Les taux devraient rester extrêmement bas dans les années à venir

Conséquence des inquiétudes suscitées par la crise sanitaire, les taux d’intérêt sont et vont se maintenir à un niveau historiquement bas. Une situation qui facilite l’accès au crédit pour les collectivités territoriales. Et qui pourrait contribuer à la relance, notamment via l’investissement vert. L’analyse d’Alain Henriot, responsable des études économiques à La Banque Postale.

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S’agissant des taux d’intérêt, on parle d’un niveau historiquement bas. Qu’en est-il exactement ?

Le point clé tient au niveau de rendement des emprunts d’État, qui est devenu très faible. Les OAT, obligations assimilables du Trésor émises par l’État français, le sont à un taux proche de zéro(1). Or ce taux à 10 ans, payé par l’État, est l’un des taux de référence des banques, notamment pour les prêts immobiliers.

Le taux de référence à court terme de la Banque Centrale Européenne (BCE) est nul. La BCE affiche des taux voisins de zéro pour ce qui concerne le refinancement des banques, et même négatifs pour la rémunération des dépôts. L’Euribor à 3 mois, taux de référence pour les lignes de trésorerie des collectivités territoriales, est passé en négatif. C’est aussi le cas de l’€ster, taux auquel les banques se prêtent mutuellement de l’argent.

Quelle est, en conséquence, la forme de la courbe d’évolution des taux ?

On assiste à un fort écrasement de la courbe des taux. Ceci signifie que le niveau des taux longs (à partir de 10 ans) est actuellement très proche de celui des taux à court terme.

Comment s’explique cette situation ?

Elle découle de la crise financière de 2008. Les banques centrales ont alors fortement baissé leurs taux d’intérêt directeur et les ont progressivement ramenés à zéro. Cela, très vite aux États-Unis, un peu plus tardivement en Europe.

À partir de la crise de la dette de 2012, la BCE s’est lancée dans des programmes massifs d’achat d’actifs, surtout des obligations d’État. Cette politique monétaire très active a eu pour conséquence de maintenir les taux à long terme à des niveaux très bas.

Deux épisodes récents ont renforcé cet infléchissement : les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine en 2019 et bien entendu la crise sanitaire du COVID-19 en 2020. Avec, dans les deux cas un impact mondial à la baisse sur le niveau des taux d’intérêt.

Quel est l’impact de la crise sanitaire sur l’évolution des taux ?

Au début de la crise sanitaire, un effet « risque » s’est fait sentir, avec une pression haussière exercée sur les taux. Ce qui explique qu’en dépit de l’interventionnisme des banques centrales dans l’achat d’emprunts d’État, les taux d’intérêt, déjà extrêmement bas, n’aient finalement pas baissé davantage.

L’économie mondiale traverse actuellement une crise inédite par son ampleur. Le niveau d’endettement des États atteint des niveaux inédits : 160 points de PIB en Italie, plus de 100 points de PIB en France. Pour éviter toute crise de liquidité au moment où les acteurs en ont le plus besoin, la BCE n’a désormais pas d’autre choix que de maintenir les taux d’intérêt à leur plus bas historique actuel, toute augmentation pouvant nuire au redressement de l’économie.

En zone euro, la perte d’activité économique sera très probablement durable, en dépit du rebond économique significatif observé depuis le déconfinement. Les agents économiques vont sortir de cette crise avec un surcroît de dette, ce qui va contraindre la BCE à garder ses taux directeurs à un niveau très bas, voire négatif pour la facilité de dépôt, pour au moins 3 ou 4 ans.

Quels sont les scénarii possibles pour une éventuelle remontée des taux à l’avenir ?

Seule une normalisation de la situation sanitaire, puis de la situation économique avec un retour à la confiance des ménages et des entreprises pourraient jouer en faveur d’une remontée des taux d’intérêt. Le scénario le plus rose découlerait d’une confirmation de vaccin contre le SARS-CoV-2, avec une sortie de crise plus rapide qu’escompté.

Ce scénario est toutefois très incertain. L’hypothèse la plus consensuelle est celle d’un retour en 2022 de l’activité  à son niveau de 2019. Même s’ils remontent légèrement dans les années à venir, les taux d’intérêt devraient donc rester très bas pendant longtemps.

Priorité aux taux fixes et aux durées longues

Emprunter à taux fixe et sur une durée longue pour financer les investissements du quotidien, c’est le choix fait par une grande majorité de collectivités territoriales. Ces dernières n’hésitent ainsi pas à étaler leurs annuités d’emprunt sur 25 ans, l’équipement financé devant bénéficier à plusieurs générations.

Le recours à l’emprunt sur une durée longue se justifie aussi par une courbe des taux actuellement peu pentue : le différentiel de coût des prêts à court et long terme s’en trouve réduit.

Alors que la crise de la dette de 2011 avait rendu difficile à l’accès aux prêts à durée longue, l’importance des liquidités actuellement disponibles joue également en faveur des prêts de long terme. D’autant que le prix du crédit affiche un plus bas historique.

Dans le trio de tête des projets territoriaux financés par l’emprunt – travaux de voirie, eau et assainissement, réhabilitation des bâtiments publics - l’investissement vert tient une bonne place. Qu’il s’agisse du développement des mobilités douces, du renouvellement des réseaux d’eau ou de l’amélioration de la performance énergétique du patrimoine immobilier, le recours aux prêts verts permet à des collectivités de toutes tailles de participer au développement d’une finance responsable et durable. Les prêts verts sont en effet refinancés par l’émission groupée d’obligations vertes sur les marchés financiers.

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(1) -0,2 % début septembre 2020.

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