Les défis des EHPAD publics

La perte d’autonomie des personnes âgées, c’est le sujet au cœur de l’actualité et du débat politique de cette année 2019. Au centre du dispositif, on trouve les Ehpad publics dont les salariés se sont mobilisés récemment pour défendre leur conception de leurs métiers et de leur avenir.

Les chiffres sont désormais connus. Ils n’en restent pas moins impressionnants. La prise en charge des personnes âgées en perte d’autonomie coûte 30 milliards d’euros par an, soit 1,4 point de la richesse nationale produite (PIB), dont 23,7 milliards sont financés par les pouvoirs publics.

En 2060, elle va doubler pour représenter 2,78 points de PIB, selon le ministère de la Santé. En 60 ans, l’espérance de vie à la naissance a progressé de vingt ans, soit actuellement 79,4 ans pour les hommes et à 85,4 ans pour les femmes. Un vieillissement de la population qui a son revers, 1,3 million de Français est aujourd’hui dépendant.

La perte d’autonomie, un poste de 8,3 milliards d’euros, est pour l’instant à la charge des départements qui versent l’APA (allocation personnalisée d’autonomie), une aide de 5,5 milliards d’euros indexée sur le niveau de dépendance versée à 1,3 million de personnes. Les bénéficiaires de cette aide perçoivent en moyenne l’APA pendant 3 ans et demi. Les hommes en bénéficient en moyenne un an de moins que les femmes : 2,9 ans contre 3,9 ans. Les durées de perception de l’APA les plus longues (5 années environ) concernent en général des femmes prises en charge en établissement et dont la perte d’autonomie s’est aggravée. Les durées les plus courtes (moins de 2 années) s’appliquent plus souvent aux hommes pris en charge à domicile et déjà très dépendants au moment de l’ouverture de leurs droits.

Les ménages contribuent à hauteur de 2,4 milliards nets en salariant des aides à domicile. Les personnes placées dans des établissements médicalisés tels que les Ehpad doivent en principe payer de leur poche les services d’hôtellerie. Cela leur revient à 3,8 milliards d’euros. Certains ont accès à des aides nationales pesant 3,3 milliards d’euros, telles que l’Aide sociale à l’hébergement.

En Ehpad, les restes à charge sont élevés et très variables d’un département à l’autre. En moyenne, un mois d’hébergement pour une personne sévèrement dépendante coûte 2 450 €. Ce coût est de 2 050 € dans la Meuse, le département le moins cher, mais il dépasse 3 500 € à Paris.

À titre de comparaison, à domicile, pour les personnes en situation de perte d’autonomie très lourde, le coût moyen peut atteindre entre 2 500 € et 4 050 € en fonction du revenu de la personne âgée.

Avec une telle augmentation attendue du nombre de personnes âgées dépendantes, les Ehpad publics se questionnent sur leur modèle économique. Aujourd’hui, les Ehpad publics offrent près de 50 % des places disponibles. Pour les Ehpad publics et privés non lucratifs, le coût global annuel médian d’une place en hébergement permanent ou temporaire s’élève à 41 453 euros, soit 114 euros par jour. Les écarts sont toutefois très importants, allant de 17 928 euros à 51 462 euros.

L’assurance maladie dépense en moyenne pour une place 14 303 euros par an : 12 755 euros versés à l’établissement et 1 906 euros de remboursement de soins de ville.

Pour autant, tous les constats réalisés dénoncent le manque de moyens humains et les difficultés à recruter. Dans la « Mission Flash » de l’Assemblée Nationale réalisée au 4e trimestre 2018, les parlementaires pointaient le manque de personnel et des métiers qui n’attirent plus, ainsi qu’un reste à charge important pour les résidents. Autres points relevés par la Mission : une qualité anormalement faible des prestations et une décorrélation entre l’évolution de la clientèle et la réponse apportée par l’institution.

C’est dans ce cadre que le 28 mars 2019, Dominique Libault, pilote de la concertation « Grand âge et autonomie », a remis son rapport à la ministre de la santé, Agnès Buzyn, après 6 mois de concertation et de mobilisation citoyenne. Ce rapport formule 175 propositions pour améliorer la prise en charge de la dépendance et lutter contre la perte d’autonomie. Parmi les nombreuses pistes et champs couverts, le rapport appelle à une véritable refonte du modèle de gestion des Ehpad ou plus largement de la prise en charge en institution.

Pour Dominique Libault, « les Ehpad sont en relation avec trop d’acteurs : l’assurance maladie finance la partie soins, les départements la partie dépendance et les familles paient pour l’hébergement. Ce schéma de financement est trop complexe. Nous proposons de fusionner les soins et la dépendance, dans une enveloppe commune qui sera gérée demain prioritairement par les agences régionales de santé (ARS). Mais nous souhaitons rendre possible des expérimentations dans lesquelles les départements pourraient être pleinement gestionnaires de cette enveloppe. Pour les départements qui ne seraient plus gestionnaires, leurs dépenses seraient allégées d’autant et donc la plus grande partie des financements remonterait vers l’État. »

Par ailleurs le rapport préconise de mieux rémunérer les professionnels, et d’améliorer la qualité de service rendu en augmentant le nombre de personnels de proximité par résident en Ehpad de 25 % d’ici 2024.