté monétaire(1).

Indicateurs qui ne trompent pas, le taux de chômage a bondi de +7,5%(2) depuis le début de la crise sanitaire et le nombre de bénéficiaires du RSA a crû de +8,5% entre octobre 2019 et octobre 2020(3).

Dans son traditionnel rapport annuel sur le mal-logement, la Fondation Abbé Pierre (FAP) pointe en janvier 2021 la « double-peine » infligée par la crise sanitaire aux plus fragiles : sans-abri, sortants d’institutions, habitants en surpeuplement ou occupants de logements insalubres.

Plus de locataires précarisés, mais pas de vagued’impayés

Craignant les séquelles sociales durables de la crise sanitaire, la FAP a publié, le 11 janvier 2021, un sondage Ipsos sur l’impact ressenti de la pandémie sur le logement. 13% des français déclarent avoir eu des difficultés à̀ payer leur logement (loyer, charges ou crédit immobilier) depuis le début de la pandémie. 3% ont été contraints de changer de logement pour des raisons financières. Les bénéficiaires d’APL (42%), les locataires HLM (32%) et les moins de 30 ans (20%) ont été les plus impactés. 22% des sondés (et 35% des jeunes) redoutent d’avoir des impayés autour de leur logement en 2021.

La situation des locataires précaires est surveillée de près. Le ministère du logement a ainsi mis en place, le 16 novembre 2020, un Observatoire des impayés de loyers et de charges, avec une fonction de veille, d’alerte et de proposition.

Selon l’USH, porte-parole du mouvement HLM, le niveau des impayés est pour l’instant sous contrôle. Il s’est, après un pic de 150 millions d’euros en avril 2020, stabilisé à 50 millions fin décembre. Une situation toutefois très contrastée d’un organisme à l’autre. Un quart des bailleurs sociaux ont ainsi vu les impayés augmenter de plus de 10% avec la crise sanitaire(4).

L’APL en temps réel : mieux ou moins bien ?

Mieux tenir compte des baisses de revenus engendrées par la crise sanitaire, c’est l’objectif affiché pour la contemporanéisation de l’APL qui, longuement repoussée, a finalement été mise en application en janvier 2021. Les aides au logement sont désormais calculées tous les 3 mois (et non plus tous les ans) sur la base des revenus des douze derniers mois (et non plus de l’année N-2). Ce mode de calcul tient donc compte de la perte des heures supplémentaires, des fins de CDD ou de missions d’intérim, avec en théorie un meilleur amorti des effets de la crise. Les promoteurs de l’APL en temps réel en prédisent un effet protecteur en période de chômage ou d’activité partielle. Pour les étudiants, la ministre du logement annonce l’application d’un forfait de ressources théoriques.

Dans les faits, cette réforme qui concerne près de 6 millions de bénéficiaires semble pénaliser certains jeunes adultes à leur entrée dans la vie active.

Action Logement : aux côtés des salariés et jeunes actifs

En vue d’aider les ménages à faire face à des difficultés de paiement de leurs loyers ou prêts et en plus des aides traditionnelles pour les salariés, Action Logement s’est mobilisé en annonçant, en juin 2020, la création d’un fonds d’intervention d’urgence de 100 millions d’euros. Cette enveloppe consiste à accorder des aides de 150 euros, renouvelables une fois, aux locataires salariés ou demandeurs d’emploi du secteur privé ou public dont les revenus auraient baissé de 15%.

Autre mesure phare : la Garantie Visale, système de cautionnement locatif d’Etat porté par Action Logement, devrait être étendue, dans le courant de l’année 2021, à tous les salariés gagnant moins de 1 500 euros nets par mois. Depuis sa création en 2016, le dispositif a profité à quelque 300 000 foyers. Action Logement a indiqué en octobre 2020 avoir vu augmenter de 50% le nombre de garanties accordées au cours des 12 mois précédents.

Action Logement se mobilise enfin en faveur des jeunes de moins de 25 ans. Ceux qui ont pris leur premier poste salarié avec un revenu compris entre 0,3 et 1,1 Smic et sont par ailleurs titulaires d’un bail locatif bénéficieront d’une aide à la mobilité de 1 000 euros.

Fonds de solidarité logement : les départements mettent la main au pot

Les Fonds de solidarité logement, créés en 1990, ont été placés en 2005 sous la responsabilité des départements. Toutes les métropoles se sont depuis saisies de la possibilité (découlant des lois Maptam et Notre) de récupérer la compétence FSL sur leur territoire.

La vocation initiale de ces fonds est la mise en œuvre du droit au logement auprès de locataires HLM en particulier, avec 120 fonds gérants un budget total de 350 millions d’euros. Ils délivrent des aides directes, en réalité versées en tiers-payant aux organismes HLM, pour le maintien dans le logement. Il peut s’agir du paiement d’une partie du loyer et, de plus en plus souvent, du paiement des charges locatives (d’eau ou d’électricité essentiellement).

La nature et l’importance des aides, ainsi que les conditions d’attribution, diffèrent d’une zone géographique à l’autre, en fonction des politiques locales appliquées en matière de logement.

Avec la pandémie Covid-19, les FSL se sont efforcés de réduire leurs délais d’instruction des demandes d’aide, en dématérialisant leur instruction ou en acceptant des dossiers sans évaluation sociale. Certains fonds ont créé des dispositifs « spécial Covid », temporaires et ciblés. L’association des départements de France notait en fin d’année 2020 ne pas avoir observé de hausse significative des recours, mais l’arrivée de publics jusqu’ici inconnus de leurs services et inéligibles à leurs aides.

Les organismes HLM se mobilisent

De nombreux bailleurs sociaux ont créé des services dédiés pendant le confinement en 2020 pour accompagner les locataires les plus fragiles, comme le report des échéances de paiement, le versement partiel, ou encore l’échelonnement des dettes avec limitation des mensualités lorsque cela était nécessaire. Les organismes HLM continueront leur engagement auprès  des plus précaires, au titre du Droit au logement opposable (Dalo). L’avant-projet de loi 4D prévoit qu’il leur soit appliqué un taux de 25% de logements sociaux à attribuer à des personnes reconnues comme prioritaires Dalo.

La mobilisation des organismes HLM s’est aussi organisée sur un mode plus proactif, dès le début de la pandémie. Dans une charte signée en mai 2020, l’Union Sociale pour l’habitat et 5 associations de locataires ont dressé la liste des bonnes pratiques à adopter à l’égard des locataires en situation de fragilité économique. En 20 engagements, ce document de travail préconise en particulier l’engagement des bailleurs envers les locataires dès lors qu’ils rencontrent des difficultés pour payer leur loyer.

En 2021, les plafonds de ressources mensuelles ouvrant droit à la Réduction de Loyer de Solidarité sont désolidarisés de l’indice d’évolution des prix à la consommation.

Dans le jeu de vases communicants en lien avec la baisse des APL, les bailleurs sociaux sont donc présents au rendez-vous de la crise sanitaire et sociale.

À lire également

Découvrez les solutions de La Banque Postale

(1) Qui s’établit à 1 063 euros pour une personne seule en 2021.

(2) Source : Darès –Janvier 2021

(3) Source : Drees – Ministère des Solidarités – Décembre 2020

(4) Source : USH.