L’entretien du patrimoine religieux : enjeux croisés, entre diocèses et communes

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Propriété des communes pour sa majeure partie et des diocèses pour les édifices construits après 1905, le patrimoine religieux de notre pays est vieillissant et se dégrade. Ces édifices forment pourtant des éléments structurants de la vie des villes et villages, et un atout touristique parfois non négligeable. Quels moyens mobiliser pour leur entretien et leur rénovation ? Depuis l’incendie de la Cathédrale Notre-Dame, la question revient dans le débat public.

Notre pays possède un patrimoine cultuel de renommée internationale qui, par sa quantité, sa qualité et sa diversité, le place au 2e rang mondial après l’Italie. Cet ensemble constitue une composante structurelle des paysages et de l’identité des territoires : un réel atout pour l’attractivité touristique, la vitalité sociale et le rayonnement des communes. Mais la gestion de ce patrimoine, tout trésor national qu’il soit, n’est pas sans poser de sérieuses questions, surtout aux collectivités propriétaires qui peinent à l’entretenir alors que dans le même temps son usage cultuel se raréfie.

Un patrimoine disparate difficile à cerner

Le patrimoine religieux français est un ensemble hétérogène, difficile à évaluer dans sa globalité. Ceci pour deux raisons.

D’une part, il se compose en effet d’édifices voués au culte, parfois désaffectés, mais comprenant aussi des bâtiments tertiaires destinés à d’autres vocations : bureaux, salles de réunion, établissements scolaires, lieux à vocation caritative ou à usage culturel, locaux scouts ou d’aumônerie, bâtiments d’accueil, boutiques etc.

Par ailleurs, les édifices à vocation cultuelle sont pour une part propriété des 87 diocèses (chiffres 2024), mais aussi pour partie propriété des communes, pour les édifices construits avant 1905, date de la loi de séparation de l’Église et de l’État.

Dans le cadre des États généraux du patrimoine religieux organisés de septembre 2023 à fin 2024 à l’instigation de la Conférence des évêques de France, un recensement du patrimoine chrétien français a été réalisé. Il y apparaît que 40 068 édifices cultuels catholiques sont actuellement propriété communale (contre 40 307 en 2015). Et que 2 145 édifices sont propriété diocésaine. Si 1 679 édifices sont fermés toute l’année, 39 % des églises sont ouvertes au public régulièrement.

La France compte aussi 149 cathédrales, en général patrimoine protégé, dont 52 qui sont propriétés de communes et 87 propriétés de l’État.

La valeur de l’immobilier qui constitue la majeure partie de l’actif de l’Église est difficile à évaluer : il est en effet amorti de très longue date et dès lors largement déprécié dans les comptes. La valeur patrimoniale d’une cathédrale vieille de près de 1000 ans est ainsi inestimable. De même, il est complexe de comptabiliser la valeur d’une église communale.

Un patrimoine vieillissant et vulnérable

Les bâtiments à vocation religieuse font face à divers enjeux de vulnérabilité. D’une part leur état est parfois vétuste, voire critique. Un rapport sénatorial publié en juillet 2022 faisait état des difficultés à évaluer l’état général de ce patrimoine, en l’absence d’inventaire exhaustif. Mais il citait toutefois des chiffres globaux du ministère de la Culture, estimant qu’à fin 2018, 23 % des immeubles protégés au titre des Monuments historiques étaient en péril ou en mauvais état.

D’autre part, ces édifices à haute portée symbolique peuvent être victimes d’agissements malveillants. Ainsi 2 666 édifices de culte ont été cambriolés depuis 2000, 1 476 ont subi des dégradations et 396 ont été profanés*$.

L’équation est enfin d’autant plus difficile à résoudre que le patrimoine religieux est un patrimoine soumis à des enjeux spécifiques et complexes. Il est ainsi classé en quasi-totalité. Dans son inventaire de fin 2024, l’Église catholique rappelle que sur près de 45 000 édifices protégés au titre des Monuments historiques, un tiers sont des lieux de culte catholique. Le ministère de la Culture atteste par ailleurs que plus de 80 % des 300 000 objets mobiliers classés ou inscrits sont des objets religieux, souvent conservés dans les églises paroissiales. À ce titre, cathédrales, églises et chapelles constituent le premier musée du pays.

  • Source : États généraux du patrimoine religieux – Conférence nationale des évêques de France - Novembre 2024.

Les moyens dont disposent les diocèses pour investir dépendent des dons

En France, l’Église catholique ne reçoit pas de subvention de l’État ou des collectivités locales (à l’exception des diocèses dits « concordataires » de Strasbourg et Metz). Ses ressources proviennent donc de la générosité des croyants. Les ressources globales de l’Église sont à la hausse. Le financement de l'Église et de son patrimoine repose sur un nombre restreint de catholiques, de plus en plus généreux.

Les ressources de l’Église sont ainsi constituées :

  • à 47 % du Denier de l’Église, collecté annuellement, avec 275€ de don moyen. À noter que les diocèses reçoivent plus de 12 % des dons déclarés au fisc ;
  • à 28 % du produit des quêtes effectuées lors des messes, en général destiné aux besoins de la communauté paroissiale et à l’entretien des édifices religieux construits après 1905 ;
  • à 15 % du casuel : offrande des fidèles à l’occasion de mariages, de funérailles ou de baptêmes ;
  • et à 10 % des offrandes de messes pour une intention particulière.

Sur ce total, les legs et assurances-vie alimentent 14,23 % des revenus de l’Église.

Dans les diocèses, qui fonctionnent en autonomie financière, les moyens financiers disponibles localement pour l’entretien du patrimoine varient considérablement d’un diocèse à l‘autre. À noter que les comptes des associations diocésaines sont publics et comme tels, publiés au Journal officiel. Depuis 2006, ils sont par ailleurs obligatoirement visés par un commissaire au compte.

Les collectivités à la peine pour investir à la mesure des besoins

En comparaison avec d’autres pays, la propriété publique d’une grande partie du patrimoine religieux a, en France, favorisé sa préservation et son entretien.

Mais si l’on en croit le rapport sénatorial de 2022, qui continue de faire référence, « ce patrimoine souffre d’un entretien irrégulier et d’un niveau très variable selon les capacités financières des communes. Le bilan sanitaire réalisé dans les années 1980*$ mettait en évidence que les bâtiments les plus menacés étaient les chapelles et les édifices isolés et, généralement, les bâtiments les plus anciens et les plus petits du fait d’un déficit d’entretien.

Le patrimoine religieux était plus dégradé en milieu rural qu’en milieu urbain : la moindre fréquentation des édifices et leur fermeture plus répétée favorisent l’apparition de désordres structurels par manque de ventilation et par une surveillance moins régulière. Moins les édifices sont utilisés pour le culte, plus leur état de santé est mauvais. »

Concrètement, il n'est pas rare que des édifices soient désaffectés ou fermés car dans l'impossibilité de recevoir du public, en toute sécurité.

  • Par le ministère de la Culture. C’est le dernier inventaire à date.

Le recours des communes aux dons se généralise

Depuis l’incendie de la Cathédrale Notre-Dame, la collecte de dons auprès du public a été démultipliée. De nombreuses communes tentent de capter la générosité du public, y compris à l’international, pour flécher des dons vers la rénovation de petites églises. L’Église a conçu à leur intention un Guide du mécénat du patrimoine religieux. Mécénat financier des entreprises, mécénat des fondations et fonds de dotation, financement participatif (ou crowdfunding) : les formules mobilisables sont diversifiées.

En septembre 2024, la Fondation du Patrimoine a annoncé avoir collecté 11,7 millions d’euros en un an pour aider les petites communes de moins de 10 000 habitants (et de moins de 20 000 habitants en outre-mer) à préserver leurs édifices religieux. Grâce à une collecte nationale non affectée à un projet particulier. Plus de 1 100 collectes ont par ailleurs été ouvertes pour des projets précis.

La loi de finances 2024 a permis la mise en place d'une collecte nationale de dons gérée par la Fondation du patrimoine afin d'aider à financer les travaux de conservation d'édifices religieux situés dans les petites communes. Les dotations de soutien à l'investissement des collectivités peuvent aussi contribuer au financement des opérations portant sur l'entretien et la conservation d'édifices cultuels dont les collectivités sont propriétaires. En 2023, près de 1 200 projets de rénovation des édifices religieux ont été soutenus par l'Etat pour un montant total de subventions de 46,8 millions d’euros*$.

Le code général des collectivités territoriales prévoit aussi une dérogation à la règle de participation minimale du maître d'ouvrage, fixée en principe à 20 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques. Cette dérogation peut être accordée pour les opérations de rénovation des monuments protégés, ou même pour le bâti non protégé, lorsque l'urgence ou la nécessité publique le justifie, ou lorsque la participation minimale est disproportionnée au vu de la capacité financière de la collectivité maître d'ouvrage.

  • Source : ministère de l’Aménagement du territoire et de la décentralisation.

Une partie du patrimoine religieux est soumise au Décret tertiaire

Le Décret tertiaire, qui découle de la loi ELAN, s’applique à tous les bâtiments à usage tertiaire de plus de 1 000 m2. Il oblige les propriétaires à procéder à un diagnostic de performance énergétique et à s’engager dans la réduction de la consommation d’énergie finale du bâti concerné d’au moins 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050, par rapport à une consommation de référence de l’année 2010 ou postérieure.  Or si les lieux de culte sont exemptés, ce n’est pas le cas de tous les bâtiments tertiaires à usage non cultuel possédés par les diocèses.

Dans les faits, les diocèses se sont engagés avec retard dans le processus.

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