Interview

Décret tertiaire : face aux difficultés, l’obligation déclarative reportée au 31 décembre 2022

L’échéance déclarative issue du décret tertiaire vient d’être reportée au 31 décembre. Explications et conseils de Sophie Pouverreau, juriste au sein de la Fédération nationale des organismes de gestion des établissements d’enseignement catholique, dont les membres sont particulièrement concernés.

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Portrait de Sophie Pouverreau

Bien mener ces deux chantiers peut permettre 10 à 12 % d’économies d’énergie, et dans certains cas jusqu’à 20 %.

Sophie Pouverreau — Juriste au sein de la Fédération nationale des organismes de gestion des établissements d'enseignement catholique.

Le décret tertiaire précise les modalités d’application de la loi ELAN, laquelle impose la réduction des consommations énergétiques pour les bâtiments tertiaires de plus de 1 000 m2. Les entreprises et organismes concernés, dont des associations, doivent atteindre une réduction de 40 % d’ici 2030, 50 % en 2040 et 60 % d’ici 2050. L’obligation déclarative, qui sert à poser les jalons nécessaires au suivi de cette réduction, porte sur les bâtiments et leurs consommations. Ce qui suppose le recueil de beaucoup d’informations. Pour permettre d’y répondre sereinement, l’obligation déclarative vient d’être reportée au 31 décembre 2022. 

Obligation déclarative : les raisons du report

Le décret tertiaire impose de saisir sur la plateforme Operat les consommations énergétiques des bâtiments concernés pour les années 2020 et 2021 ainsi que pour une année de référence comprise entre 2010 et 2019, au libre choix de l’acteur concerné. Avant le 31 décembre 2022 donc, et non plus au 30 septembre comme prévu initialement (cf. communiqué Ministère de l’Ecologie). « Dès l’été, une certaine souplesse a été annoncée ainsi que l’absence de sanction immédiate », éclaire Sophie Pouverreau. « Le report officiel de l’échéance rassure les acteurs du tertiaire dont nos associations qui sont parfois confrontées à des difficultés liées aux demandes de la plateforme et la réalité de terrain. Ainsi, Operat requiert une entité fonctionnelle par SIRET alors même que nous pouvons en avoir plusieurs ». Une difficulté qui fait partie des points en cours de négociation au sein du groupe de travail où siège Sophie Pouverreau.

« En l’état, la quasi-totalité des acteurs est en marche. Mais ils font face à des difficultés pour disposer des éléments requis, par exemple la surface de plancher précise des bâtiments ». Ou encore les consommations des dix dernières années nécessaires à la détermination de l’année de référence qui sert de base au calcul de l’objectif. « Cela nécessite le plus souvent de solliciter les gestionnaires de réseau, Enedis ou GRDF, lesquels sont saturés par ces demandes » indique Sophie Pouverreau.

Autre difficulté : la mobilisation des ressources. Certes, l’organisme détenteur de bâtiments tertiaires peut se faire accompagner par un bureau d’étude. Mais il s’avère difficile d’identifier ceux qui sont à la fois disponibles et compétents. Et en interne, les ressources peuvent manquer. « Tous les acteurs du tertiaire tâtonnent, à l’exception peut-être des plus gros. Au sein des fédérations des OGEC, les fonctions support ne sont pas structurées de la même manière. Il n’y a donc pas systématiquement de référent immobilier par département. Autre difficulté : les OGEC ne sont pas propriétaires des locaux. Or, il y a co-responsabilité dans l’atteinte des objectifs donc une nécessaire concertation ».

décret tertiaire

Atteinte des objectifs : valeur relative et valeur absolue

Le suivi des améliorations va débuter par la détermination de deux objectifs : d’une part en valeur relative, laquelle s’appuie sur l’année de référence et prévoit une réduction de 40 % par rapport à l'année de référence en 2030… et d’autre part en valeur absolue. Le calcul sur la valeur absolue revient à déterminer combien devrait consommer le type de bâtiment concerné au regard des attendus de consommation d’un bâtiment tertiaire nouvellement construit.

Tout cela peut donner l’impression d’objectifs inatteignables. Mais, tempère Sophie Pouverreau : « Concernant la valeur relative, le fait de situer l’année de référence entre 2010-2019 est une bonne chose pour les bâtiments qui ont fait l’objet d’un travail de rénovation thermique parfois obligatoire. La marche au regard des objectifs est moins haute que si l’année de référence était 2020 ou 2021 ». De plus, tenir la trajectoire passe d’abord par « des actions faciles, qui ne nécessitent pas d’investissement et qui ont fait leurs preuves ». D’abord, travailler avec les occupants sur les bons comportements et affiner le réglage des installations selon l’occupation. « Bien mener ces deux chantiers peut permettre 10 à 12 % d’économies d’énergie, et dans certains cas jusqu’à 20 % ».

L’autre piste « travailler sur l’enveloppe du bâtiment, via des changements d’ouverture pour du double vitrage, de l’isolation, des travaux de calorifuge, peut se faire en recourant aux certificats d’économie d’énergie. Sur ce terrain, beaucoup d’OGEC ont aussi bien avancé ».

À savoir : l’entité fonctionnelle, critère d’éligibilité

Sont concernés par le décret les bâtiments tertiaires de plus de 1 000 m2 mais aussi « des locaux occupés dans un bâtiment dont l’activité tertiaire représente plus de 1 000 m² ou encore un ensemble de bâtiments de plus de 1 000 m² sur une entité plus vaste reposant sur des parcelles voisines ». Dans les prochaines années, le dispositif pourrait être appliqué à de plus petites surfaces.

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