Les Epl sous le signe de la résilience

Esteban Pratviel : « Cette dynamique s’inscrit dans le mouvement de rattrapage de l’activité économique des Epl initié en 2022. Revenues à des cycles d’exploitation « normaux », les Epl ont pu assainir leur situation financière et retrouver des marges de manœuvre. La vitalité, dont témoigne notre étude, s’illustre d’abord par une évolution à la hausse du nombre d’Epl, passé de 1 376 à 1 401 au 1^er juin 2023. La solution de l’économie mixte locale séduit toujours les collectivités territoriales.

Ce nouveau cycle de croissance s’accompagne par ailleurs d’une évolution à la hausse du chiffre d’affaires du secteur, avec un nouveau pic d’activité. À 16,49 milliards d’euros, le volume d’affaires des Epl estimé à fin 2023 devrait être sensiblement supérieur à ce que nous avions anticipé au 1^er juin, à savoir 14,62 milliards. »

Esteban Pratviel : « La croissance est particulièrement forte, en 2022, dans les secteurs jusque-là encore contraints par les conséquences de la crise sanitaire. Les champions de la croissance se comptent ainsi parmi les gestionnaires d’équipements de tourisme, de culture et de loisirs. Mais aussi dans le tourisme d’affaires et l’évènementiel, ou encore dans la mobilité et le stationnement, grâce à des taux de fréquentation revenus à la normale. »

Esteban Pratviel : « Du fait de la conjoncture très inflationniste, elles ont été contraintes de procéder à des hausses du prix de leurs biens et services, entraînant des augmentations mécaniques de chiffre d’affaires. Mais leurs résultats sont plutôt stables, voire légèrement moins élevés : seuls 51 % des dirigeants d’Epl estiment leurs taux de marge suffisants actuellement.

Certaines Epl sont par ailleurs exposées à des fragilités récurrentes. C’est le cas des Epl monoactivité, ou de celles qui, de constitution récente, évoluent dans des secteurs d’activité où l’équilibre économique est difficile à stabiliser, comme l’action sociale et la santé.

Enfin, le contexte inflationniste et le durcissement de l’accès à l’emprunt mettent en difficulté certaines Epl présentant d’importants besoins de financement pour leurs projets d’investissement. »

Esteban Pratviel :  « Les Epl sont des entreprises particulières, orientées vers le long terme. Dans leur modèle économique, les bénéfices réalisés sont le plus souvent mis en réserve pour soutenir des stratégies d’investissement.

Les EplPL ont porté, en 2022, plus de 5 milliards d’euros d’investissements. En 2023, trois secteurs se montrent particulièrement actifs en montants. C’est d’abord le secteur de l’habitat, porté par les besoins de rénovation du parc de logements pour répondre aux exigences de la transition environnementale. Le deuxième secteur le plus actif est celui de l’aménagement et de la construction, avec deux enjeux forts autour de la raréfaction du foncier et de la reconversion des sites industriels abandonnés. L’énergie, en particulier la production d’EnR, est le 3^e secteur le plus actif. Dans ce domaine, les Epl ont tendance à constituer des filiales dédiées avec d’autres acteurs, qu’il s’agisse de collectivités locales ou d’opérateurs privés. »

Esteban Pratviel : « Les Epl sont particulièrement investies dans le champ de la rénovation des infrastructures et des bâtiments, qu’ils soient publics ou privés. Elles sont également parties prenantes de la production d’énergie renouvelable. C’est d’ailleurs dans ce secteur que se créent le plus d’Epl, depuis la loi de transition énergétique de 2014, et que l’on rencontre les plus fortes croissances d’activité.

Le développement des mobilités concentre aussi d’importants investissements, notamment pour le développement de réseaux de mobilités urbaines : tramways, bus à faible impact et haut niveau de service, flottes de vélos en libre-service, bornes de recharge de véhicules électriques, etc. »

Esteban Pratviel : « Il y a deux sujets sur lesquels les Epl se positionnent de plus en plus. C’est d’une part celui de l’action sociale et de la santé : aide à l’implantation de maisons de santé pluridisciplinaires, création d’EHPAD, services à la personne, etc. Et d’autre part celui de l’alimentation, avec des Epl qui se créent ou se diversifient dans l’économie circulaire. Leur volonté est alors de faire le lien entre l’agriculture locale et la restauration scolaire, ou encore les marchés d’intérêt national. »

Esteban Pratviel : « Les Epl financent leurs projets via trois modes de financement principaux. La large part de l’autofinancement est une constante. Ceci vient contredire certains de nos détracteurs, qui continuent à nous voir comme des entreprises sous perfusion ! Le recours au marché bancaire est le deuxième mode de financement utilisé par les Epl : 56 % d’entre elles ont fait appel aux financements bancaires en 2021 ou en 2022. C’est 4 points de plus que sur la période précédente 2019-2020. Les subventions d’investissement n’interviennent que dans un troisième temps. »

Esteban Pratviel : « Il n’échappe à personne que le marché bancaire se tend. Alors que les banques ont accordé des emprunts à taux historiquement bas depuis des années, elles ne parviennent plus à se financer à des taux aussi intéressants. Dès lors les conditions de financement qu’elles sont en mesure d’accorder sont dégradées. Elles demandent de plus en plus de garanties aux emprunteurs.

Nous recueillons des indicateurs de difficultés effectives d’obtention de prêts : en 2022, 20 % des EPL ont renoncé à des investissements ou à des demandes de financement en raison de difficultés d’accès au crédit. Cette proportion est en hausse de 13 points par rapport à la précédente mesure.

On ne peut toutefois pas parler de problématique de financement pour l’instant : l’implication d’une collectivité actionnaire, notamment sous la forme d’une garantie d’emprunt, améliore souvent grandement les conditions du financement proposé.

Nous assistons à ce stade à un retour à la situation d’avant la crise sanitaire : la période 2020-2021, avec des liquidités abondantes et des partenaires bancaires ayant su jouer le jeu de l’économie mixte locale en proposant des conditions particulièrement avantageuses, est terminée. »

Esteban Pratviel : « En tant qu’association d’élus, ce n’est pas là notre vocation première. Mais nous observons par exemple que le recours aux fonds européens se heurte à un certain nombre de préjugés : nécessitant une certaine ingénierie financière, ils sont perçus comme difficiles d’accès, chronophages. C’est pourquoi nous menons un travail de pédagogie auprès de nos adhérents. D’ici, à début 2024, avec son partenaire Finances et Territoires, la FedEpl prévoit de publier un « Guide des financements européens », pour transformer ces représentations erronées. »

Esteban Pratviel : « Les principes qui sous-tendent ces prêts correspondent aux caractéristiques et valeurs intrinsèques de nos adhérents. Les Epl interviennent spécifiquement sur des projets liés à l’intérêt général et sont donc, de fait, très engagées sur des démarches RSE ou à utilité sociale ou sociétale. Si nous voyons d’un bon œil l’essor de ces formules de prêt alignées à nos projets, nous attendons également une clarification des conditions d’éligibilité qui peuvent varier d’une banque à l’autre. »

Esteban Pratviel : « Nos enquêtes auprès des dirigeants d’Epl les montrent plus optimistes qu’en 2022 à la même époque. 35 % d’entre eux s’attendent à un chiffre d’affaires 2023 supérieur à celui de 2022 (ce chiffre passe à 48 % pour 2024). Et 34 % estiment que leur chiffre d’affaires 2023 sera équivalent à celui de 2022 (35 % pour 2024).

Cet optimisme peut sembler irrationnel. Mais les dirigeants d’Epl sont confortés par leur vécu de la crise sanitaire. Ils sont convaincus de la résilience de leurs sociétés et des parties prenantes de l'économie mixte, qui sont au capital de leur structure. C’est donc la confiance qui prime, même si des incertitudes demeurent. »