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Établir un budget vert : mode d’emploi

La lutte contre le réchauffement climatique est un objectif désormais pleinement intégré aux politiques publiques locales. Pour objectiver leurs efforts, les collectivités territoriales ont la possibilité d’établir – pour le suivre dans le temps - un budget vert. Gros plan sur une pratique émergente.

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Compétentes dans de nombreux domaines clés au regard du changement climatique – les transports, l’urbanisme, le logement, la gestion des déchets ou encore l’eau et l’assainissement – les collectivités territoriales sont concernées au premier chef par le sujet de la transition écologique.

Pourquoi un budget vert ?

Un budget vert leur permet d’évaluer leurs actions au prisme de l’environnement. Un tel budget traduit l’engagement environnemental concret de la collectivité. Il met en lumière les dépenses ayant un impact environnemental significatif, positif ou négatif, pour ensuite en évaluer les effets. Outil de mise en cohérence de l’action publique, le budget vert est aussi un précieux instrument de pilotage de cette dernière.

Pour l’association i4CE (Institut de l’Économie pour le Climat), qui a construit son propre cadre de référence à destination des territoires, « La construction puis le vote du budget sont des moments clés où s’incarne concrètement la politique climatique d’une collectivité territoriale. Analyser un budget sous le prisme du climat permet de nourrir les débats budgétaires d’éléments de compréhension rapide des enjeux climatiques. C’est notamment au moment des arbitrages sur les dépenses (…) qu’il est possible de (…) les orienter le plus possible vers la transition climatique. »

Les collectivités territoriales engagées dans un processus de ce type sont encore peu nombreuses. En l’absence de consensus sur une méthode de référence, trois méthodes de budgétisation environnementale peuvent être utilisées. Ces méthodes sont combinables entre elles et bien sûr non exhaustives.

Méthode 1 : le budget carbone

Il s’agit de chiffrer l’empreinte carbone de la collectivité territoriale, en mesurant les émissions de gaz à effet de serre, directes ou induites, associées à chacune de ses actions, donc de ses lignes budgétaires. C’est là un bon moyen d’identifier les secteurs ou actions les plus polluants et mesurer l’efficacité des mesures prises pour réduire l’impact.

Les métropoles d’Oslo et de Manchester ont toutes deux opté pour cette méthode de green budgeting.

Avantages

  • C’est la méthode la plus parlante et la plus fiable scientifiquement. Si la collectivité a une ambition d’exemplarité, recourir à un évaluateur externe donne du poids à l’évaluation. Pourquoi ne pas commencer par un périmètre restreint, comme celui des routes ou des bâtiments communaux ?
  • Un budget carbone peut être étendu à un territoire dépassant les strates administratives.

Inconvénients

  • Un tel budget limite l’analyse aux seules émissions de gaz à effet de serre. Or, à ces enjeux d’atténuation s’ajoutent également des enjeux d’adaptation, c’est-à-dire d’ajustement au climat actuel et à venir, et à ses conséquences. Les autres enjeux environnementaux (qualité de l’eau, biodiversité…) sont passés sous silence.
  • Établir un budget carbone suppose le recours à des données fiables, assez difficiles à obtenir. Leur recueil suppose une technicité que toutes les collectivités ne maîtrisent pas.
  • Certains champs sont difficiles à évaluer. C’est le cas par exemple des dépenses sociales, majoritaires dans les budgets départementaux, qui ne sont ni favorables ni défavorables au regard des émissions carbone.

Méthode 2 : le budget pondéré

Un budget pondéré vise à calculer la somme des dépenses favorables à l’environnement dans le budget, en les pondérant selon leur impact estimé : 100% pour une dépense très favorable, 40% pour une dépense moyennement favorable, 0% pour une dépense neutre ou défavorable. Un tel budget permet donc d’avoir de la visibilité sur l’engagement de la collectivité en valeur absolue. La commune de Mérignac (33) s’est lancée dans ce type d’évaluation.

Avantages

  • Une telle méthode permet de dégager un agrégat du poids des dépenses favorables dans le budget. Et de suivre cette donnée dans le temps.

Inconvénients

  • Le total peut paraître dérisoire au vu de l’importance du bloc « neutre ».
  • S’agissant d’un montant global, une telle évaluation ne permet aucune comparaison, même entre collectivités de même taille ou au sein d’une même échelle territoriale. Le périmètre des délégations et la spécificité du contexte socio-économique rend tout rapprochement hasardeux.

Méthode 3 : le budget coloré

Il s’agit alors de classifier chaque dépense (voire recette) suivant un code couleur, de vert foncé (dépense très favorable) à marron (dépense défavorable). En 2019, l’État français s’est doté d’un cadre de référence de ce type pour la cotation de ses recettes et dépenses en matière environnementale à compter du budget 2020.

Avantages

  • C’est la méthode la plus facile à mettre en place.
  • Visuel par nature, le budget coloré permet d’identifier rapidement les secteurs les plus vertueux et les axes d’amélioration possibles.

Inconvénients

  • Un budget coloré ne fournit ni image globale, ni agrégat pertinent. C’est ligne par ligne que l’analyse est possible.
  • La zone grise (ou neutre) est a priori très importante.
  • Il existe un risque d’arbitraire dans le choix des colorations pour chaque ligne budgétaire.

Les questions à se poser

Le choix de la méthodologie retenue pour un budget vert doit s’accompagner d’une réflexion de fond sur sa mise en œuvre. Direction pilote, indicateurs, circuits de remontée d’informations, échelle d’évaluation (par direction, par service…) : les choix à opérer sont nombreux.

  • Quel périmètre ? – La collectivité souhaite-t-elle évaluer l’impact de l’ensemble de ses dépenses, ou des seules dépenses dont elle sait évaluer l’impact précis ? Souhaite-t-elle inclure les recettes ? Quid des budgets annexes ? Le périmètre retenu peut évoluer progressivement. Par exemple à l’issue d’une phase d’expérimentation dans les services techniques, avant extension à l’ensemble du budget communal.
  • Quels indicateurs ? – Ceux-ci doivent être faciles à obtenir pour les services. Ils doivent offrir une capacité d’action directe de la part des services et présenter un intérêt pour l’analyse.
  • Comment faire du budget vert un outil de décision ? – C’est le point clé pour que le budget vert ait un réel impact et que les agents sentent que leur travail a servi à changer les choses. Pour y parvenir, la première question à se poser est celle des objectifs poursuivis : diminuer les dépenses défavorables ? augmenter les dépenses favorables ? La question de l’importance donnée à ces objectifs lors des arbitrages budgétaire doit également être débattue.
  • Quelle méthode d’évaluation ? – Cette évaluation peut intervenir lors du vote du budget primitif ou de celui du compte administratif. En retraçant le taux d’exécution des dépenses budgétées, ce dernier offre un intérêt particulier en termes d’évaluation.

 

Aller plus loin

  • Évaluer aussi les recettes – En prenant notamment en considération la quote-part des projets financés via un prêt vert ou auprès d’un organisme de crédit neutre en carbone (c’est le cas de La Banque Postale).
  • Un budget rose ou rouge ? – Budget rouge sur critères sociaux, pour évaluer l’impact social des dépenses, budget rose pour évaluer la part du budget œuvrant  en faveur de l’égalité hommes-femmes : la démarche de « colorer » le budget de la collectivité peut être étendue à d’autres thématiques.
  • Découvrir l'éclairage d'Isabelle Chatry, chef de l'unité Décentralisation, Finances infranationales et infrastructures de l'OCDE, sur le budget vert, sa définition et ses défis. 
Découvrir l'interview d'Isabelle Chatry

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