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La Croix-Rouge et le conflit en Ukraine : l'urgence et le temps long

Entretien avec Philippe Testa de la Croix-Rouge française pour comprendre comment les acteurs du Mouvement se sont coordonnés dès le déclenchement du conflit pour répondre aux besoins de la population en Ukraine et des personnes déplacées.

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Avant le 24 février 2022, les actions de la Croix-Rouge en Ukraine relevaient de la structure nationale et se concentraient sur la formation aux premiers secours et la santé, notamment la prévention et le traitement de la tuberculose. Dès le début du conflit, une organisation ad hoc a été déployée. Les deux structures tutélaires, la Fédération Internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge dédiée aux crises relatives aux urgences et aux catastrophes naturelles et le Comité International de la Croix-Rouge (CICR), qui intervient dans les zones de guerre ou de conflit se sont coordonnées. « Dans certaines situations, les objectifs sont communs, éclaire Philippe Testa, responsable Santé et Réduction des risques de catastrophe au sein de la Direction des Urgences et des Opérations de Secours de la Croix-Rouge Française. Ici, le CICR et les Croix-Rouge ukrainiennes agissent dans le pays et la Fédération dans les zones frontalières. La coordination permet des actions de convoyage de matériel dans la région. Des relations sont aussi maintenues avec la Croix-Rouge russe ».

Afin d’adresser au plus près les besoins sur place, l’achat de matériel localement s’impose : « Les besoins de la Croix-Rouge ukrainienne remontent via une plateforme à la Fédération, puis aux sociétés nationales, explique Philippe Testa. Les réponses se font via des objets standardisés par la Fédération, à l’instar de nos kits hygiène. Cela garantit une vraie simplicité d’organisation, une forte réactivité ». Et cela explique pourquoi la Croix-Rouge privilégie l’appel aux dons monétaires plutôt que les dons en nature.

Du matériel, du lien social et du temps long

« Outre des demandes matérielles - énergie, eau, matériel médical, kits d’hébergement ou vivres, il y a aussi la mise en relation des familles ». S’ajoute à cela d’énormes défis en matière de santé : « Ce sont avant tout des familles qui ont fui. Des enfants, des personnes âgées, malades, des femmes enceintes ». Or, les pays limitrophes n’ont pas le maillage santé requis pour répondre à cet afflux et aux besoins spécifiques. « Songez que la Moldavie qui compte moins de 3 millions d’habitants a accueilli 800 000 personnes ! Il nous faut construire, avec d’autres acteurs, des établissements de santé adéquats ». Un travail qui s’inscrit dans le temps, tout comme celui qui consiste à faciliter le retour de ceux qui ont fui « avec la ferme intention de revenir. Bien des infrastructures ont été détruites ou endommagées. La reconstruction est un préalable à la réintégration des près de 6 millions de personnes déplacées ».

Réagir à un évènement : le rôle de la DUOS

La Croix-Rouge le sait : un conflit armé ne se prête pas aux analyses anticipatrices. « Mais nous disposons de process à partir du moment où l’évènement arrive ». La Direction des Urgences et des Opérations de Secours (DUOS) est un rouage essentiel en la matière. L’une de ses missions est le passage en mode crise de la Croix-Rouge française dans toutes les composantes requises - déclenchement des opérations, procédures, organisation.

La DUOS a ainsi mis en place « Croix-Rouge, bonjour », une plateforme téléphonique et un site internet, afin de répondre - en ukrainien si nécessaire - aux demandes de renseignements ou aux besoins d’agir. Elle a aussi déployé des actions de terrain : « Accueil en gare des réfugiés, hébergement temporaire, aide financière ou organisation de points santé : il convient d’accompagner les personnes en attendant que le statut européen de protection temporaire leur soit accordé ».

Gérer le non durable et le probable

« Notre attention se porte sur la suite à donner à l’hébergement chez l’habitant : il nous faut anticiper la non-durabilité de la plupart des solutions. Nous devons aussi fournir des réponses à l’État et aux institutions publiques ». Et cela dans un contexte instable : « Ainsi ceux qui sont revenus à Kiev vont-ils être exposés à une nouvelle offensive et fuir ? Va-t-on rester sur un niveau d’accueil modéré en France ? Face à des conflits, nous avons beaucoup de mal à envisager les flux. Nous fonctionnons en scénarios, en nous appuyant sur une cellule d’anticipation qui, au gré des remontées du terrain, projette le probable ».

Toutes ces actions relatives au conflit en Ukraine sont venues s’ajouter aux activités classiques de la Croix-Rouge française, organisées autour de deux axes : l’action sociale et le secours. Sa vocation, « être présent là où on a besoin de nous », qui fut longtemps le slogan de la Croix-Rouge, est un élément fondamental de la bonne conduite des opérations lors d’un conflit : « Quand on fait bien le quotidien, on sait gérer l’exceptionnel » conclut Philippe Testa.

Carte d'identité la Croix-Rouge française 

  • Création : 1864
  • Forme juridique : Association loi 1901
  • 18 000 salariés
  • 54 000 bénévoles
  • 90 500 personnes secourues par an
  • 3 600 adultes et enfants handicapés accompagnés
  • 1 million de citoyens formés aux gestes qui sauvent
  • 210 SAMU sociaux ou équipes mobiles
  • 56 000 personnes accompagnées à domicile
  • 20 000 étudiants au sein des Instituts de formation : 12 % des infirmiers en France sont formés par la Croix-Rouge

La Banque Postale soutient la Croix-Rouge

L’appel à dons lancé par La Croix-Rouge française, en soutien des populations ukrainiennes a été relayé par de nombreux acteurs dont La Banque Postale qui propose en plus deux dispositifs :

  • Le don en 3 clics, un module associé à un formulaire, mis en place par La Banque Postale en 2013, permettant à ses clients particuliers de faire des dons à la Croix-Rouge française, sans aucun coût ni frais, directement depuis leur compte bancaire sur leur espace sécurisé en ligne.
  • Le Service Intérêts Solidaires, permettant aux particuliers de faire un don, une fois par an, d’une partie ou de la totalité des intérêts de leur livret d’épargne à la Croix-Rouge française.

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