Pourquoi et comment une banque analyse-t-elle la situation financière d’une collectivité ?

Les collectivités territoriales ont la réputation de constituer un risque faible pour les banques. Et, pourtant, avant tout octroi d’un prêt, une analyse de risque préalable est menée pour valider la capacité de l’emprunteur à rembourser sa dette. Les explications de Christophe Doré, responsable adjoint du pôle Risques Secteur Public Local au sein de La Banque Postale.

Lecture 3 min

Qu’est-ce que l’analyse de risque menée dans le cadre de la négociation d’un prêt ? Et pourquoi est-elle réalisée ?

Christophe Doré, responsable adjoint du pôle Risques Secteur Public Local au sein de La Banque Postale..

Premier prêteur aux collectivités territoriales, La Banque Postale couvre environ 25 % de leurs besoins annuels de financement ces dernières années. Avant de nous engager à financer un projet, nous nous assurons, comme tout banquier, de la solvabilité du futur emprunteur, donc de sa capacité à nous rembourser en temps et en heure.

Nous effectuons par ailleurs un travail de re-notation annuelle de l’ensemble de nos clients. Ceci signifie que lorsque nous détenons un encours sur une collectivité, nous effectuons à minima une revue annuelle de sa situation financière, ceci pour toute la durée du prêt.

En quoi consistent ces analyses ? Quels sont les indicateurs analysés ?

Nos analyses reposent sur un vaste ensemble de données externes, à caractère économique, et fiscal (notamment fournies par l’Insee, ou la DGFIP), auxquelles s’ajoutent les données sectorielles et internes dont nous disposons et une analyse financière propre à chaque collectivité locale. Nous avons recours aux études et rapports produits par la Cour des Comptes et les Chambres régionales des Comptes.

Notre analyse est en partie rétrospective et s’appuie sur une analyse pluriannuelle, donc non biaisée par un éventuel événement exceptionnel sur une seule année.

Notre analyse embrasse large. Elle s’appuie sur les comptes de la collectivité : comptes administratifs, de gestion, budget primitif, débat d’orientations budgétaires… Nous regardons  le niveau de performance budgétaire de la collectivité : son niveau d’épargne brute, d’épargne de gestion et d’épargne nette (ce dernier indicateur mesurant la capacité de la collectivité à financer ses investissements une fois sa dette remboursée), la situation de sa trésorerie, sa capacité de désendettement, le niveau de rigidité de ses dépenses (qui mesure la capacité de la collectivité à différer une dépense en cas d’imprévu conjoncturel, tout en continuant à honorer les remboursements de sa dette). Nous prêtons attention à ses éventuels engagements hors bilan et bien entendu à l’éventuelle présence de prêts structurés dans son encours de dette.

Notre analyse inclut également des données fiscales, comme les états 1259 et 1253, qui nous permettent d’évaluer les bases fiscales et le potentiel fiscal d’une collectivité.

Nous procédons en comparaison par rapport à des moyennes – ou des médianes – relatives à la strate de collectivité concernée. Nous nous efforçons d’être aussi spécifiques et pertinents que possible, en comparant par exemple les grandes villes entre elles.

Le projet financé entre-t-il en considération ?

Nous ne sommes pas compétents pour juger de la pertinence de tel ou tel choix technique. Ce qui importe la banque, c’est surtout de comprendre l’impact du projet sur la situation financière de l’emprunteur : s’il peut dégrader ou améliorer cette situation.

Ceci ne nous empêche pas d’avoir une appétence particulière pour les projets verts particulièrement novateurs !

En quoi cette analyse sert-elle l’intérêt des deux parties ?

Il est très important, lorsque nous accordons un prêt, de connaître ce que l’on appelle la « qualité de la contrepartie ». Cet élément peut d’ailleurs déterminer le niveau de prix appliqué à la collectivité. Notre estimation du risque définit ainsi nos conditions d’intervention : le taux appliqué, mais aussi la quote-part du projet financé, la durée du prêt etc.

Pour les collectivités, notre analyse peut constituer aussi une estimation de leur risque éventuel de surendettement, pour éviter un emprunt qu’elles ne pourraient honorer. Leur situation financière est évaluée par notre équipe « risque de crédit » constituée de spécialistes du secteur public local.

Il faut savoir que les collectivités territoriales et les satellites bénéficiant de leurs garanties (SEM, SDIS, EPL, CCAS, OPHLM etc.) sont réputés présenter un faible niveau de risque. Les collectivités françaises sont très contrôlées et évoluent dans un cadre institutionnel très favorable, avec une limitation de l’emprunt de long terme aux seuls investissements et des règles les obligeant à un scrupuleux équilibre budgétaire.

Comment une collectivité  peut-elle contribuer à cette démarche ?

En fournissant un dossier complet rapidement ! Ce dossier est constitué de documents très classiques : dernier compte administratif, dernier budget primitif et parfois de quelques autres pièces en fonction de la nature du projet.

Ceci nous permet de vous assurer d’un délai de traitement réduit et d’une réponse dans les meilleurs délais. Ainsi, dans le cadre de son partenariat avec l’Allier dans le cadre du plan d’urgence, La Banque Postale a pris l’engagement d’une réponse sous 48h aux sollicitations des communes de moins de 5 000 habitants.

La crise économique induite par la crise sanitaire du COVID-19 change-t-elle la donne en ce qui concerne la situation financière des collectivités ?

Dans l’ensemble, les collectivités territoriales françaises affichaient fin 2019 une excellente santé financière. Elles étaient donc dans la meilleure situation possible pour encaisser sans dommage excessif un choc tel que celui de la crise sanitaire.

Il existe néanmoins un risque associé à l’impact de la détérioration économique sur les recettes fiscales des collectivités. Cela avec un effet retard, la fiscalité locale étant en partie assise non sur des flux, mais sur des stocks.

Concrètement, les Départements sont les plus impactés, du fait de la forte diminution des droits de mutation sur les ventes immobilières, qu’ils encaissent, et d’autre part de la forte hausse des dépenses sociales (notamment, du RSA) qui leur incombent.

Cette situation va-t-elle impacter les analyses de risque menées auprès des collectivités ?

Nous serons soucieux de bien comprendre les projets qui nous sont soumis. Nous regarderons attentivement la manière dont les collectivités vont absorber les impacts de la crise et nous nous attacherons à bien comprendre leurs choix stratégiques. Il reste qu’une large part du choc pour les finances publiques est en réalité absorbée par l’État et la sphère sociale (assurance maladie, URSSAF, Unedic…).

À lire également

ligne. À lire également

À lire également

Solutions associées