C’est une tendance de fond, à laquelle il va devenir difficile d’échapper dans les années à venir : le reporting extra-financier est en train de devenir la norme. Une démarche incontournable, en tout cas, dès lors qu’un organisme de logement social souhaite quantifier, renforcer et démontrer factuellement ses engagements en matière de RSE. À l’heure où la donnée s’impose comme un enjeu crucial, avec des exigences d’évaluation et de transparence toujours plus élevées, rendre compte de ses performances environnementales, sociales et sociétales devient aussi, pour les bailleurs sociaux, un passage obligé pour répondre aux attentes de leurs partenaires et financeurs.
Entre 30 et 40 organismes HLM directement concernés
La directive européenne 2022/2464, dite « CSRD » (Corporate Sustainability Reporting Directive), publiée le 14 décembre 2022, instaure une nouvelle obligation de reporting de durabilité pour les entreprises dépassant deux des trois seuils suivants : 250 salariés (contre 500 pour la Déclaration de performance extra-financière actuellement en vigueur), 20 millions d’euros de bilan et 40 millions d’euros de chiffre d’affaires net (contre 100 M€ antérieurement avec la DPEF).
Ce texte européen va progressivement rendre obligatoire, en France, la publication annuelle d’un rapport de durabilité pour un nombre élargi d’acteurs du logement social. Il s’appliquera dès 2025 (à partir des données 2024) aux bailleurs sociaux actuellement déjà soumis à la DPEF, soit une quinzaine d’Entreprises Sociales pour l’Habitat (ESH) et de SEM immobilières (sociétés d’économie mixte). À compter de 2026 (sur les données 2025), l’obligation de reporting extra-financier sera étendue aux autres ESH et EPL répondant aux critères réglementaires. Au total, entre 30 et 40 organismes HLM devraient être concernés, d’après une première estimation de la fédération des ESH. L’exigence de reporting s’appliquera aux bailleurs sociaux rattachés à un groupe. Elle ne concernera a priori pas les offices publics de l’habitat (OPH), une ordonnance à paraître avant fin 2023 devant confirmer ce dernier point.
Le reporting de durabilité : un nouveau paradigme
Avec le rapport de durabilité, les bailleurs sociaux vont devoir objectiver l’impact de leurs activités en termes de durabilité (impact environnemental, sociétal, social et de gouvernance). Mais là où la DPEF était essentiellement centrée sur les indicateurs témoignant des performances passées, le rapport de durabilité interrogera les modèles de développement et l’incidence des enjeux de durabilité sur la pérennité à venir de la structure concernée. Il ne s’agira donc plus seulement de produire des indicateurs, mais de fournir des informations plus détaillées sur les stratégies, les objectifs et les moyens déployés. Un changement de paradigme, qui obligera les bailleurs sociaux à adopter une posture plus prospective.
Le reporting extra-financier s’appuiera sur des normes dites « ESRS » (European Sustainability Reporting Standards) destinées à encadrer et harmoniser les publications des entreprises.
Par voie d’actes délégués de la Commission européenne, des normes communes à l’ensemble des entreprises seront édictées durant l’été 2023. Ces normes reposent sur trois catégories de facteurs, environnementaux, liés aux droits sociaux et droits de l’homme et de gouvernance. S’y ajouteront, courant 2024, des normes sectorielles plus spécifiques.
L’accès au financement
Les projets des bailleurs sociaux en faveur de la transition écologique devraient être favorisés par les établissements bancaires dans la lignée de leurs obligations de Green Asset Ratio : cet indicateur mesure la part du bilan des banques consacrée au financement des projets alignée avec la Taxonomie verte européenne. Les banques sont ainsi incitées à encourager les financements d’actifs durables et moins émissifs, dont les bâtiments les plus performants sur un plan énergétique par exemple.
Dotée de la qualité d’Entreprise à Mission depuis plus d’un an, La Banque Postale déploie progressivement l’Indice d’Impact Global (IIG). Cet outil mesure pour chaque décision d’octroi de crédit de La Banque Postale son impact en termes :
- environnemental (empreinte CO2, artificialisation des terres, usage de l’eau…)
- d’inclusion (égalité femme/homme, emploi de personnes en situation de handicap, formation des salariés…)
- territorial (emplois créés, recours à des fournisseurs locaux)
en complément de la mesure du risque et du rendement financiers.
L’IIG permettra de favoriser l’accompagnement de tous les clients, entreprises et particuliers, dans leur transition énergétique, écologique et sociale, ainsi que la résilience de tous les clients de La Banque Postale face à ces mêmes enjeux.
Un levier pour l’action et un outil de pilotage
Pour la fédération des EPL (FedEPL), le rapport de durabilité n’est pas une simple contrainte de plus. La fédération y voit un possible levier managérial pour les bailleurs sociaux, et un outil de projection stratégique au service de leurs transitions environnementale et énergétique. La FedEPL entend outiller l’ensemble des SEM Immobilières pour qu’elles s’emparent progressivement de la démarche, avec des guides, événements dédiés et programmes de formation.
Acteurs au service de l’intérêt général, les bailleurs sociaux ont vocation à s’approprier la logique du reporting de durabilité. Cela indépendamment de leur taille et de leur statut juridique, comme un atout pour alimenter le dialogue et la coopération avec leurs parties prenantes, à commencer par leurs financeurs et leurs partenaires territoriaux.
Vers une taxonomie verte européenne
En cours d’élaboration, la future taxonomie verte européenne est une grille de classification des activités les plus favorables à l’environnement. Ce référentiel ne concernera pas directement les acteurs du logement social dans un premier temps. Mais il va néanmoins constituer une base de référence à laquelle se fier pour solliciter des financements verts complémentaires. Les critères d’attribution des prêts verts de La Banque Postale s’y référeront d’ailleurs explicitement.