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La conquête du marché bancaire par les GAFA

Depuis maintenant une dizaine d’années, les GAFA entreprennent une stratégie de diversification afin de conquérir de nouveaux marchés et de proposer des offres de plus en plus complètes à leurs clients. Du service de streaming à l’automobile, l’appétit des GAFA semble insatiable. Outre la valeur vénale des services proposés, cette diversification permet de collecter de plus en plus de données sur les utilisateurs, le fameux or noir du 21e siècle permettant de faire tourner leurs algorithmes notamment à des fins publicitaires.

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Dans cette optique, les GAFA tentent désormais de mettre la main sur les données bancaires en proposant des services bancaires aux particuliers. Ces données, particulièrement sensibles au regard de leur teneur, permettraient d'obtenir notamment des informations plus complètes sur les habitudes de consommation des individus.
Toutefois, le développement des GAFA sur le marché bancaire semble freiné en Europe en raison notamment des lois étatiques, du RGPD et de l’absence d’acteur bancaire paneuropéen avec lequel lier un partenariat. 

La stratégie de diversification des GAFA vers de nouveaux services bancaires et financiers

Dans leur stratégie de diversification, les GAFA ont déjà développé des offres assimilables à des services bancaires aux États-Unis. Allant du simple moyen de paiement à la tentative de création d’une nouvelle monnaie, les initiatives en ce sens se multiplient. 

Amazon est certainement le pionnier en la matière avec la commercialisation en 2002 de sa propre carte bancaire dans le but de développer des services de compte courant.
Dès lors, d’autres acteurs emboîtent le pas en proposant leur propre moyen de paiement :

  • Apple a développé l’Apple Card disponible en 2020 aux US. Connectée à l’application native Wallet de l’Iphone, elle fonctionnerait de pair avec l’Apple Pay en proposant un système de cashback avantageux.
  • Quant au géant des VTC, Uber a développé sa branche financière Uber Money avec le développement d’un portefeuille électronique lui aussi associé à un programme de cashback.

D’autres GAFA veulent aller plus loin dans la démarche. Ainsi, Google souhaite lancer dès 2020 une banque en ligne (Cache) principalement dédiée à une utilisation mobile avec des outils de gestion de compte facile à prendre en main.

Au-delà du simple service bancaire, Facebook veut battre monnaie en surfant sur le l’émergence d’une nouvelle monnaie indépendante du monopole des États. Néanmoins, la création du Libra en principe indexé sur des devises et titre d’état pour garantir sa stabilité, se heurte à de nombreuses réticences de la part des gouvernements et des banques centrales des principaux pays de l’OCDE.

Ceci étant, les GAFA restent encore aujourd’hui dépendant des acteurs traditionnels du secteur (Goldman Sachs, Citigroup…) pour bénéficier de leur expertise. En effet, les différentes offrent développées en ce sens sont le fruit de partenariats. Leur autonomie en la matière reste donc encore contestable.

Les atouts des GAFA pour conquérir le marché bancaire

Il n’en demeure pas moins que les GAFA disposent de nombreux atouts pour conquérir le marché bancaire. En effet, il dispose d’un déport d’expertise acquis dans leur coeur de métier :

  • le développement d’applications mobiles, web et desktop avec des parcours utilisateurs fluides et intuitifs ;
  • une base de client immense acquise et fidélisée par des techniques de marketing favorisant l'émergence d’ambassadeurs et l’interconnexion entre leurs différents services améliorant drastiquement la conversion et la rétention. 

Les dangers de la collecte des données bancaires par les GAFA

Si certains consommateurs peuvent se réjouir de l’arrivée de nouveau service venant renforcer la panoplie existante, il n’en demeure pas moins que la diversification à outrance des GAFA peut poser un sérieux problème au niveau de la protection de la vie privée des consommateurs.

En effet, les GAFA disposent déjà de nombreuses informations acquises de manière plus ou moins contestables sur nos habitudes de consommation, nos centres d’intérêt, notre vie professionnelle, nos liens familiaux et amicaux...
Ces informations sont pour le moment majoritairement utilisées pour faire fonctionner leur propre algorithme publicitaire pour proposer aux annonceurs une audience de plus en plus ciblée. Mais, elles servent aussi à programmer des intelligences artificielles dans le cadre par exemple d’optical recognition (reconnaissance d’image) indispensable pour le développement de la voiture autonome. Sans entrer dans un scénario dystopique, les dérives possibles de l’usage de ces données en l’absence de garde-fou pourraient poser de sérieux problèmes d’éthique. 

Au demeurant, les données bancaires sont pour le moment inaccessibles aux GAFA. Elles présentent pourtant un caractère particulièrement stratégique puisqu’elles permettent de connaitre la situation patrimoniale et financière de chaque individu. Avec ces données, les GAFA pourraient affiner leur stratégie de ciblage en disposant d’une information complète sur les besoins et les ressources de chaque individu.  Il apparaît donc dangereux de concentrer un tel pouvoir entre les mains de quelques acteurs.

Les difficultés rencontrées par les GAFA pour la conquête du marché bancaire européen

Certainement en raison de son histoire, le marché bancaire européen n’est pas aussi facile à conquérir que le marché américain.

D’une part, les GAFA restent encore aujourd’hui dépendant des acteurs bancaires traditionnels pour développer leur offre bancaire. Or, contrairement aux États unis, l’Europe ne compte pas d’acteur paneuropéen avec lequel s'associer. Les GAFA devront donc s’associer avec une multitude d’acteurs et négocier des accords avec les différents pays pour s’implanter convenablement.

D’autre part, chaque pays dispose de sa propre réglementation en matière d’établissement de crédit. L'obtention d’une licence à défaut de pouvoir profiter de celle d’un acteur préexistant peut s'avérer complexe et chronophage orientant leur conquête vers l’activité de prestataire de service de paiement (PSP) où la réglementation est relativement plus souple et permissive.

Enfin, l’entrée en vigueur du RGPD (règlement général de la protection des données) au niveau européen constitue un véritable frein quant à la collecte et aux traitements des données personnelles. En effet, les données bancaires sont considérées comme sensibles au sens du règlement les obligeant à mettre en place des infrastructures de sécurité coûteuses et de respecter notamment le consentement des utilisateurs quant à l’utilisation des données.

Ceci étant, à La Banque Postale, nous estimons que la protection des données de nos clients est une priorité pour garantir la vie privée de chacun. Selon nous, offrir l’opportunité aux GAFA d’agréger vos données bancaires fait courir un risque aux libertés individuelles. C’est pourquoi, en tant que banque citoyenne, nous avons développé une politique visant à ne jamais faire transiter vos informations personnelles par des outils appartenant à ces derniers. Notamment dans le cadre de nos campagnes publicitaires, nous nous efforçons de trouver des alternatives via des médias Français et des moteurs de recherche plus soucieux du respect de la vie privée de nos clients.

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