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Loi ELAN : de nombreux défis pour les nouveaux groupes de bailleurs sociaux

La loi Évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (dite loi ELAN) du 23 novembre 2018 impose aux bailleurs sociaux ne totalisant pas 12 000 logements de se regrouper d’ici au 1er janvier 2021. Une restructuration à marche forcée qui va induire de nouveaux fonctionnements. Et ouvrir de nouvelles opportunités ? 

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Paysage morcelé, le secteur du logement social est en train d’opérer, dans le cadre de la loi ELAN, un mouvement de concentration sans précédent. La loi Logement (ou loi ELAN) oblige en effet les organismes HLM présentant une taille de parc inférieure à 12 000 logements(1) à se restructurer pour constituer des groupes d’ici au 1er janvier 2021.

Un nouveau paysage du logement social

Cette obligation de regroupement s’applique aux offices publics de l’habitat (OPH), aux entreprises sociales de l’habitat (ESH), mais aussi aux coopératives et fondations d’HLM, ainsi qu’aux sociétés d’économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux (SEM agréées logement social).

Deux modalités de regroupement sont proposées par la loi ELAN : la fusion capitalistique autour d’une société « tête de file », ou la formation d’une société de coordination (ou SAC), outil juridique ad-hoc mis en place pour l’occasion.

Au 1er août 2020, selon un bilan d’étape produit par la mission Quercy/de Veyrinas, chargée du suivi de l’application de la loi, 357 organismes HLM – sur les 607 existants au plan national - n’atteignaient en effet pas la masse critique requise. Parmi ces 357 organismes concernés, seuls 68 bailleurs sociaux avaient finalisé un projet de regroupement à fin juin. 99 organismes étaient engagés à cette date dans un projet de restructuration. 143 autres avaient lancé des études en vue d’y parvenir. Il restait alors 22 bailleurs sociaux – essentiellement des OPH et SEM, pour beaucoup situés en Ile-de-France – n’ayant encore engagé aucune démarche.

Nouveaux groupes de bailleurs : des enjeux de gouvernance

Dans le mouvement de regroupement induit par la loi ELAN, l’impulsion naturelle va aux rapprochements locaux entre organismes géographiquement voisins. Mais des rivalités politiques peuvent être un obstacle. Pour cette raison, certains organismes optent plutôt pour un rapprochement appuyé par des cohérences de stratégie ou de complémentarité de patrimoine ou d’offres, quitte à élargir le périmètre de leurs recherches de partenaires.

Les futurs groupes de bailleurs sociaux sont confrontés à des questionnements inédits en termes de gouvernance. Un premier choix d’organisation consiste à opter pour le fonctionnement centralisé et vertical d’un groupe au sens du Code du Commerce, avec une société mère contrôlant directement ou indirectement le capital de ses filiales. De tels groupements ont désormais l’obligation de définir des cadres stratégiques communs, en matière de gestion du patrimoine mais aussi d’utilité sociale.

La solution alternative consiste à recourir à la création d’une société anonyme de coordination, forme de regroupement non capitalistique. Créée par la loi ELAN, la SAC peut prendre la forme d’une société anonyme (les décisions étant prises sur une base « une action égale une voix ») ou d’une société coopérative (où un actionnaire vaut une voix, quel que soit le poids de chacun d’entre eux). Mais même dans le cadre d’une SAC, dont le fonctionnement est plus décentralisé, les investissements doivent être communs et la nouvelle législation impose des liens de subordination, de contrôle de gestion et de solidarité entre les membres, notamment pour garantir leur soutenabilité financière.

Restructuration du secteur HLM : des opportunités et des besoins financiers nouveaux

En réorganisant l’ensemble du secteur HLM, l’État entend faire émerger des organismes atteignant la taille critique requise pour une conduite autonome de fonctions stratégiques. La limitation du nombre d’organismes de logement social doit permettre de mieux accompagner le nécessaire développement de construction de logements sur les territoires, notamment en zone tendue. La nouvelle obligation légale a aussi pour objectif d’inciter à la mutualisation de certaines fonctions, source de substantielles économies d’échelle. Regrouper les moyens financiers devrait enfin faciliter les investissements, notamment dans le cadre de réhabilitation du parc.

Politique d’achats groupés, investissements mutualisés, acquisition de foncier coordonnée, partage de compétences : la mise en commun de leurs moyens doit permettre aux organismes de mieux répondre aux objectifs ambitieux du logement social et des politiques locales de l’habitat.

Enjeu patrimonial et économique, le regroupement des organismes pourrait ainsi créer des opportunités de mieux répondre aux besoins des territoires et aux enjeux de diversification du secteur (vente de logements, prestation de services, numérisation…). Et de mieux faire face aux défis de la reprise après la crise sanitaire.

Loi ELAN : quel impact sur les locataires ?

Les associations de locataires se sont inquiétées de l’éloignement des centres de décision dans les futurs groupes et de la perte de proximité dans la relation bailleurs-locataires. Ils alertent également sur la réduction du nombre de leurs représentants siégeant aux instances de gouvernance des bailleurs sociaux, une fois ceux-ci regroupés.

La restructuration induite par la loi ELAN aura toutefois de nombreux intérêts pour les habitants de logements sociaux. Notamment en favorisant leur mobilité dans un parc plus étendu et en leur permettant un accès prioritaire à la propriété pour le rachat de logements sociaux. Mais aussi en mettant l’accent sur la qualité du service rendu aux occupants des logements avec des structures plus adaptées liée à la mise en place de « groupes bailleurs ».

Vers un report de l’échéance à 2022 ?

Les nouvelles priorités découlant de la crise sanitaire, mais aussi le report à la rentrée 2020 du second tour des élections municipales posent la question du report au 1er janvier 2022 de l’échéance légale.

La fédération du mouvement, l’USH (Union sociale pour l’habitat) a officiellement demandé ce report d’un an et n’a pas encore obtenu de retour du ministère.

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(1) Sauf cas d’exemption prévue par la loi ELAN